Quel est le programme de la rencontre Trump-Netanyahou ?

Yasmine El-Sabawi, Washington, 3 février 2025. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a atterri à Washington dimanche, devenant ainsi le premier dirigeant étranger à rendre visite au président américain Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche.

Manifestation de juifs antisionistes de Neturei Kerta à Washington pour protester contre la venue de Benjamin Netanyahou (capture d’écran vidéo)

La concrétisation du cessez-le-feu à Gaza a été attribuée à Trump et à son envoyé au Moyen-Orient Steven Witkoff, grâce à la pression exercée sur Netanyahou pour qu’il accepte l’accord qui, comme il a été révélé plus tard, était sur la table depuis décembre 2023.

Netanyahou devrait rencontrer Witkoff lundi, ainsi que des conseillers du président, avant sa visite dans le bureau ovale mardi. Il passerait toute la semaine à Washington avant de rentrer chez lui samedi.

Ce voyage intervient alors que la phase 1 du cessez-le-feu se déroule à Gaza, avec des échanges hebdomadaires de prisonniers qui devraient voir, d’ici le 1er mars, 33 prisonniers israéliens libérés de Gaza en échange d’un peu moins de 2.000 Palestiniens libérés des prisons israéliennes, dont beaucoup n’ont jamais été inculpés.

Netanyahou, dont le gouvernement est composé d’éléments influents d’extrême-droite, soutient depuis longtemps que les forces israéliennes ont « le droit de reprendre le combat » après que le Hamas aura libéré tous les captifs qu’il détient depuis les attaques du 7 octobre 2023 contre le sud d’Israël.

À bien des égards, sa propre survie politique en Israël en dépend, même si plus de 47.000 personnes ont été tuées à Gaza, dont la grande majorité étaient des femmes et des enfants.

Alors, cette visite que Netanyahou convoite fortement faisait-elle partie de ce qui lui a été offert en échange d’une trêve à Gaza ?

« Se tenir aux côtés de l’une des personnes les plus puissantes du monde, c’est montrer qu’il n’a pas perdu sa légitimité internationale », a déclaré à Middle East Eye Dylan Williams, vice-président des affaires gouvernementales au Center for International Policy (CIP). « Néanmoins, je pense qu’une grande partie des Américains et certainement de la population du monde entier sont très contrariés par le fait qu’il semble que le gouvernement israélien n’ait pas à rendre de comptes pour la conduite de la guerre de Gaza. »

Une relation étroite mais houleuse

Le Premier ministre a été la cible de manifestations de masse en Israël bien avant la guerre contre Gaza, en raison de la crise judiciaire déclenchée par ses tentatives de réformes judiciaires, largement perçues comme un stratagème pour affaiblir le système judiciaire du pays.

Il est également accusé de corruption lors d’un procès qui a commencé le mois dernier, et risque jusqu’à 10 ans de prison s’il est reconnu coupable.

Si une paix durable est obtenue à Gaza, il est largement admis que Netanyahou devra rendre des comptes en Israël pour ne pas avoir empêché les attaques du 7 octobre.

Les familles des prisonniers israéliens à Gaza ont critiqué son rejet des échanges de prisonniers que le Hamas propose à plusieurs reprises depuis plus d’un an, et maintenant, tout comme son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, Netanyahou fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza.

Malgré l’étroite association de Trump avec Netanyahou, en grande partie par l’intermédiaire de son gendre, Jared Kushner, il a publiquement tourné en dérision le Premier ministre israélien à plusieurs reprises.

Trump a dit « fuck him* » lorsque Netanyahou a embrassé Joe Biden après l’élection présidentielle américaine de 2020.

Trump a également révélé qu’il avait été irrité lorsque Netanyahou a poussé à l’assassinat par les États-Unis d’un haut commandant iranien en janvier 2020, mais s’est ensuite retiré de l’opération et en a quand même revendiqué la responsabilité.

« Le président est très conscient que le principal obstacle à la paix au Moyen-Orient est Netanyahou », a déclaré à MEE Bishara Bahbah, qui dirige l’initiative Arab-Americans For Trump (AAFT). « En fait, dans une conversation que je ne peux pas révéler, le président l’a indiqué. »

Trump voudra probablement que la phase 2 de la trêve se poursuive, étant donné qu’il a promis « une paix durable au Moyen-Orient », a noté Bahbah.

Mais Netanyahou n’est pas venu à Washington pour repartir les mains vides.

« On pourrait peut-être s’attendre à de nouvelles ventes d’armes, de nouveaux systèmes, peut-être [quelque chose] qu’Israël veut depuis un certain temps », a déclaré Williams à MEE. « Il y aura une sorte de démonstration de rehaussement d’un cran de la relation bilatérale. »

Lundi après-midi, le Wall Street Journal a rapporté que l’administration Trump « préparait » une vente d’armes d’un milliard de dollars à Israël qui comprendrait des bombes et d’autres équipements militaires comme des bulldozers blindés. L’administration a demandé aux dirigeants du Congrès d’approuver les transferts.

