Partager la publication "Exclusif : Le Jihad islamique furieux après la « trahison » de l’Égypte avant les raids de Gaza"
David Hearst, 11 août 2022. Quatre heures avant qu’Israël ne commence à bombarder la bande de Gaza vendredi, des médiateurs égyptiens ont dit au mouvement palestinien du Jihad islamique en Palestine (JIP) qu’Israël ne cherchait pas une escalade et répondrait « positivement » à une demande de libération de deux membres du JIP. Une réunion du cabinet israélien, qui se tiendra le dimanche, annoncera cette réponse comme une percée dans les négociations, a-t-on dit au mouvement.
Ces assurances ont été transmises à un membre important du bureau politique du JIP par le médiateur égyptien, le brigadier Ahmed Abdul Khaliq, vendredi midi, heure locale, quatre heures et vingt minutes avant que la première frappe aérienne israélienne ne frappe la bande de Gaza, ont indiqué des sources proches du JIP à Middle East Eye.
Dans le premier compte-rendu détaillé des négociations qui ont précédé la dernière offensive israélienne sur Gaza, MEE peut révéler que le JIP éprouve désormais une « colère considérable » envers les services de renseignement égyptiens en raison du rôle joué par Le Caire dans les heures qui ont précédé le lancement de la dernière campagne de bombardement israélienne.
« Les membres du JIP estiment avoir été trahis par les Égyptiens et qu’ils ont fait partie du jeu – pour qu’ils se sentent décontractés et en sécurité juste avant les frappes aériennes », a déclaré à MEE une source palestinienne proche du JIP.
« Il y a beaucoup de colère et de tension au sein du Jihad islamique à cause du rôle de [la] médiation égyptienne, car ils considèrent que les Égyptiens leur ont donné des informations et des indices trompeurs juste avant les frappes aériennes. À la suite de ces informations, le Jihad islamique s’est relâché et n’était pas préparé aux frappes aériennes. »
Des sources proches du JIP ont déclaré à MEE qu’Abdul Khaliq avait déclaré à tort à Khaled al-Batsh, un membre haut placé du bureau politique du JIP, qu’il y avait eu une « percée » dans les négociations indirectes.
Des agents des renseignements israéliens auraient transmis le message suivant au JIP par l’intermédiaire des renseignements égyptiens : « Nous voulons mettre fin à cette escalade. Donnez-nous jusqu’à dimanche et nous les poussons [les dirigeants politiques israéliens] à accepter. »
Qu’est-ce qui a déclenché les troubles ?
Les tensions sont montées d’un cran au début de la semaine dernière lorsque les forces israéliennes ont arrêté Bassam al-Saadi, un commandant supérieur du JIP, en Cisjordanie occupée.
Saadi a été arrêté à la suite d’un raid israélien dans la ville de Jénine, au cours duquel un adolescent palestinien a été tué.
« Lorsque le cheikh [Saadi] a été arrêté, des discussions ont eu lieu à Gaza pour savoir s’il fallait riposter. La manière dont il a été arrêté était humiliante, ce qui a suscité une certaine colère. Immédiatement, [les] Égyptiens ont essayé de calmer la situation », a déclaré à MEE une source ayant connaissance des négociations.
« L’homme qui a fait cela était le brigadier. Il a fait passer des messages indiquant que le Shin Bet [l’agence de renseignement interne d’Israël] ne souhaitait pas une escalade. »
Selon une source proche du JIP, le mouvement a demandé aux services de renseignement égyptiens, et a ensuite obtenu, des assurances filmées sur le bien-être physique de Saadi.
« Cela a été pris comme un signe positif », a déclaré la source du JIP.
Le JIP a ensuite demandé la libération de Saadi et de son prisonnier Khalil Awawdah, qui refuse de s’alimenter depuis plus de 150 jours afin d’attirer l’attention sur sa détention par Israël sans procès ni inculpation.
