Partager la publication "Malgré les accords de paix et de normalisation, Israël reste un État étranger"
Motasem A Dalloul, 5 juin 2023. Israël et l’Égypte ont signé un accord de paix en 1979, le premier signé entre un pays arabe et l’État d’occupation. Depuis lors, les frontières sont, la plupart du temps, calmes et paisibles. Selon les termes de l’accord, Israël est autorisé à apporter tout équipement militaire qu’il souhaite dans la zone frontalière égypto-israélienne, tandis que les Égyptiens ne sont autorisés à avoir que quelques soldats légèrement armés dans la région.
Israël et les courtiers des accords de paix et de normalisation – à savoir les États-Unis – ont toujours su qu’il serait difficile d’intégrer l’État d’occupation dans le corps de la nation arabe, mais ils ont poursuivi leurs efforts en ce sens.
À cette fin, ils ont soutenu des régimes autoritaires oppressifs et ont aidé à enterrer toute tentative d’instaurer la démocratie dans les pays qui entourent Israël. Ils ont même fourni des armes, de l’argent et du blanchiment des médias pour permettre aux régimes oppressifs de réprimer leur peuple. Ces pays ont même modifié leurs programmes d’enseignement pour désigner Israël comme un ami ou du moins une réalité qui existe sur le terrain, tandis que les Palestiniens sont un groupe de personnes chaotiques qui désobéissent aux résolutions de la communauté internationale et refusent de respecter les termes des lois et conventions internationales.
Au fil du temps, ces mesures ont porté leurs fruits, et certains Arabes sont devenus favorables à Israël et hostiles aux Palestiniens, mais ces personnes sont restées une minorité parmi les nations arabes.
Un garde-frontière égyptien, connu sous le nom de Suleiman Khater, a ouvert le feu dans les années 1980 sur un groupe de touristes israéliens depuis sa tour militaire à Ras Burka, un petit avant-poste du Sinaï près de la frontière avec Israël, tuant sept personnes. Son acte a été officiellement condamné au Caire et un tribunal égyptien l’a condamné à la prison à vie, affirmant qu’ouvrir le feu sur les Israéliens était « incompatible avec les instructions et ne représentait aucun devoir ».
Cependant, il a été largement salué comme un héros par les Égyptiens et dans les pays arabes, les gens soulignant qu’il n’avait pas été victime de la fausse propagande visant à blanchir l’occupation israélienne et à diaboliser les Palestiniens et leur résistance à celle-ci. Il fut considéré comme une source d’inspiration pour les Égyptiens et les Arabes conscients de la brutalité de l’occupation israélienne.
En 1997, Ahmad Yousef Mustafa, un soldat jordanien de 22 ans, a ouvert le feu sur des Israéliens en voyage sur le Jourdain. Il en a tué sept et en a blessé 15 autres. Feu le roi Hussein a condamné le meurtre des Israéliens et a exprimé son indignation. Il s’est rendu en Israël pour présenter ses condoléances aux familles israéliennes.
Plus tard, la Jordanie a indemnisé les familles des Israéliens tués par le soldat jordanien, alors qu’il était condamné à perpétuité. Comme l’égyptien Khater, Mustafa fut considéré comme une source d’inspiration pour tous les Jordaniens.
Dès que feu le président égyptien Hosni Moubarak a été renversé, le peuple égyptien a pris d’assaut l’ambassade d’Israël au Caire et y a mis le feu. Le personnel israélien de l’ambassade a fui et n’est revenu qu’après le renversement du premier président librement élu du pays, Mohamed Morsi, avec l’aide d’Israël et d’autres régimes arabes autoritaires en 2013.
En Jordanie, les habitants se rassemblent régulièrement devant l’ambassade d’Israël et demandent aux autorités de la fermer et de renvoyer l’ambassadeur d’Israël, décrivant Israël comme la source de tous les maux du royaume.
Commentant le meurtre d’Israéliens par Mustafa en 1997, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré : « La violence (…) doit être bannie entre nous. » Il n’a cependant pas réussi à faire le lien avec les campagnes brutales d’assassinats d’Israël contre les Palestiniens.
Récemment, Israël a signé des accords de normalisation avec un certain nombre de pays arabes et il y a eu des échanges d’ambassadeurs avec certains. Leurs initiatives n’ont pas changé la perception qu’ont les gens de l’État d’occupation et les peuples du monde arabe ont envoyé un message clair, lors de la Coupe du monde de l’année dernière au Qatar, qu’Israël n’est pas le bienvenu dans la région.
Malgré toutes les tentatives pour cacher l’identité du policier égyptien qui a tué trois soldats israéliens au cours du week-end [Mohammad Salah Ibrahim, photo ci-dessus, ndt], le peuple égyptien et les Arabes se sont employés à l’honorer. Pour minimiser ses actions, les autorités insistent sur le fait qu’il poursuivait des trafiquants de drogue et qu’il a été tué avec les autres soldats israéliens pendant l’opération.
Cependant, les gens se sont tournés vers les réseaux sociaux pour faire son éloge et ont comparé son « héroïsme » à celui de Khater et Mustafa.
Israël sait qu’il ne fera jamais partie intégrante du Moyen-Orient, il s’efforce donc de maintenir les dictatures oppressives qui contrôlent ses pays voisins afin de réprimer leur peuple et de se protéger pendant qu’il poursuit sa guerre contre les Palestiniens.
Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR
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