Partager la publication "L’armée libanaise renforce son emprise tandis que l’UNRWA abandonne les camps palestiniens"
Ingrid Chahine, 23 décembre 2025. Au-delà des conséquences immédiates de la frappe israélienne sur le camp d’Aïn al-Hilweh, une stratégie d’étouffement plus vaste se met en place. Le refus de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) de reconnaître officiellement la mort de ses propres étudiants lors de l’attaque israélienne a suscité une vive indignation, aggravant l’incertitude qui plane déjà sur l’agence et ses services.
Certains affirment que cette pression accrue sur l’UNRWA est liée à un objectif politique à plus long terme : non seulement affaiblir ou fermer l’agence, mais aussi transférer ses services à des organismes comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Cette mesure priverait totalement les Palestiniens de leur droit au retour.
À Aïn al-Hilweh, les élèves du lycée Bissan avaient organisé des funérailles pour leurs camarades martyrs. Cette initiative s’est rapidement transformée en action collective. Des élèves de plusieurs écoles de l’UNRWA dans les camps palestiniens se sont mis en grève pour protester contre le refus de l’agence d’autoriser la commémoration de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, le 29 novembre. Les élèves ont confirmé avoir contacté leurs directions d’établissement pour marquer cette journée, mais l’UNRWA a rejeté leur demande, ce qui a déclenché la grève pour protester contre ce qu’ils ont décrit comme « l’effacement de l’identité palestinienne ».
Le 4 décembre, cette frustration s’est manifestée devant les bureaux de l’UNRWA. Le Comité pour la défense des droits des réfugiés palestiniens, aux côtés du mouvement militant palestinien dans les camps et de Palestiniens déplacés de Syrie, a organisé un sit-in massif devant le siège de l’UNRWA à Beyrouth. Les manifestants ont rejeté les politiques visant à isoler les Palestiniens de leur cause nationale et ont dénoncé le mépris de l’administration pour les droits et les besoins fondamentaux des réfugiés.
Les participants ont condamné l’incapacité de l’UNRWA à faire face à la détérioration des conditions humanitaires, notamment la dégradation catastrophique des services médicaux qui conduit les patients à une mort lente et évitable. Le sit-in s’oppose également aux politiques d’intégration et de surpopulation dans les écoles de l’UNRWA et exige la réactivation du Programme d’affaires sociales, le rétablissement de l’aide aux réfugiés palestiniens de Syrie, l’achèvement de la reconstruction du camp de Nahr al-Bared et la réparation urgente des habitations menacées d’effondrement.
Des manifestations se sont poursuivies dans d’autres camps. Hier, l’Organisation démocratique des femmes a organisé une manifestation dans le camp de réfugiés de Burj al-Shamali (photo ci(-dessus) pour dénoncer la réduction des services de l’UNRWA au Liban et l’impact direct de ces politiques sur la vie des réfugiés palestiniens. Le même jour, l’Union démocratique des femmes palestiniennes (NIDA) au Liban a organisé une action coordonnée devant le bureau du directeur des services de l’UNRWA dans le camp de réfugiés d’al-Jalil, afin de mettre en avant le Programme de filet de sécurité sociale et d’insister sur la nécessité de son maintien.
Parallèlement, l’armée libanaise a intensifié sa pression sur les camps palestiniens, notamment en ce qui concerne l’accès et la liberté de circulation.
Camp de Burj al-Shamali :
Le 10 décembre, l’armée libanaise a fermé deux entrées secondaires menant au camp de Burj al-Shamali, interdisant la circulation automobile. Un passage est resté ouvert aux piétons afin de permettre aux résidents d’emprunter la route à pied. Le lendemain, l’armée a fermé une troisième entrée secondaire du camp, connue sous le nom de carrefour de Bustan.
Camp d’Aïn al-Hilweh :
L’entrée du camp d’Aïn al-Hilweh, au sud du Liban, fait l’objet de mesures de sécurité renforcées de la part de l’armée libanaise au point de contrôle de Hisbeh depuis le début du mois. Les inspections régulières entraînent d’importants embouteillages et perturbent considérablement la circulation des résidents entrant et sortant du camp.
Camp de Rashidiyah :
Il y a quatre semaines, l’armée a fermé le seul accès du camp à la zone de « Duck Rail », un espace de loisirs essentiel pour les résidents, en installant une barrière métallique avec un portail verrouillé. Les résidents du camp ont confirmé que cette mesure avait été prise sans aucune explication officielle. Cet espace constituait un lieu de promenade essentiel pour les familles et un espace de jeux pour les enfants, loin de l’exiguïté du camp. Sa fermeture a des répercussions négatives sur la vie quotidienne.
Camp de Beddawi :
Le 27 novembre, l’armée libanaise a relevé avec précision les dimensions de la dernière entrée secondaire reliant le camp de Beddawi à la zone de Sumoud, signe évident de son intention de sceller définitivement ce passage. Le camp perdrait ainsi son dernier lien secondaire avec Jebel al-Beddawi, ce qui inquiète les résidents quant aux conséquences sur leur mobilité et leurs activités quotidiennes. Le 16 décembre, l’armée libanaise a entamé la construction d’un mur pour fermer complètement le passage reliant le camp à la route d’al-Mankoubin. Une porte est actuellement installée et restera ouverte selon des règles et des procédures spécifiques.
Les conséquences sont particulièrement graves pour les services de santé. Les ambulances du centre médical Inaya de l’association al-Shifa, un dispensaire vital pour les résidents du camp et les personnes extérieures, dépendent de cet itinéraire. En effet, les allées à l’intérieur du camp sont trop étroites pour les gros véhicules. La fermeture de ce passage constitue une menace directe pour l’intervention médicale d’urgence, risquant de paralyser les services de santé essentiels du camp et de ses environs.
À Beddawi comme à Rashidiyah, le blocage de voies de passage vitales, conjugué à la fragilité déjà présente des infrastructures, a provoqué des catastrophes lors des récentes tempêtes. Des camps palestiniens ont été inondés par les eaux de pluie, contraignant leurs habitants à évacuer en urgence.
Article original en anglais sur Al-Akhbar / Traduction MR