Au cours des deux semaines où il est au pouvoir, Trump a déjà levé la suspension des bombes « anti-bunker » de 2.000 livres à Israël, et il a également supprimé les sanctions que l’administration Biden avait imposées à certains colons israéliens extrémistes en Cisjordanie qui ont incendié des maisons palestiniennes.

« De mon point de vue, ce sont des problèmes mineurs », a déclaré Bahbah.

Ce que Trump donnera à Netanyahu, a-t-il ajouté, ne sera pas « l’annexion de la Cisjordanie. Il ne s’agira pas d’expulser les Palestiniens de force ou volontairement de la bande de Gaza. Il s’agira de dire : « Vous voulez vivre en paix et en sécurité ? Vous voulez un État juif ? C’est le moment de le faire. » [Trump] va donc offrir une paix durable, à la fois à Israël et aux pays arabes voisins. »

Mais les observateurs s’inquiètent de l’insistance de Trump pour que l’Égypte et la Jordanie accueillent des Palestiniens et de sa proposition de « nettoyer » Gaza. Une invitation adressée au roi Abdallah II de Jordanie à se rendre à la Maison Blanche plus tard ce mois-ci a fait spéculer de nombreux observateurs sur le fait que Trump exercera davantage de pression sur le monarque pour qu’il accueille des Palestiniens.

Comme pour l’administration précédente, l’équipe Trump se concentre sur la normalisation israélienne avec les pays arabes, étant donné que les soi-disant accords d’Abraham ont été initiés sous la première administration Trump en 2020. L’ouverture de la diplomatie israélo-saoudienne reste l’objectif ultime.

« Trump ne veut pas être responsable de la gestion d’une guerre chaude », a déclaré Williams. « Lui, ou du moins Witkoff, comprend que si le cessez-le-feu ne tient pas, alors les plans qu’ils ont pour de grandes avancées dans la normalisation des relations entre Israël et les États arabes ont peu de chances d’avancer. »

« Donald Trump se considère comme le négociateur ultime, et il pense qu’il y a des victoires à remporter dans cette région », a-t-il ajouté.

La question iranienne

Historiquement, les visites de Netanyahou aux États-Unis ont été axées sur l’intensification de la pression économique et militaire sur Téhéran, que Tel-Aviv considère comme le principal instigateur de la violence anti-israélienne – ou de ce que les groupes soutenus par l’Iran considèrent comme de la résistance – dans toute la région.

Cette visite ne sera pas différente, sauf que Trump semble adopter une approche différente pour son second mandat.

Le président a récemment procédé à des nominations cruciales – et renvoyé d’autres diplomates – ce qui semble suggérer qu’il poursuit une voie vers un certain niveau d’engagement qui pourrait conduire à un accord avec l’Iran.

Trump a renvoyé son ancien envoyé iranien, Brian Hook, d’un poste au Wilson Center nommé par la Maison Blanche. Hook avait mené la campagne de « pression maximale » et était un faucon connu dans les cercles gouvernementaux.

Trump a également retiré le service de sécurité assigné à son ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton. Plus tôt dans la journée, il l’avait qualifié de « belliciste » qui a contribué à « faire exploser le Moyen-Orient ».

Netanyahou va probablement faire pression auprès des républicains du Congrès – dont la plupart sont des partisans de la ligne dure sur l’Iran – pour que les États-Unis participent aux attaques de missiles israéliens sur les installations nucléaires iraniennes.

« Je pense que Netanyahou va réellement essayer de dissuader Trump d’ouvrir la porte à la diplomatie avec l’Iran », a déclaré Williams à MEE.

« Il y a eu beaucoup de panique parmi les néoconservateurs et ceux qui voulaient que les États-Unis fassent pression pour un changement de régime en Iran depuis des décennies avec certaines des rhétoriques et des choix de personnel que le président a faits », a-t-il déclaré.

« Nous le voyons dénigrer et humilier publiquement les personnes associées à la politique de « pression maximale » de sa première administration, et le voyons nommer des personnes qui, bien qu’extrêmement conservatrices, ont soutenu l’idée d’une diplomatie avec l’Iran dans le passé. »

Les relations diplomatiques, depuis l’accord négocié par la Chine en 2023, ont également été notables entre les ennemis de longue date que sont l’Arabie saoudite et l’Iran. Si le royaume a clairement indiqué que la normalisation avec Israël dépend d’un cessez-le-feu durable à Gaza, une guerre avec l’Iran impliquant directement Israël et les États-Unis pourrait ne pas être de bon augure pour cet objectif, qui est déjà profondément impopulaire dans le monde arabe.

« Une paix durable au Moyen-Orient qui soit satisfaisante pour toutes les parties… c’est ce que le président nous a promis en tant qu’Arabes-Américains et Américains musulmans pendant les campagnes électorales », a déclaré Bahbah à MEE.

« Je voulais rappeler au président qu’il a reçu un mandat de notre part en tant qu’Américains », a-t-il ajouté.

« Des élections auront lieu l’année prochaine qui détermineront qui contrôlera les deux chambres du Congrès, et nous serons là… Nos votes sont toujours nécessaires. »

*« Qu’il aille se faire foutre »

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR