Une société de mercenaires américains liée à un programme d’aide discrédité recrute pour un nouveau déploiement à Gaza

Sharif Abdel Kouddous, 19 novembre 2025. UG Solutions, un important sous-traitant militaire américain qui a assuré la sécurité de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), intensifie ses efforts de recrutement en prévision de l’ouverture possible de plusieurs sites de distribution d’aide à Gaza d’ici le mois prochain, selon les informations recueillies par Drop Site.

Des Palestiniens portant des sacs reviennent d’un point de distribution alimentaire géré par la Fondation humanitaire de Gaza près du corridor de Netzarim, dans le centre de la bande de Gaza, le 5 octobre 2025.

Un ancien officier de l’armée, ayant postulé à un poste d’« agent international de sécurité humanitaire » chez UG Solutions, a confié à Drop Site qu’un responsable de l’entreprise lui avait indiqué, lors d’un entretien d’embauche fin octobre, que l’ouverture de 12 à 15 sites était prévue à Gaza et que la société allait « avoir besoin de beaucoup plus de personnel ». Cet ancien officier s’est confié à Drop Site sous couvert d’anonymat, invoquant des raisons de sécurité.

L’avenir de Gaza se trouve à un tournant critique suite au vote cette semaine du Conseil de sécurité approuvant une résolution parrainée par les États-Unis autorisant une force internationale de stabilisation à Gaza. Cette force ne serait pas placée sous le commandement de l’ONU, mais sous celui d’un « Conseil de la paix » présidé par le président Donald Trump. Ce comité disposerait de pouvoirs étendus sur Gaza, notamment en matière de reconstruction, de sécurité, de relance économique et de coordination de la distribution de l’aide humanitaire.

Le recours à des sociétés militaires privées pour la distribution de l’aide à Gaza a débuté en mai, lorsque la GHF a ouvert quatre sites de distribution à Gaza, gardés par des agents de sécurité privés, dont beaucoup étaient des vétérans de l’armée américaine recrutés par UG Solutions. Pendant les quatre mois et demi d’opérations de la GHF à Gaza, plus de 2.600 Palestiniens en quête de nourriture ont été tués et plus de 19.000 blessés par les forces israéliennes ou les agents de sécurité privés, aux abords des sites de distribution d’aide. Les sites ont été démantelés après l’entrée en vigueur, le 10 octobre, d’un accord de cessez-le-feu négocié par les États-Unis à Gaza.

Joel Reyes, responsable chez UG Solutions ayant mené l’entretien téléphonique, a indiqué à l’ancien officier qu’un déploiement à Gaza était prévu entre début et mi-décembre, pour une durée de 90 jours. Il lui a été précisé que la rémunération serait de 800 dollars par jour pour un poste de garde statique et de 1.000 dollars par jour pour un poste de garde mobile, plus une indemnité journalière de 180 dollars. Interrogé sur la nature du poste, Reyes a simplement répondu à la recrue qu’il s’agissait d’assurer la sécurité.

En réponse aux questions concernant l’exactitude des informations relatives à l’existence de nouveaux sites d’aide à Gaza et au déploiement prévu en décembre, Jennifer Counter, vice-présidente senior des affaires gouvernementales d’UG Solutions, a déclaré à Drop Site par courriel : « UG Solutions se prépare à un large éventail de scénarios à Gaza, allant d’un rôle de conseil, fort de notre expérience de janvier 2025 à nos jours, à une présence sécuritaire renforcée pour appuyer l’acheminement de l’aide humanitaire et, éventuellement, une assistance technique à la Force internationale de sécurité. »

D’autres indices laissent présager un renforcement de la présence américaine à Gaza. Le 25 septembre, soit au lendemain de la fin officielle du contrat de 30 millions de dollars avec GHF, un nouveau contrat américain de 7 millions de dollars sur cinq ans a été signé avec la société Q2IMPACT afin de « surveiller l’efficacité de l’aide humanitaire en Palestine et au Liban ». Selon les communiqués de presse de Q2, Rob Jenkins, ancien directeur du Bureau des initiatives de transition de l’USAID, et Sean Jones, ancien chef de mission de l’USAID en Égypte, y occupent des postes de conseillers principaux.

L’ancien officier de l’armée a déposé sa candidature auprès d’UG Solutions en juin. Patrick Shoaff, ancien béret vert des forces spéciales et directeur du soutien et de l’intégration des missions chez UG Solutions, lui a répondu par courriel fin juillet, confirmant que sa candidature avait progressé dans le processus de recrutement. L’ancien officier n’a plus eu de nouvelles d’UG Solutions jusqu’à l’appel téléphonique de Reyes fin octobre. Quatre jours plus tard, il a reçu un courriel d’UG Solutions l’informant qu’il était « présélectionné pour une prochaine opération à l’étranger » dans « un environnement à haut risque » et qu’un second entretien serait programmé.

Lors de ce second entretien, début novembre, un autre responsable d’UG Solutions l’a interrogé plus en détail sur son parcours militaire et ses déploiements, et lui a demandé de donner un exemple de « dilemme éthique » auquel il avait été confronté durant son service, se souvient l’officier. Ce responsable, dont l’officier a souhaité taire le nom, a précisé qu’en cas d’acceptation, il suivrait une formation de trois à quatre jours dans un centre de formation à New Bern, en Caroline du Nord. Cela inclurait une formation aux « règles d’escalade » et aux « opérations d’aide humanitaire », ainsi que des examens de tir et d’autres cours. Le responsable d’UG Solutions a demandé à l’officier s’il accepterait de recevoir des ordres d’un officier moins gradé. Il a également précisé qu’ils recherchaient des recrues prêtes à s’engager sur le long terme.

