« Ce n’est pas une lutte pour la démocratie », disent les Palestiniens à propos des manifestations anti-gouvernementales en Israël

Ibrahim Husseini, 28 mars 2023. Les citoyens palestiniens d’Israël sont largement restés à l’écart des rassemblements antigouvernementaux qui ont commencé au début de l’année et qui ont mis les spéculations sur une guerre civile sur le devant de la scène. Ils ont finalement obligé le Premier ministre Netanyahu à annoncer un gel temporaire de la législation controversée défendue par ses partenaires ultra-religieux et d’extrême-droite.

Pendant les manifestations israéliennes soi-disant « pro-démocratie », des colons installent une nouvelle colonie sioniste dans la Vallée du Jourdain.

Au sujet de la crise entre le gouvernement et l’opposition, les Palestiniens pensent majoritairement qu’il ne s’agit pas d’un combat pour apporter une véritable démocratie à tous les citoyens du pays, mais plutôt pour enraciner une démocratie pour les Juifs qui perpétuera les inégalités et l’occupation.

« C’est un mouvement dont nous ne pouvons pas faire partie », a déclaré Sami Abu Shahadeh, chef du parti Balad, au New Arab.

L’homme politique, né à Jaffa, a déclaré qu’il considérait la crise en Israël comme une lutte entre les anciennes élites qui ont fondé l’État d’Israël et les nouvelles élites, les « nationalistes extrêmistes », avec des approches différentes pour maintenir la « suprématie juive » sur les Palestiniens.

« Nous voulons une démocratie normale et la justice pour tous », a ajouté Abu Shahadeh, déplorant « le manque de partenaires qui croient en la justice ».

Amani Khalifa, un citoyen palestinien d’Israël de la ville d’Um al-Fahem, dans le nord du pays, et qui étudie actuellement à l’étranger, a déclaré au New Arab que les protestations contre la législation visent à « préserver un système sioniste libéral ».

« Nous n’avons jamais été [censés faire] partie de ce système [sioniste]. Mon message principal est que nous faisons partie du peuple palestinien », a ajouté Khalifa.

Azzam Abu Souod, 75 ans, un Palestinien de Jérusalem-Est occupée, a déclaré au New Arab que la plupart des Palestiniens sont « indifférents » à la vague de protestations qui balaie le pays car elles « n’affecteront pas les relations entre Israéliens et Palestiniens ».

« Le [système] judiciaire israélien n’était pas équitable envers nous dans le passé et ne le sera plus après les changements judiciaires », a déclaré Abu Souod.

Rita, une manifestante israélienne qui portait une pancarte indiquant que « la démocratie et l’occupation ne peuvent pas coexister », a déclaré au New Arab : « Tout le monde s’insurge contre un problème qui touche principalement les Juifs. Cela finira d’une manière ou d’une autre, il y aura un compromis, mais l’occupation restera ; c’est pourquoi nous sommes ici, j’espère que les gens comprendront. »

Seuls quelques Israéliens ont fait écho au message de Rita sur l’occupation lors des manifestations, et selon les rapports, certains ont même été physiquement attaqués pour avoir hissé les drapeaux palestiniens.

La plupart des manifestants craignent qu’Israël ne passe d’un État sioniste libéral à un État gouverné par des partis d’extrême-droite et ultra-religieux.

Le président israélien Issac Herzog s’est entretenu mardi avec le Premier ministre Netanyahu et les dirigeants de l’opposition, les exhortant à entamer immédiatement des pourparlers pour parvenir à un compromis sur les réformes judiciaires. Lundi soir, Netanyahu a annoncé un gel temporaire de la législation qui aurait modifié le processus de sélection des juges suprêmes et restreint les pouvoirs de la Haute Cour sur la Knesset et les décisions du gouvernement.

« J’ai décidé de suspendre les deuxième et troisième lectures de la loi lors de la session actuelle de la Knesset afin de laisser le temps d’essayer de parvenir à ce large consensus », a déclaré Netanyahu dans une déclaration télévisée lundi soir après l’entrée en vigueur d’une grève générale qui a mis à l’arrêt les transports aériens et les transports en commun, et qui a vu la fermeture des banques.

Avant sa déclaration télévisée très attendue, Netanyahu a conclu un accord avec Itamar Ben Gvir pour établir une garde nationale sous le commandement du ministère de la Sécurité nationale.

Tard lundi soir, des vidéos ont circulé montrant des Israéliens filmés en train d’attaquer un Palestinien qui passait par hasard lors de manifestations pro-gouvernementales à Jérusalem-Ouest. Hamze Dweik, selon un communiqué de la police, a été « sauvagement » battu par les manifestants. Le communiqué ajoute que trois personnes ont été arrêtées pour l’agression.

Article original en anglais sur The New Arab / Traduction MR

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