Quelle est la stratégie israélienne à Gaza ?

Robert Inlakesh, 28 octobre 2025. Pour comprendre le programme israélo-américain qui sous-tend le prétendu « plan de paix » présenté par le président américain Donald Trump, il est important d’examiner les objectifs du régime sioniste et d’évaluer comment ils peuvent être réaliser. Une telle analyse permet de mieux cerner l’avenir et de déterminer si le fragile cessez-le-feu est susceptible de perdurer.

Illustration Batoul Chamas pour Al Mayadeen English.

Le 19 octobre, le cessez-le-feu à Gaza semblait rompu après que le régime sioniste eut lancé plus de 100 frappes aériennes, larguant au moins 153 tonnes d’explosifs sur l’enclave côtière assiégée et tuant au moins 44 civils. Les médias israéliens eux-mêmes ont rapporté que le cessez-le-feu avait été rompu et que la guerre avait repris, avant que la situation ne se calme le lendemain.

Initialement, l’establishment israélien a affirmé que deux de ses soldats avaient été tués par des combattants palestiniens lors d’une embuscade impliquant des RPG et des armes automatiques, affirmant que ses attaques ultérieures n’étaient qu’une réponse à cet incident, dans lequel le Hamas a catégoriquement nié toute implication.

Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour que des journalistes américains, palestiniens et même israéliens révèlent la vérité. En réalité, alors que des soldats israéliens, aux côtés de colons engagés pour des travaux de démolition, violaient le cessez-le-feu en détruisant des infrastructures palestiniennes, ils ont accidentellement roulé sur une munition non explosée. La concordance des rapports provenant de sources multiples a donné de la crédibilité à ce récit, mais l’armée sioniste a rapidement interdit la publication de l’incident, avant d’admettre ultérieurement partiellement ce qui s’était réellement passé.

Cela signifiait que les Israéliens avaient, en substance, tué leurs propres soldats en violant le cessez-le-feu et en envoyant leurs forces détruire des infrastructures dans ce qui était en réalité un champ de mines actif, puis en imputant la responsabilité aux Palestiniens comme prétexte pour tuer davantage de civils. Jusque-là, les Israéliens avaient déjà commis au moins 80 violations du cessez-le-feu et tué plus de 100 innocents.

Dès le premier jour du cessez-le-feu, les Israéliens avaient également adopté une stratégie consistant à sous-traiter les opérations de combat du front de Gaza à trois milices mandataires liées à Daech – chacune stationnée dans des zones différentes derrière la « Ligne jaune » imposée par Israël – au lieu d’engager directement le Hamas. Le régime sioniste a commencé à utiliser ces forces mandataires pour perpétrer des assassinats et des embuscades contre des personnalités et des membres de l’appareil de sécurité de Gaza.

La stratégie israélienne, soutenue par les États-Unis – selon des sources anonymes qui ont parlé à Axios – consiste à commencer à utiliser les fonds de reconstruction pour construire des structures derrière la Ligne jaune, qui représente environ 54 à 58 % du territoire de Gaza, d’où l’occupation refuse de se retirer et coopère avec ses mandataires pour contrôler l’enclave. Parallèlement, les Israéliens cherchent à asphyxier la population civile vivant dans les zones sous l’autorité civile du Hamas, tout en lui offrant l’alternative de vivre sous l’occupation conjointe d’Israël et de ses collaborateurs.

Cette stratégie a déjà commencé à s’effondrer, car de nombreuses familles que l’entité sioniste cherchait à coopter ont rejoint la résistance et rejeté les collaborateurs. Pendant ce temps, la Résistance palestinienne continue de traquer ces escadrons de la mort collaborateurs et de les poursuivre pour leurs divers crimes, notamment des meurtres et des vols d’aide humanitaire.

À l’instar d’autres stratégies similaires proposées par le régime israélien et approuvées par ses soutiens américains inféodés, celle-ci risque d’échouer sous la pression et n’est pas logique compte tenu de la réalité du terrain et du manque de soutien populaire des mandataires sionistes.

Alors, que nous réserve l’alliance américano-israélienne ? C’est simple : ils cherchent à atteindre certains de leurs objectifs sous couvert d’un cessez-le-feu, qu’ils ne respectent que partiellement, n’autorisant qu’une aide humanitaire limitée et tuant moins de personnes qu’avant le prétendu « accord de paix ».

De même, au Sud-Liban, les Israéliens ont ourdi un plan après l’imposition du cessez-le-feu pour s’emparer d’un territoire plus vaste que celui qu’ils avaient conquis pendant la guerre, tout en commettant des violations quotidiennes du cessez-le-feu, soigneusement calibrées pour éviter de déclencher un retour à une guerre ouverte.

S’ils ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs par des mesures militaires limitées et des manœuvres agressives déguisées en diplomatie, ils recourront à la force à grande échelle, car la « paix » n’est pas une option.

Pour comprendre ce raisonnement, il faut d’abord conclure que les Israéliens ont poursuivi leurs politiques jusqu’à présent afin de briser la résistance régionale qui les opposait, éliminant ainsi toute menace à leur pouvoir.

Le régime sioniste perçoit comme un impératif la nécessité d’apporter une « réponse à la question de Gaza », une formulation qui, selon lui, équivaut à l’élimination de sa population : une campagne de nettoyage ethnique et de génocide, accompagnée de la destruction de l’ensemble des infrastructures du territoire. Il ne s’agit pas seulement de l’objectif des dirigeants israéliens, mais d’un projet impliquant la société israélienne dans son ensemble, un projet national d’élimination.

Le 7 octobre 2023 a porté un coup majeur au projet sioniste, brisant l’illusion de sa supériorité militaire et ébranlant son idéologie en profondeur. Depuis, il poursuit donc un projet visant à donner une leçon à ses adversaires et à détruire la capacité des acteurs régionaux à lui résister. Gaza est un message : soulevez-vous contre nous, et nous vous pulvériserons.

Dans une certaine mesure, cette stratégie a jusqu’à présent réussi à dissuader toute population arabe de se soulever. Immédiatement après le 7 octobre, les Jordaniens et les Égyptiens, par exemple, ont commencé à participer à des manifestations de masse, tenté de franchir la frontière et affronté les forces du régime. Pourtant, les scènes quotidiennes de dévastation à Gaza, ainsi que la propagande diffusée par les régimes arabes, ont anéanti leur fierté, leur détermination et leur volonté de continuer à résister, du moins pour l’instant.

La résistance régionale, cependant, n’a pas été découragée, c’est pourquoi l’alliance américano-israélienne cherche maintenant à la détruire, ou du moins à l’affaiblir si gravement qu’elle ne représente plus une menace significative.

Si les Israéliens subissent une nouvelle défaite militaire du type du 7 octobre, incluant la pénétration de leurs lignes défensives, cela représentera un coup décisif, voire mortel, pour le projet, et le régime sioniste en est bien conscient.

Ce qui s’est passé le 7 octobre a irrévocablement transformé le régime et a déclenché une série de changements irréversibles. Les hauts dirigeants sionistes perçoivent désormais les événements actuels en termes binaires : soit la renaissance d’« Israël », soit sa disparition progressive. Dans le premier cas, le régime s’assurerait un contrôle de facto sur la région et enterrerait ses problèmes de sécurité ; s’il ne parvient pas à éliminer Gaza, à briser la résistance libanaise et à affaiblir suffisamment l’Iran, il sera à deux doigts d’une défaite cuisante.

Pour le régime sioniste, l’heure est désormais historique : exterminer tous ceux qui lui résistent, éliminer Gaza entièrement et imposer une domination incontestée sur la région. Bien qu’il n’ait pas encore atteint ces objectifs, il perçoit toute incapacité à obtenir une « défaite totale » comme une menace existentielle pour sa propre survie. Par conséquent, si « Israël » n’atteint pas ses objectifs pendant le cessez-le-feu, il est probable qu’il poursuivra ces objectifs par une nouvelle action militaire, le Liban et l’Iran étant appelés à devenir les principaux fronts à l’avenir.

Article original en anglais sur Al Mayadeen / Traduction MR