Le « Conseil de paix » de Trump pour Gaza promet un nouveau salaire à Tony Blair

Belén Fernández, 1er octobre 2025. Alors que l’on pensait que l’avenir de la bande de Gaza ne pouvait être plus sombre, le président américain Donald Trump a dévoilé son « plan de paix » en 20 points pour le territoire palestinien, se présentant comme le président d’un « Conseil de paix » qui servira de gouvernement de transition dans l’enclave, ceci venant de l’homme qui a activement aidé et encouragé le génocide des Palestiniens par Israël depuis janvier, date à laquelle il a succédé à l’ancien génocidaire honoraire Joe Biden à la présidence des États-Unis.

Mais ce n’est pas tout. L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair est également membre du « Conseil de paix », qui jouerait un rôle important dans le projet de transformation de Gaza. Certes, importer un certain Sir Tony Blair du Royaume-Uni pour superviser une enclave palestinienne a des relents de colonialisme dans une région déjà bien familière du phénomène.

Et pourtant, la région connaît aussi bien Blair lui-même, notamment en raison de sa performance notoire lors de la guerre de 2003 contre l’Irak, menée par son ami et alors chef de la prétendue guerre contre le terrorisme, George W. Bush. Jurant par les fausses allégations d’armes de destruction massive irakiennes, Blair a entraîné le Royaume-Uni dans une guerre qui a finalement tué des centaines de milliers d’Irakiens, lui valant une réputation bien méritée de criminel de guerre.

En d’autres termes, il n’est pas du genre à siéger à un « Conseil de la paix ».

Et tandis que Bush se retirait ensuite pour une vie tranquille, peignant des chiens et des portraits du président russe Vladimir Poutine, Blair continuait de se faire un nom comme l’homme dont le Moyen-Orient ne peut se débarrasser – et de gagner un joli pactole.

Après sa démission de Premier ministre en 2007, Blair s’est immédiatement réincarné en envoyé pour le Moyen-Orient auprès du « Quartet » de puissances internationales – représentant les États-Unis, l’Union européenne, la Russie et les Nations Unies – qui s’efforce apparemment en permanence de résoudre la question israélo-palestinienne.

Mais là encore, la nomination d’un envoyé proche d’Israël – l’agresseur incontesté du « conflit » – a pratiquement empêché toute avancée vers la « paix ».

De plus, l’activité diplomatique de Blair coïncidait opportunément avec une série de transactions commerciales très lucratives dans la région, allant de la fourniture de conseils rémunérés aux gouvernements arabes à son engagement comme conseiller principal à temps partiel en 2008 auprès de la banque d’investissement américaine JP Morgan. Pour ce dernier poste, Blair aurait perçu une rémunération supérieure à 1 million de dollars par an.

Comme l’a déclaré Francis Beckett, coauteur de Blair Inc : The Man Behind the Mask, à Al Jazeera en 2016 – un an après le départ de Blair de son poste d’envoyé du Quartet – « la difficulté résidait dans le fait que, lorsqu’il se rendait à des réunions au Moyen-Orient, personne ne savait à quel Tony Blair il avait affaire, soit Tony Blair, l’envoyé du Quartet, Tony Blair, le mécène de la Tony Blair Faith Foundation, ou Tony Blair, le directeur du cabinet de conseil Tony Blair Associates ».

Mais bon, l’intérêt des conflits d’intérêts, c’est qu’ils sont payants.

Dans un article de 2013 paru dans le Journal of Palestine Studies, le journaliste primé Jonathan Cook a noté que, bien que Blair ait eu peu de « réalisations » à montrer en tant que représentant du Quartet, il aimait en « vanter une en particulier : son succès en 2009 dans l’obtention de fréquences radio d’Israël pour permettre la création de Wataniya Mobile, en Cisjordanie. »

Il y eut cependant un hic. Comme le détaille Cook, Israël a libéré les fréquences en échange d’un accord des dirigeants palestiniens pour abandonner, à l’ONU, la question des crimes de guerre israéliens commis lors de l’opération Plomb durci à Gaza, lancée en décembre 2008 et qui a tué quelque 1.400 Palestiniens en 22 jours.

Et le saviez-vous ? « Blair avait des intérêts commerciaux privés dans la négociation de l’accord », et il se trouve que « non seulement Wataniya, mais aussi JP Morgan ont tiré d’énormes profits de l’ouverture des ondes de Cisjordanie ».

Il n’est guère exagéré de supposer maintenant que Blair cherchera également à capitaliser sur son accession imminente au poste de gouverneur de Gaza, car il existe sans aucun doute de nombreuses opportunités pour le Tony Blair Institute for Global Change, vous savez, de changer le monde pour serrer définitivement la vis aux Palestiniens.

L’un des points forts du plan en 20 points de Trump réside d’ailleurs dans « les nombreuses propositions d’investissement réfléchies et les idées de développement prometteuses… élaborées par des groupes internationaux bien intentionnés » qui susciteront comme par magie « l’espoir pour l’avenir de Gaza ». Après tout, pourquoi les Palestiniens devraient-ils se soucier d’avoir un État et de ne pas être perpétuellement massacrés par Israël, alors qu’ils peuvent vivre du capitalisme et de la tyrannie des investisseurs étrangers ?

Et le visage de cette tyrannie pourrait bien être Blair, dont le lien avec le massacre de civils au Moyen-Orient ne l’a pas empêché d’être à nouveau sollicité comme artisan de la paix régionale.

Cela ne veut pas dire que Blair n’a pas d’admirateurs en dehors de Trump et des Israéliens. Par exemple, Thomas Friedman, chroniqueur des affaires étrangères du New York Times, orientaliste lui aussi et fervent partisan de la guerre en Irak, a un jour loué Blair, le qualifiant de « l’un des Premiers ministres britanniques les plus importants de tous les temps » pour avoir décidé de « rallier le sort de la Grande-Bretagne au président Bush sur la guerre en Irak », défiant ainsi non seulement « le sentiment anti-guerre prédominant de son propre parti, mais aussi l’opinion publique britannique en général ».

L’admiration de Friedman pour le stoïcisme antidémocratique de Blair semblait sans limite : « Il n’avait aucun véritable groupe de soutien sur lequel s’appuyer. Je ne suis même pas sûr que sa femme l’ait soutenu sur la guerre en Irak. (Je connais ce sentiment !) »

Aujourd’hui, alors que le sort de Gaza continue de dépendre de Blair et d’autres criminels de guerre internationaux, sa femme devrait peut-être lui suggérer de se consacrer à la peinture.

Article original en anglais sur Al Jazeera / Traduction MR