Isoler Jérusalem des quartiers palestiniens de la ville et de la Cisjordanie, un projet israélien en accélération

Ali Abu Hableh, 30 novembre 2021. Le gouvernement de coalition israélien dirigé par Naftali Bennett et Yair Lapid s’est fixé pour objectif d’accélérer la mise en œuvre du projet du « Grand Jérusalem », qui couvre dix pour cent de la superficie de la Cisjordanie occupée et la coupe en deux. L’intention est de bloquer la création d’un État palestinien viable.

Israël a mené 36 opérations de démolition à Jérusalem en novembre (MEMO, 2.12.2021)

L’aspect le plus dangereux de ce projet est la construction d’une colonie de la taille d’une petite ville dans Jérusalem-Est occupée, sur le site de l’aéroport international de Jérusalem, qui était le seul aéroport de Cisjordanie jusqu’à sa fermeture – définitive, semble-t-il – par les autorités israéliennes il y a près de deux décennies. Les travaux de construction qui y sont menés ouvrent la voie à la construction de cette nouvelle colonie. Malgré les objections européennes et palestiniennes, le comité de planification et de construction de la municipalité de Jérusalem a approuvé sa construction, la première colonie de cette taille à Jérusalem-Est depuis les années 1990.

Les grands projets de colonisation à Jérusalem visent à déplacer d’importants groupes de colons vers le cœur de la ville, et à renforcer le contrôle israélien sur de vastes étendues de terre par le déploiement d’avant-postes de colonisation, de casernes et de réseaux routiers qui détruisent toute contiguïté entre les fragments de territoires palestiniens laissés pour l' »État » proposé. Selon des études et des recherches, la plupart des habitants de Jérusalem vivent dans la « zone B » selon les accords d’Oslo, qui représente moins de 9 % des terres du gouvernorat. La majeure partie de Jérusalem est classée dans la « zone C », sur laquelle les accords d’Oslo ont accordé un contrôle administratif et sécuritaire total à Israël.

Des études montrent que les projets de colonisation les plus dangereux ont eu lieu après l’occupation de Jérusalem-Est, y compris la vieille ville et la mosquée Al-Aqsa, en 1967. Le projet « métropolitain » du Grand Jérusalem qui a suivi, ainsi que le mur d’apartheid, ont isolé environ 150.000 Palestiniens en dehors des limites municipales de Jérusalem. Trois blocs de colonies massives ont été annexés comme faisant partie de Jérusalem : Ma’ale Adumim, Givat Ze’ev et Gush Etzion. Ces colonies illégales sont habitées par environ 165.000 colons et il y a environ 236.000 colons à Jérusalem-Est (à l’intérieur des limites municipales). Le projet E1 représente également un danger, car il empêche tout contact géographique entre les communautés palestiniennes de Jérusalem-Est, tandis que les recherches ont recensé 11 avant-postes de colons et des réseaux routiers complexes qui pénètrent dans les terres de Jérusalem.

La ville représente un point de connexion entre les plus importantes routes de contournement qui traversent la Cisjordanie du nord au sud, et d’est en ouest, comme la rue 60 et la rue 1. Il y a huit bases militaires à Jérusalem, ainsi que treize points de contrôle militaires fixes. Cette politique systématique confirme le danger du complot israélien visant à judaïser la ville et à modifier sa structure démographique, géographique et historique.

Les gouvernements travaillistes, Likoud et de coalition israéliens successifs ont adopté la même politique à l’égard de Jérusalem, à savoir le renforcement du contrôle israélo-juif sur la ville et ses environs, et de son unité physique. Cette politique vise toujours à étendre les frontières de la ville vers l’est et à empêcher sa division, et donc sa séparation de son arrière-pays palestinien.

La judaïsation a été mise en œuvre par un certain nombre de mesures, de plans et de projets adoptés par les gouvernements israéliens successifs au cours des 44 dernières années. Ces mesures ont été concrétisées par la mise en œuvre de projets et de plans de colonisation intensive à l’intérieur et autour de la ville, par la saisie de terres et de biens palestiniens privés et en dotation, par les restrictions imposées aux projets de construction palestiniens (y compris les maisons et les extensions de maisons), ainsi que par la perturbation et la prévention des transports directs et autres liaisons entre les quartiers palestiniens de la ville, et entre la ville et son arrière-pays palestinien.

Israël s’est également employé à expulser le plus grand nombre possible de résidents palestiniens de la ville, à leur retirer les cartes d’identité qui leur permettent de vivre à l’intérieur de Jérusalem et à imposer des procédures strictes pour entrer et sortir de la ville. Parallèlement, une politique d’apartheid et de nettoyage ethnique est imposée dans les quartiers palestiniens, notamment Sheikh Jarrah et Silwan. Non seulement Israël veut isoler Jérusalem de la Cisjordanie et changer son identité, mais il est déjà en train de le faire.

Article en anglais paru sur Middle East Monitor le 30 novembre 2021 / Traduction MR – Article original en arabe sur Addustour, le 29 novembre 2021.