Ramona Wadi, 12 janvier 2023. L’Union Européenne aurait pu profiter de l’occasion pour tenir Israël responsable de ses violations, mais elle a plutôt opté pour un moindre coût en demander une réparation financière pour les structures financées par le bloc en Cisjordanie occupée et détruites par l’entreprise coloniale. La demande de l’UE n’est pas non plus une nouveauté, puisque demander une compensation financière à Israël s’est produit dans le passé, sans aucun résultat, bien sûr.
L’attention portée récemment sur le déplacement forcé planifié par Israël des Palestiniens vivant à Masafer Yatta a incité 24 membres du Parlement européen à contacter le commissaire européen à la gestion des crises, Janez Lenarcic, concernant une réparation financière. L’essentiel est que, alors que l’UE est dans son droit d’exiger une compensation financière, la question en jeu – qui est le peuple palestinien déplacé de force par Israël – n’est nulle part à l’ordre du jour de l’UE.
La réponse de Lenarcic, partiellement citée par Haaretz, confirme les demandes répétitives de compensation financière de l’UE et que « l’Union européenne continue de travailler à cet égard par le biais d’une série de canaux diplomatiques et politiques ».
Lenarcic rappelle ainsi que les visites des représentants de l’UE dans les zones de Cisjordanie occupée vouées à la démolition, pour soi-disant « mettre en garde contre », n’ont peu ou pas de conséquence.
Pourtant, outre l’exploitation opportuniste, faire le décompte des habitations détruites financées par l’UE est plus un cas d’espèce et est également futile. Comme l’a déclaré Lenarcic : « Nous n’avons pas encore discuté de la liste des mesures possibles pour garantir une indemnisation d’Israël pour le financement européen parti à vau-l’eau dans les démolitions ».
Si tenir Israël responsable de quelque chose d’aussi fondamental qu’une transaction financière pour des dommages qu’il a causés incite à tant de prudence dans les déclarations officielles de l’UE, il est prudent de dire que les droits de l’homme dans le répertoire de l’UE, lorsqu’il s’agit d’Israël, sombrent dans le silence. L’UE n’a toujours pas abordé le fait que, sans tenir Israël responsable du déplacement forcé des Palestiniens, ses projets humanitaires pour les Palestiniens financent également les violations d’Israël.
Or, c’est précisément ce que visait le projet humanitaire que la communauté internationale a imposé aux Palestiniens. En investissant une partie de l’aide humanitaire visant à soulager les souffrances causées par l’existence et la violence coloniales d’Israël, la communauté internationale peut contourner les violations réelles qui vont à l’encontre du droit international.
L’UE ne fait pas exception à cette règle imposée. Le plaidoyer des représentants de l’UE ne fonctionne pas pour tenir Israël responsable mais pour prolonger un contrat permanent de silence qui, à son tour, réduit également au silence les Palestiniens. Malgré les moyens politiques à leur disposition, les représentants de l’UE préfèrent jouer les militants amateurs lorsqu’il s’agit de la Palestine. Les fonds pour voyager en Cisjordanie occupée, après tout, font partie du projet humanitaire dans lequel les Palestiniens sont obligés de s’intégrer.
De la même manière, les logements financés par l’UE jouent un rôle dans le projet humanitaire mais ne parviennent pas à maintenir l’autonomie palestinienne. La dernière prétendue préoccupation n’a rien à voir avec les Palestiniens et n’est que marginalement liée aux habitations financées par l’UE qu’Israël détruit régulièrement. Cependant, nuire à l’expansion coloniale d’Israël et au rôle de l’UE dans son maintien est une partie importante de ce que constitue le paradigme humanitaire.
Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR
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