Les services de renseignements égyptiens ont déclaré au JIP que le Shin Bet « répondait favorablement » à ses demandes et qu’il était très désireux d’apaiser les tensions. Ils ont également déclaré qu’ils faisaient pression sur le cabinet israélien pour obtenir la libération des deux hommes.
Le rôle du Qatar mis en avant
Mais vendredi, Abdul Khaliq – qui dirige l’unité égyptienne de la Direction générale des renseignements, chargée des négociations entre les factions palestiniennes basées à Gaza et les services de renseignements israéliens, et qui préside régulièrement les délégations du Hamas et du JIP au Caire – a annoncé à Batsh une percée, qui serait annoncée lors de l’habituelle réunion du cabinet israélien dimanche.
Puis, à peine quatre heures plus tard, Israël a commencé à bombarder la bande de Gaza, tuant Taiseer al-Jabari, le commandant de la division nord des Brigades al-Quds (Saraya al-Quds), la branche militaire du JIP, ainsi qu’au moins neuf autres personnes, dont une fillette de cinq ans.
Alors que les frappes aériennes s’abattaient sur Gaza pour la deuxième journée, Khaled Mansour, un chef du JIP dans le sud de Gaza, a été pris pour cible et tué par une frappe aérienne israélienne. Mansour avait été délégué aux pourparlers du JIP au Caire.
L’armée israélienne a déclaré samedi qu’elle avait arrêté au moins 19 membres du JIP en Cisjordanie occupée. Les frappes aériennes ciblées et la série d’arrestations ont rompu les relations entre le JIP et les services de renseignement égyptiens, Ziad al-Nakhalah, le chef du JIP, refusant de prendre les appels des services de renseignement égyptiens, ont déclaré à MEE des sources proches du JIP.
Les deux parties étaient auparavant très proches, le JIP ayant servi de médiateur entre les services de renseignement égyptiens et le Hamas.
La colère envers les Égyptiens est devenue évidente en début de semaine lorsque Nakhalah a pris la parole lors d’une conférence de presse dans la capitale iranienne, Téhéran.
Nakhalah a fait l’éloge du soutien qu’il a reçu de l’Iran, de l’Irak et du ministre qatari des Affaires étrangères, le cheikh Mohammed bin Abdulrahman Al Thani, mais n’a pas mentionné le rôle joué par l’Égypte. Il a également remercié le réseau médiatique Al Jazeera, propriété du Qatar, pour sa couverture de l’assaut sur Gaza.
Les Égyptiens ont protesté, déclarant au JIP qu’ils ne comprenaient pas pourquoi le rôle de Doha avait été loué et que les efforts du Caire pour désamorcer les tensions avaient été négligés.
Risque de nouvelles violences
À la suite d’un cessez-le-feu négocié dimanche par l’Égypte, avec l’aide des Nations unies et du Qatar, le JIP a fait savoir, par l’intermédiaire des services de renseignement égyptiens, qu’il cesserait ses attaques à la roquette après qu’Israël se soit engagé à libérer Saadi et Awawdah.
Toutefois, cette promesse a volé en éclats lorsque le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a exclu la libération de Saadi.
« Saadi a été arrêté à juste titre et je n’ai pas connaissance d’une promesse de libérer des terroristes », a déclaré Gantz à la chaîne d’information israélienne Channel 12.
« Je ne veux pas simplement promettre qu’ils ne seront pas libérés. Nous ne gardons pas les gens en prison pour rien ».
Dans une tentative de rétablir les liens avec le JIP après l’offensive israélienne, l’Égypte a promis d’envoyer « une importante délégation » en Israël pour obtenir la libération d’Awawdah.
Le JIP, quant à lui, menace de relancer l’action militaire. « Le JIP menace de revenir à l’escalade s’il n’y a pas de progrès », a déclaré à MEE une source proche du JIP.
MEE a demandé des commentaires à l’ambassade d’Égypte à Londres et à l’armée israélienne, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR
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