Partager la publication "La France aide-t-elle Israël à évacuer des Palestiniens de Gaza sous couvert de « mission humanitaire » ?"
Ramy Abdu, 25 avril 2025. L’ambassade de France a facilité le départ de 115 Palestiniens de la bande de Gaza le 23 avril 2025 par le passage israélien de Kerem Shalom puis le pont du Roi Hussein.
Le ministère français des Affaires étrangères affirme aujourd’hui ne pas être impliqué dans les politiques américaines et israéliennes de nettoyage ethnique de la bande de Gaza. Pourtant, ce n’est que deux jours après « l’évacuation » que le gouvernement français a publié une déclaration officielle concernant cette « mission ».
L’opération a été menée dans le secret, avec une communication limitée, des critères flous et un refus de répondre aux demandes de renseignements préalables. Les informations selon lesquelles les personnes évacuées ont reçu pour instruction de ne pas communiquer les directives d’évacuation de l’ambassade ne font que renforcer le sentiment que la transparence et la responsabilité ont été délibérément évitées. Ce n’est qu’après des pressions que le gouvernement français a publié une brève déclaration.
Selon une source française, l’évacuation concernait des binationaux, des personnes ayant de la famille en France, des boursiers palestiniens et des personnes décrites comme des « personnalités palestiniennes liées à notre pays ». Mais cette explication soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses :
- Pourquoi ces ressortissants et individus n’ont-ils pas été évacués dans les premières semaines du génocide ?
- Qu’est-ce qui constitue exactement une « personnalité palestinienne liée à notre pays » ? Lorsqu’on parle d’universitaires bénéficiant de programmes à risque, il s’agit d’une arme à double tranchant : cela pourrait être interprété comme une tentative de vider la société de Gaza de son élite intellectuelle et culturelle, ce qui risque de contribuer à son appauvrissement à long terme.
- Pourquoi la priorité n’a-t-elle pas été accordée aux patients médicaux, en particulier aux enfants blessés, privés de leur droit à des soins vitaux ou adéquats en raison de la destruction délibérée par Israël du secteur de la santé de Gaza ?
Certaines sources françaises affirment que le processus de sélection de certains individus a débuté il y a plus d’un an, tandis que d’autres ont été ajoutés quelques semaines seulement avant l’opération. Cette incohérence temporelle est préoccupante, d’autant plus que l’évacuation a eu lieu peu après le lancement par les responsables israéliens d’une campagne psychologique prônant le déplacement forcé de la population de Gaza. Cette opération s’inscrivait-elle dans le cadre de cette campagne de pression ? Ou constituait-elle un signal à la communauté internationale indiquant que le transfert massif de Palestiniens est non seulement possible, mais déjà en cours ?
Ces questions ne visent pas à remettre en cause le droit des individus à la sécurité et à la survie. Elles visent plutôt à comprendre les motivations plus larges de cette opération, notamment au vu de l’incapacité persistante du gouvernement français à prendre des mesures concrètes pour acheminer une aide humanitaire – notamment en nourriture, en eau et en fournitures médicales – aux centaines de milliers de civils assiégés à Gaza.
Il est également remarquable que cette action ait lieu alors que la France est l’un des rares pays à autoriser à plusieurs reprises le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à traverser son espace aérien en toute sécurité, malgré le fait qu’il soit recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en vertu d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.
Ce secret et ce manque de transparence autour de l’évacuation alimentent l’inquiétude des Palestiniens selon laquelle des parties étrangères seraient complices des intentions américaines et israéliennes clairement annoncées de nettoyage ethnique de Gaza, et cela pourrait nuire aux individus qui quittent Gaza pour des raisons légitimes.
De plus, l’affirmation selon laquelle les personnes évacuées n’ont pas été invitées à signer des accords de non-retour occulte la triste réalité humanitaire imposée par le contrôle israélien sur les frontières de Gaza. En pratique, la plupart des personnes évacuées se trouveront probablement dans l’impossibilité de rentrer chez elles, que ce soit en raison des restrictions israéliennes, des restrictions égyptiennes à la frontière de Rafah ou de l’immense difficulté de se réintégrer après un déplacement.
Toute évacuation de Palestiniens de Gaza, qu’elle soit destinée à des fins médicales, éducatives, de regroupement familial ou à toute autre fin, doit être accompagnée de garanties claires qu’ils pourront exercer leur droit au retour s’ils le décident, même si Israël maintient son siège et son blocus illégaux sur le territoire. S’il a été possible de les évacuer de Gaza assiégée, il leur est tout aussi possible d’y retourner.
Dans le même temps, tous les pays doivent utiliser tous les moyens à leur disposition, y compris la pression politique, diplomatique et économique, pour contraindre Israël à cesser ses crimes croissants contre le peuple palestinien dans son ensemble, en particulier la famine et les massacres continus de Palestiniens à Gaza, ainsi que la destruction et le blocus systématiques du territoire qui sont calculés et destinés à le rendre invivable.
Bien que les Palestiniens aient le droit de chercher sécurité et refuge, faciliter les départs sans prendre de mesures efficaces pour empêcher Israël de créer les conditions horribles qui obligent certains Palestiniens à quitter leur patrie pourrait en fin de compte équivaloir à une complicité dans les plans d’Israël visant à vider Gaza de sa population.
Au mieux, cet épisode révèle un échec troublant dans la communication officielle de la France, au pire, une tentative délibérée de perpétuer le génocide du peuple palestinien.
Source : compte X de Rami Abdu
L’information donnée par Le Parisien, 25 avril 2025.