L’AP a un plan : elle va faire une « pause » pendant qu’Israël colonisera davantage de terres palestiniennes

Ramona Wadi, 21.09.2021. Quelques semaines après que le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, ait fait miroiter quelques concessions pour renforcer le pouvoir illégitime de l’Autorité palestinienne, le Premier ministre Mohammad Shtayyeh a déclaré – tardivement comme d’habitude – que le plan d’Israël est de poursuivre sa colonisation du territoire palestinien.

26 août 2021 : travaux de construction dans la colonie juive de Givat Zeev, près de Ramallah, en Cisjordanie occupée [AHMAD GHARABLI/AFP via Getty Images].

Comme si les Palestiniens ne le savaient pas déjà, eux qui vivent une dépossession systématique et continue depuis plusieurs décennies.

L’agence de presse officielle de l’AP, Wafa, a cité les propos de Shtayyeh : « Le programme du gouvernement israélien ne vise qu’à étendre les colonies, à s’emparer de plus de terres, à priver notre peuple de ses ressources naturelles et à abolir la base géographique de l’État de Palestine. »

Shtayyeh fait référence aux récentes déclarations du Premier ministre israélien Naftali Bennett sur son refus de rencontrer le dirigeant de l’AP Mahmoud Abbas, ainsi que sur son opposition à un État palestinien. « Nous comprenons tous qu’en ce moment, ce n’est pas pertinent », a déclaré Bennett, en référence aux prétendues négociations de paix. Tout ce que Bennett a accepté, c’est de garder l’Autorité palestinienne sous contrôle en ce qui concerne les avantages qu’Israël peut tirer de la coordination/collaboration avec Ramallah en matière de sécurité.

La stratégie de Bennett visant à utiliser l’AP au profit d’Israël est exposée si clairement que l’AP ne peut même pas se prévaloir de l’illusion d’avoir une quelconque pertinence politique. À moins, bien sûr, que cette pertinence ne soit destinée à empiéter sur le peuple palestinien par le biais de la surveillance et de la coordination de la sécurité, ce qui est ce que veut Israël. En effet, c’est la raison pour laquelle l’AP a été créée en premier lieu.

Le peu de moyens de pression dont dispose l’AP est lié à cette coordination de la sécurité, ce qui nous amène à poser des questions importantes sur les remarques de Shtayyeh, étant donné le refus sans équivoque de Bennett de communiquer avec les responsables de l’AP. L’AP, par exemple, vient-elle de se réveiller face à la colonisation systématique du territoire palestinien par Israël ? Ou bien Bennett, qui a profité du terrain préparé par la fête de Trump-Netanyahu, est-il en mesure de faire ce qu’il veut sans risque de condamnation internationale ?

Les accords d’Abraham ont fait taire les quelques critiques que la communauté internationale réservait autrefois à Israël. L’année dernière, l’ONU a été prompte à interpréter les accords de normalisation comme le coup d’envoi nécessaire à l’ouverture de négociations diplomatiques, malgré les preuves de la marginalisation des Palestiniens. Le critère de duplicité employé par l’ONU à l’encontre des Palestiniens favorise la stratégie de Bennett consistant à n’impliquer l’AP que lorsqu’il est dans l’intérêt d’Israël de le faire.

Pendant ce temps, la seule préoccupation de Shtayyeh est que la rhétorique de Bennett « nécessite une pause sérieuse de notre part à tous et de la part de la communauté internationale (…) et nous appelle à revoir notre situation actuelle. » L’AP ne se rend-elle pas compte que la Palestine est « en pause » depuis le tout début de la colonisation sioniste de la Palestine ? Lorsque le mandat de Bennett sera finalement terminé, le prochain Premier ministre israélien sera-t-il décrit par l’AP comme la raison pour laquelle l’expansion coloniale en Palestine se poursuit ? Qu’est-il arrivé aux trajectoires historiques et au souvenir fondamental mais négligé du plan de partage de 1947 qui a jeté les bases de l’approbation internationale du colonialisme en Palestine ?

Israël va approuver l’appel de Shtayyeh à une « pause ». Un tel acquiescement de l’AP rend le colonialisme tellement plus facile et plus efficace. Lorsque même les dirigeants politiques de la population colonisée n’ont d’autre exigence politique que de faire une « pause » plutôt que d’exiger une nouvelle approche basée sur la décolonisation, qu’est-ce qu’Israël a à craindre ? L’approche honteuse de l’AP ne fait que rejoindre ce que Bennett et Gantz envisagent : Ramallah fait le sale boulot pour Israël par le biais de la coordination sécuritaire, tandis qu’Israël s’occupe de la politique, sans aucune opposition politique à l’intérieur ou à l’extérieur.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

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