Dr. Ezzideen, 16 août 2025.- En décembre dernier, quand ils ont vidé les hôpitaux du Nord, quand les cris des malades ont résonné dans les rues froides, sans murs pour les contenir, quand les mères ont pressé la tête de leurs enfants contre leur poitrine pour faire taire leur agonie, faute de médecins pour les écouter, je n’ai pas pu le supporter. Je me suis demandé : qu’est-ce qu’un homme s’il ne peut mettre fin au supplice d’un autre homme ? Une bête, pire qu’une bête, car même une bête ne se moque pas de la souffrance de ses semblables.

Les eaux usées ont inondé le service des urgences de l’hôpital Nasser de Gaza après qu’une attaque israélienne a endommagé les infrastructures voisines. Les médecins avertissent que ces inondations augmentent le risque d’infections et d’épidémies pour les patients. (source VIDEO Al Jazeera)
J’ai pensé à collecter un peu d’argent pour acheter des analgésiques, au moins pour la fièvre d’un enfant. Mais les pensées sont le refuge des lâches. Je me suis arraché à mes pensées et j’ai commençé. Une petite clinique, une lueur de défi au royaume de la mort. Mes collègues étaient à mes côtés. Deux d’entre eux sont maintenant des cadavres, leurs mains, qui autrefois pansaient les blessures, sont repliées dans la terre. Ici la mort est plus rapide que la guérison.
J’ai tendu mes mains vers vous, étrangers, noms sans visage au-delà du siège, et vous y avez déposé quelque chose. De l’argent, certes, mais plus que cela : un témoignage que le cœur humain bat encore quelque part au-delà de ce cimetière. Nous avons travaillé. Nous avons soigné. Deux mille par mois, sans rémunération, sans hésitation. Nous leur avons donné des médicaments, des pansements, des mots d’espoir, même si l’espoir lui-même saignait déjà à blanc.
Et puis, comme toujours, l’exil. Nous avons été chassés à nouveau, et j’ai quitté la clinique comme un père abandonne son dernier enfant aux loups. Je rêvais d’y retourner. Mais il y a quelques jours, on m’a confirmé qu’elle a disparu. Réduite en ruines. En poussière. En cendres.
Je dois vous l’avouer, car le silence serait une trahison. Vous n’étiez pas des donateurs. Vous étiez des complices en miséricorde. La destruction est aussi la vôtre.
Maintenant, l’armée se prépare à nouveau, telle une bête ivre de sang, à dévorer ce qui est déjà dévoré, à profaner ce qui est déjà profané, à assassiner les cadavres qui gisent sans sépulture. Et moi, pour la cinquième fois, je me prépare à réunir ma famille et à m’enfuir. Savez-vous ce que signifie fuir cinq fois ? Enterrer sa vie cinq fois et pourtant continuer à traîner le cadavre de son âme ?
Et pourtant, je ne capitulerai pas. Si je survis, je creuserai un autre coin dans les ruines, un autre fragment de sanctuaire, un autre lieu tremblant de sollicitude. Non pas parce qu’il durera, car il ne durera pas. Mais parce que l’homme doit crier « Non » à la face de l’enfer, même lorsque sa voix est étouffée par la poussière et le sang.
Je vous raconterai chaque étape. Car vous n’êtes pas innocents. Vous êtes là avec moi maintenant.
Priez pour nous, non pas pour que nous vivions, car la vie nous a déjà été arrachée, mais pour que nous ne perdions pas la dernière étincelle qui nous rend humains dans cette fournaise de folie.
Compte X de Dr. Ezzideen en anglais / traduction MR