Quatre mots qui ont du sens pour l’heureuse nouvelle du cessez-le-feu à Gaza : Soulagement. Gratitude. Reconnaissance. Honte.

Andrew Mitrovica, 15 janvier 2025. Je me suis demandé quoi dire dans ce moment d’urgence, attendu depuis longtemps et qui m’a souvent semblé hors de portée au cours de ces atroces 15 derniers mois.

15 janvier 2025. La joie à Gaza (source Anadolu Agency)

L’une des questions auxquelles je me suis attaqué était la suivante : que pourrais-je partager avec les lecteurs qui puisse saisir, même de loin, le sens et la profondeur d’un accord apparent visant à mettre fin au massacre généralisé des Palestiniens ?

Je n’ai pas souffert. Ma maison est intacte. Ma famille et moi sommes en vie et en bonne santé. Nous sommes au chaud, ensemble et en sécurité.

L’autre dilemme pressant auquel j’ai été confronté était donc le suivant : est-ce vraiment mon rôle d’écrire ? Cet espace devrait être réservé, pensais-je, aux Palestiniens pour qu’ils réfléchissent aux horreurs qu’ils ont endurées et à ce qui les attend.

Leurs voix seront bien sûr entendues ici et ailleurs dans les jours et les semaines à venir. Ma voix, dans ce contexte, est insignifiante et, dans ces circonstances pénibles, elle est presque sans importance.

Cependant, si vous et, en particulier, les Palestiniens, voulez bien m’obliger, voici ce que j’ai à dire.

Je pense qu’il y a quatre mots qui, chacun à leur manière, ont une certaine signification dans la bonne nouvelle de mercredi, selon laquelle les armes sont sur le point de se taire.

Le premier mot, et peut-être le plus approprié, est « soulagement ».

Les « experts » auront tout le temps et l’occasion de dresser leur bilan prévisible des « gagnants » et des « perdants » et des implications stratégiques à court et à long terme de l’accord de mercredi.

Il y aura également tout le temps et l’occasion pour que davantage d’« experts » examinent les conséquences politiques de l’accord de mercredi au Moyen-Orient, en Europe et à Washington.

Ma préoccupation, et je soupçonne celle de la plupart des Palestiniens et de leurs proches à Gaza et en Cisjordanie occupée, est que la paix soit enfin arrivée.

La question de savoir combien de temps elle durera sera posée demain. Aujourd’hui, savourons tous le soulagement que représente le dividende de la paix.

Les garçons et les filles palestiniens dansent de soulagement. Après des mois de chagrin, de perte et de tristesse, la joie est revenue. Les sourires sont revenus. L’espoir est revenu.

Profitons d’un soulagement satisfaisant, sinon du plaisir, de cela.

Il y a aussi du soulagement en Israël.

Les familles des captifs survivants retrouveront bientôt leurs frères et sœurs, leurs filles et leurs fils, leurs mères et leurs pères, qu’ils ont tant désiré embrasser à nouveau.

Ils auront sans aucun doute besoin de soins et d’attention pour guérir les blessures de leur esprit, de leur âme et de leur corps.

Ce sera un autre dividende de la paix, le plus apprécié.

Le mot suivant est « gratitude ».

Ceux d’entre nous qui, jour après jour, ont assisté, démunis et impuissants, à la réduction méthodique de Gaza en poussière et en mémoire par un État d’apartheid impitoyable, doivent notre plus profonde gratitude à tous ceux, courageux et déterminés, qui ont fait de leur mieux pour soulager la douleur et la souffrance des Palestiniens assiégés.

Nous devons notre gratitude éternelle aux innombrables anonymes, dans d’innombrables endroits de Gaza et de Cisjordanie, qui, au péril de leur vie et au prix de tant de jeunes vies prometteuses, ont fait passer le bien-être de leurs frères et sœurs palestiniens avant le leur.

Nous devons leur être reconnaissants pour leur altruisme et leur courage. Ils ont fait leur devoir. Ils ont affronté le danger. Ils n’ont pas reculé. Ils sont restés fermes. Ils ont tenu bon. Ils ont repoussé les pourvoyeurs de mort et de destruction qui ont tenté d’effacer leur fierté et leur dignité.

Ils ont rappelé au monde que l’humanité triomphera malgré les efforts de l’occupant pour l’écraser.

Le troisième mot est « reconnaissance ».

Le monde doit reconnaître la résistance inébranlable des Palestiniens.

L’objectif de l’occupant était de briser la volonté et l’esprit des Palestiniens. C’est l’intention de l’occupant depuis 75 ans.

Une fois de plus, l’occupant a échoué.

Les Palestiniens sont infatigables. Ils sont, comme leurs frères d’Irlande et d’Afrique du Sud, inébranlables.

Ils refusent d’être chassés de leur terre parce qu’ils y sont attachés par la foi et l’histoire. Leurs racines sont trop profondes et indestructibles.

Ce sont les Palestiniens qui décideront de leur sort – pas les armées de pillards dirigées par des racistes et des criminels de guerre qui s’accrochent à l’idée désuète que la force prime sur le droit.

Il faudra encore un peu de temps et de patience, mais la souveraineté et le salut que les Palestiniens ont gagnés au prix de leur sang et de leurs peines sont, j’en suis convaincu, proches de l’horizon.

Le mot de la fin est « honte ».

Il y a des hommes politiques et des gouvernements qui porteront à jamais la honte d’avoir permis à Israël de commettre un génocide contre le peuple palestinien.

Ces hommes et ces gouvernements le nieront. Les preuves de leurs crimes sont évidentes. Nous pouvons le voir dans les images du paysage apocalyptique de Gaza. Nous enregistrerons tous les noms des plus de 46.000 victimes palestiniennes de leur complicité.

Ce sera leur héritage décrépit.

Plutôt que d’arrêter le massacre d’innocents, ils l’ont permis. Plutôt que d’empêcher la famine et la maladie de coûter la vie à des bébés et des enfants, ils l’ont encouragé. Plutôt que de fermer le robinet des armes, ils les ont livrées. Plutôt que de crier « ça suffit », ils ont encouragé le massacre à continuer.

Nous nous souviendrons. Nous ne les laisserons pas oublier.

C’est notre responsabilité : nous assurer qu’ils n’échappent jamais à la honte qui suivra chacun d’entre eux comme une longue ombre défigurante dans le soleil couchant.

Honte à eux. Honte à eux tous.

Article original en anglais sur Al Jazeera / Traduction MR