Quelques jours plus tard, l’officier a reçu un courriel de Reyes rejetant sa candidature et l’informant que l’entreprise avait « reçu de nombreuses candidatures pour ce poste et que la sélection était très compétitive ». Contacté à plusieurs reprises par Drop Site, Reyes a refusé de commenter.

Le rôle de la GHF et des entreprises militaires privées dans la distribution future de l’aide à Gaza est un sujet très controversé. Fin août, alors que les négociations de cessez-le-feu étaient en cours et que l’offensive militaire israélienne, qualifiée de génocidaire, battait son plein, le Hamas a accepté de supprimer une clause qui aurait empêché la GHF de rester à Gaza après l’entrée en vigueur de l’accord, une concession majeure parmi d’autres. En réponse aux questions concernant d’éventuelles discussions entre UG Solutions et la sécurité des sites d’aide humanitaire à Gaza dans les prochains mois, Counter a déclaré : « Nous sommes prêts à assurer la sécurité des sites d’aide humanitaire à Gaza si le Conseil de la paix estime que les lieux de distribution ou de stockage nécessitent nos compétences et notre expertise », faisant référence à l’organe dirigé par Trump chargé de superviser Gaza et autorisé par la résolution du Conseil de sécurité cette semaine.

« UG Solutions poursuit ses discussions avec les parties prenantes concernées au sujet de la situation sur le terrain à Gaza, de notre expérience sur place et des moyens par lesquels nous pouvons à nouveau soutenir le système d’aide humanitaire et sa distribution », a ajouté Counter. « L’adoption, le 17 novembre 2025, de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, sous l’égide des États-Unis, devrait clarifier les prochaines étapes à Gaza, et UG est prêt à intervenir rapidement si nos services sont requis

Peu après le début des opérations de GHF à Gaza en mai, UG Solutions s’est rapidement retrouvée sous le feu des critiques en raison de sa conduite. En juillet, des vidéos et des témoignages de deux agents de sécurité d’UG Solutions, obtenus par l’Associated Press, ont révélé que des sous-traitants de l’entreprise tiraient à balles réelles, utilisaient des grenades assourdissantes et d’autres armes lors de presque toutes les distributions à Gaza, « même en l’absence de menace ». Plus tard dans le mois, Anthony Aguilar, un sous-traitant d’UG Solutions déployé à Gaza, a démissionné pour dénoncer ce qu’il a qualifié de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis contre des Palestiniens cherchant de la nourriture dans les centres d’aide de GHF, qu’il a décrits comme des « pièges mortels ». En août, plusieurs médias ont révélé qu’UG Solutions avait recruté des membres d’un gang de motards américains connus pour leurs discours haineux anti-musulmans afin d’assurer la sécurité à Gaza.

Interrogée par Drop Site sur un éventuel renforcement du recrutement d’UG Solutions en vue d’un nouveau déploiement à Gaza, Counter a déclaré : « Notre recrutement se poursuit pour Gaza et plusieurs autres projets internationaux, dont la plupart requièrent les mêmes compétences que celles que nous avons déployées à Gaza.» Elle a ajouté : « Nombreux sont les membres de notre équipe qui ont passé la majeure partie de l’année 2025 à Gaza et qui souhaitent retourner dans la bande de Gaza car ils croient en la mission humanitaire qui y est menée, ont tissé des liens avec la population locale et veulent aider les personnes qui souffrent des conséquences de la guerre

Le mois dernier, la section de Caroline du Nord du Conseil des relations américano-islamiques (CAIR-NC), ainsi que d’autres organisations locales, ont appelé le secrétaire d’État et le procureur général de Caroline du Nord à enquêter sur les activités d’UG Solutions, société basée à Davidson, en Caroline du Nord, à Gaza. « Les entreprises constituées en Caroline du Nord ne doivent pas être complices de crimes de guerre ou de violations des droits de l’homme à l’étranger », a déclaré Al Rieder, directeur du CAIR-NC, dans un communiqué. « Les preuves selon lesquelles une entreprise basée en Caroline du Nord aurait participé à des attaques contre des civils affamés à Gaza sont effroyables. Nous exhortons les plus hauts responsables de l’État à faire respecter la loi et à veiller à ce que la Caroline du Nord ne serve pas de base à des opérations qui contribuent aux souffrances de populations innocentes. »

Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, Israël viole l’accord en poursuivant ses attaques contre Gaza, a tué au moins 290 Palestiniens, et a refusé l’acheminement des 600 camions d’aide humanitaire par jour convenus – un nombre que les Nations Unies ont qualifié de strict minimum. En août, le principal organisme mondial d’évaluation des crises alimentaires, le Système intégré de classification de la sécurité alimentaire (IFSC), a déclaré l’état de famine à Gaza. Plus de 450 Palestiniens, dont plus de 150 enfants, sont morts de faim et de malnutrition à Gaza entre octobre 2023 et fin septembre, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Alexandra Hall, du projet Adalah Justice, et Jack Poulson ont contribué à cet article.

Article original en anglais sur Drop Site News / Traduction MR