Partager la publication "Palestine et Ukraine : Une différence colossale dans le traitement et le récit"
Al Mayadeen, 23 mars 2022. Une analyse et un simple suivi des médias occidentaux au cours des dernières semaines qui ont suivi l’opération militaire russe en Ukraine montrent une différence colossale dans le traitement et la narration.
Alors que l’opération militaire en Ukraine se poursuit, que des millions de réfugiés fuient vers les pays voisins et que l’on encourage massivement la « résistance populaire » des Ukrainiens, les Palestiniens du monde entier se demandent pourquoi leur cause n’a pas été soutenue, même de loin, comme celle de l’Ukraine ?
Serait-ce parce qu’ils résistent depuis plus de 70 ans et non depuis quelques semaines seulement ?
La réalité est que l’Occident est tellement anti-russe dans son attitude et son discours que rien ne peut le réujouir davantage que de rapporter qu’un peuple supposé opprimé est bombardé par la Russie.
Peu après le lancement de l’opération militaire, l’Occident a fait circuler des images déchirantes de civils ukrainiens fabriquant des cocktails Molotov pour tenter de « résister » à la Russie. Des correspondants des médias occidentaux ont fait des déclarations sans précédent, racontant que les personnes visées en Ukraine ne ressemblent pas à la plupart des habitants du Moyen-Orient ou à d’autres peuples opprimés, mais qu’elles sont en fait blanches, européennes et « civilisées ».
La description de l’Ukraine par le journaliste est à elle seule une preuve suffisante pour comprendre que l’Occident ne sympathise qu’avec ceux qui lui ressemblent tant par leur foi que par leur apparence.
Peu importe les milliers de personnes tuées au Yémen, en Irak ou en Afghanistan par les États-Unis. Peu importe les milliers de personnes tuées en Palestine par la brutale occupation israélienne et ses mesures oppressives et inhumaines. Les véritables victimes ici sont les Européens chrétiens.
Nour Odeh, analyste politique, a qualifié le double langage de l’UE et des États-Unis de « hallucinant ».
Selon Odeh, « je pense que l’aspect le plus frappant de l’hypocrisie de tout cela est d’entendre les représentants des États parler de l’illégalité de l’acquisition de territoires par la force, de faire respecter le droit international, de parler de responsabilité, alors que ces mêmes représentants refusent d’appliquer cette norme de droit international aux actions israéliennes concernant Jérusalem occupée, la Cisjordanie et les colonies illégales. »
Odeh a décrit ce qui est d’une évidence frappante pour de nombreux sympathisants de la cause palestinienne.
Alors que les médias occidentaux font l’éloge de l’Ukraine pour avoir « résisté » à « l’invasion » de la Russie, les Palestiniens, qui sont reconnus internationalement comme une population occupée, sont traités de « terroristes » par les médias occidentaux, sont accusés d’utiliser des boucliers humains, sont attaqués dans les médias occidentaux pour être antisémites en raison des politiques BDS, et sont largement invités à abandonner leur cause et à accepter une solution à deux États pour « mettre fin à la violence ».
« La critique est justifiée ; nous avons vu suffisamment de preuves pour constater que l’objectivité a complètement disparu », a déclaré Odeh.
Les Palestiniens appellent depuis des années la communauté internationale à exercer sur « Israël » la même pression qu’elle a exercée sur la Russie.
« En tant que Palestinien, cela me choque. Je peux voir des reportages sur des médias grand public où le journaliste exprime des points de vue personnels, de la crainte et [des louanges pour] les Ukrainiens qui préparent des cocktails Molotov », a-t-elle déclaré. « Le même journaliste parlerait des cocktails Molotov dans les mains des Palestiniens comme étant terroristes ».
La raison évidente est que si l’Occident est majoritairement anti-russe, il est absolument et unanimement pro-« Israël ».
Ali Jarbawi, professeur de sciences politiques à l’université de Birzeit, a déclaré que les États-Unis et l’Occident considèrent l’Ukraine comme « une partie du groupe occidental, par opposition à la Palestine qui est « l’autre ». »
Selon Odeh, ce que cette crise a fait, c’est révéler et exposer le fait que les pays puissants traitent le droit international comme un outil au service de leurs objectifs et intérêts politiques, et qu’ils sont prêts à plier le droit – et même à le saper – afin de protéger un allié comme « Israël ».
Le législateur irlandais Richard Boyd Barrett a critiqué son gouvernement pour les « deux poids, deux mesures » imposés à la Russie et pour ne pas prendre de mesures similaires contre « Israël ».
S’adressant au Parlement, il a déclaré : « Vous êtes heureux d’utiliser correctement le langage le plus fort et le plus vigoureux pour décrire les crimes contre l’humanité du [président russe] Vladimir Poutine, mais vous n’utilisez pas la même force de langage lorsqu’il s’agit de décrire le traitement des Palestiniens par Israël. »
Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR