AL-Khalil : Activisme sur le fil du rasoir

ISM-Palestine, 22 octobre 2025.- « Bonjour ! Ils ont battu cet homme et l’ont emmené sans raison. Nous ne savons pas où ils l’ont emmené.» / « C’est le huitième jour du couvre-feu et je n’ai pas le droit de sortir de chez moi. Ils ne nous autorisent même pas à prendre du lait pour bébé, du pain ou des couches.» / « Personne n’est allé à l’école. C’est terrible pour les enfants.» / « Les soldats sont ici, chez moi. Ils sont en train de prendre ma voiture

Capture d’écran de la VIDEO d’ISM-Palestine, filmée le 29.9 à Al-Khalil. Des soldats israéliens ont arrêté deux enfants palestiniens, les accusant d’être des espions. Lorsque les passants ont demandé pourquoi de tels jeunes enfants étaient détenus, l’armée leur a dit d’arrêter de filmer. Les soldats ont exigé de savoir où se trouvait le père des garçons et les ont détenus pendant que d’autres soldats se rendaient chez la famille, empêchant les activistes de les suivre. Les soldats ont ensuite harcelé et menacé les commerçants qui essayaient de soutenir les enfants. C’est la violence quotidienne de l’occupation à Al Khalil où les soldats israéliens terrorisent régulièrement les Palestiniens hors de leurs foyers sans impunité.

 

Voici quelques-uns des messages que nous recevons régulièrement d’Areej Abdel Karim Al-Jabari, une Palestinienne mère de cinq enfants et militante sociale qui vit dans le quartier de Wadi Al-Hussein à Hébron/Al-Khalil, la seule ville palestinienne au milieu de laquelle se trouve une colonie israélienne illégale. Areej vit à la limite entre un territoire sous contrôle israélien et un territoire palestinien. Souvent confinée chez elle en raison des fréquents couvre-feux imposés par l’armée israélienne à son quartier palestinien, Areej s’est engagée depuis 2007 à aider ses voisins en documentant les « crimes de l’occupation », révélant au monde les conditions de vie atroces des Palestiniens d’Hébron.

« Ce qui me pousse à photographier, c’est l’injustice à laquelle sont confrontés les habitants – les enfants et les femmes », explique-t-elle.

Hébron est un lieu sacré pour les musulmans comme pour les juifs, qui y voient le lieu de sépulture d’Abraham et d’autres personnages importants des Écritures. De par son importance religieuse, Hébron est devenue un bastion des extrémistes religieux du mouvement des colons israéliens illégaux, qui considèrent que le peuple juif a un droit divin de contrôle sur la Cisjordanie et considèrent qu’un « retour juif à Hébron est une justice historique ».

Areej vit dans sa maison depuis 1999, deux ans seulement après qu’Israël et l’OLP ont signé le Protocole d’Hébron, divisant sa ville – la deuxième plus grande de Cisjordanie – en trois zones distinctes. La zone H1 représente 80 % de la ville et est sous contrôle civil et sécuritaire palestinien ; la zone H2, sous contrôle militaire israélien, représente 20 % de la ville et englobe la totalité de la vieille ville d’Hébron, autrefois le centre commercial de toute la Cisjordanie. 40.000 Palestiniens vivent toujours dans la zone H2 et sont soumis à sa fragmentation exceptionnellement complexe par la présence de points de contrôle militaires, de barbelés, de barrières en béton, de caméras de surveillance, de zones militaires et de colonies israéliennes illégales. Areej vit à la frontière entre les zones H1 et H2.

Une troisième partie d’Hébron est appelée la « zone réglementée », où 700 colons israéliens vivent illégalement à l’intérieur de la ville. Ici, les résidents palestiniens n’ont pas le droit de conduire ou même de marcher sur certaines rues. La présence de la zone réglementée, fortement surveillée par de nombreux points de contrôle, des miradors militaires et des soldats, rend les déplacements dans toute la ville d’Hébron extrêmement difficiles pour ses habitants. Ce qui était autrefois une marche de 5 minutes d’un côté à l’autre de la zone réglementée nécessite désormais un trajet en taxi de 30 minutes. En raison de ces restrictions de circulation et de commerce, ainsi que de la répression militaire extrême et de la violence des colons, des milliers de Palestiniens ont perdu leurs sources de revenus et ont quitté Hébron ou vivent dans la pauvreté.

Pourtant, 40.000 Palestiniens, en signe de résistance non violente à leur propre nettoyage ethnique, demeurent dans H2. Par leur refus obstiné de partir, ces Palestiniens ont empêché les 700 colons israéliens de la Vieille Ville de s’emparer illégalement de l’ensemble du quartier.

Pourtant, cette forme de résistance a des conséquences néfastes. Les Palestiniens de la Vieille Ville sont témoins quotidiennement des marches de soldats lourdement armés, et chaque semaine, des dizaines de soldats évacuent les rues pour laisser la place aux visiteurs juifs du monde entier qui souhaitent visiter la ville dont ils croient que bientôt, elle leur appartiendra entièrement. Depuis deux ans, Areej est confinée chez elle du jeudi soir au dimanche matin en raison d’un couvre-feu imposé par l’armée israélienne. « Cela signifie », explique-t-elle, « que les habitants sont chez eux et qu’il est interdit d’ouvrir portes et fenêtres.»

La semaine dernière, en raison de la fête juive de Souccot, l’armée israélienne a interdit à Areej et à ses voisins de quitter leur domicile pendant huit jours entiers. « Cela s’ajoute aux agressions contre les habitants à leur domicile, aux fouilles et aux coups. » Il y a deux semaines, sa voiture a été confisquée pour des « raisons de sécurité ». Ces abus, nous dit-elle, ont considérablement augmenté depuis octobre 2023.

Areej photographie fréquemment l’armée harcelant et détenant des Palestiniens devant chez elle. « Ils les détiennent sans raison et les torturent pendant huit heures », nous confie-t-elle.

De sa fenêtre, Areej documente ce harcèlement avec son appareil photo et publie les vidéos sur ses pages Facebook et TikTok. Si la plupart de ses abonnés sont palestiniens, elle touche également des personnes aux États-Unis et ailleurs.

Areej est profondément attachée à l’espoir de sa communauté en cette période où le moral des gens peut être si facilement brisé. Depuis plusieurs années, elle organise des cercles de tricot d’un mois pour les femmes, chez elle. « Pour alléger la pression », dit-elle. Surtout pour « les mères qui voient leurs enfants se faire torturer ». À l’aide de fils donnés de diverses sources, Areej apprend aux femmes à tricoter des couvertures pour bébés, des pulls, des écharpes et divers autres articles essentiels.

Areej organise également un camp d’été pour enfants, proposant des activités et de la nourriture pendant une période où ils n’ont pas grand-chose d’autre à faire. Les enfants envoient des colis cadeaux à d’autres enfants de Masafer Yatta – les collines du sud d’Hébron – qui sont expulsés de leurs terres.

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle aimerait que les autres pays sachent sur la vie sous occupation et comment les gens à l’étranger peuvent soutenir son travail, elle répond : « J’espère que la communauté internationale me soutiendra et soutiendra les activités que je mène pour les femmes et les enfants. Je veux que mes amis comprennent nos souffrances, qu’ils regardent mes vidéos de documentation, voient mon travail pour les enfants et m’aident à accomplir ma mission. »

« Il y a un rêve impossible pour les femmes », ajoute-t-elle, « c’est d’aller accomplir la Omra [un pèlerinage islamique] en Arabie saoudite. Elles veulent aller prier, mais le budget est important. J’espère que ceux qui se soucient d’elles les aideront à réaliser leur seul rêve. » Elle espère également qu’une autre voiture viendra la rejoindre afin qu’elle puisse enfin sortir de chez elle et redevenir un soutien pour le reste de son quartier.

Areej explique qu’elle est devenue la cible des soldats, car ils savent qu’elle « filme et dénonce leurs crimes » et qu’ils « attendent de pouvoir m’arrêter à tout moment ».

« Mais je suis forte et ils ne me vaincront pas


Areej est présente sur TikTok à l’adresse @m1234567777777777777 et sur Instagram à l’adresse https://www.instagram.com/areejjabari6

Article original en anglais sur Palsolidarity.com / Traduction MR