Partager la publication "Le gang d’Abou shabab traqué. Une enquête dévoile les origines, l’organisation et les crimes"
Centre Palestinien d’Information, 27 juillet 2025.- Alors que Gaza subit les ravages de la famine et du siège, une bande armée formée par l’occupation sioniste pour se livrer à des pillages systématiques, mettre en œuvre des programmes de déplacement forcé et remodeler la carte démographique de la bande de Gaza est en train de se constituer.
L’enquête de l’EKAD révèle pour la première fois la structure et l’activité du gang formé par Yasser Abu Shabab, appelé « Forces populaires », et documente avec précision son extension géographique, ses connexions politiques et ses relations directes avec l’occupation et l’Autorité palestinienne, grâce à un suivi sur le terrain et numérique et à l’analyse d’images satellites et de vidéos.
Genèse et contexte
Cette milice a été créée dans le contexte de l’effondrement sécuritaire et social qui a suivi la guerre génocidaire contre Gaza en octobre 2023, et a vu le jour en mai 2024, à un moment où la bande de Gaza souffrait du déclin de la capacité des institutions officielles à maintenir la sécurité ou à fournir de l’aide, ce qui permettait à l’occupation d’essayer d’altérer la situation palestinienne par le biais de ses outils de procuration.
Yasser Abu Shabab a été détenu à Gaza pour des affaires criminelles liées à la contrebande d’armes et de drogues, avant de s’échapper des prisons du ministère de l’intérieur à la suite d’un bombardement sioniste de son siège.
Dans une interview télévisée diffusée par la chaîne sioniste Kan le 6 juillet 2025, Abu Shabab a ouvertement annoncé sa coopération avec l’armée d’occupation sioniste sous le prétexte de distribuer de l’aide, alors que tout le monde surveillait son pillage de Gaza et celui de sa bande sous la protection de l’occupation.
Dans l’interview, il s’est dit prêt à prendre en charge l’administration de Gaza en cas de chute du Hamas. Cette déclaration était accompagnée d’accusations documentées des Nations unies, rapportées par le Washington Post, indiquant que la milice d’Abu Shabab a saisi 80 des 100 camions d’aide qui sont entrés dans la bande de Gaza, et quatre meurtres de chauffeurs de camion par ses hommes armés, en plus de la publication de vidéos de ses membres pillant et altérant l’aide, et de la promotion de ces actes sur leurs comptes de médias sociaux.
Structure et direction
L’équipe de l’EKAD s’est appuyée sur une méthodologie d’enquête ouverte, analysant plus de cinquante comptes numériques sur Facebook et TikTok, traquant les éléments associés à Abu Shabab, utilisant l’imagerie satellite pour identifier les lieux géographiques où la milice est active, et reliant ces informations aux témoignages locaux et aux sources ouvertes pour dessiner une carte détaillée de la structure et du déploiement du réseau.
La structure organisationnelle du groupe se compose de trois niveaux. Au sommet de la pyramide se trouve Abu Shabab, assisté de son adjoint Ghassan al-Dahini, une personnalité anciennement associée à Jaish al-Islam, connue pour ses activités de contrebande et ses contacts avec des groupes armés dans le Sinaï, et Issam al-Nabahin, un ancien combattant de l’ISIS dans le Sinaï qui est retourné à Gaza juste avant la guerre.
Le deuxième cercle comprend des éléments de terrain proches de la direction, tels que Bakr al-Waqili, Yousef Abu Nasser, Saddam Abu Zakkar et Tariq Abu Hassan, qui apparaissent dans des photos et des vidéos transportant des armes et sécurisant les convois d’aide d’une manière qui montre un contrôle total sur les points d’approvisionnement.
Le troisième cercle est représenté par les exécutants, notamment Nimr, Karim, Aboud Abu al-Hussein et Abu Anis, qui ont participé aux opérations de pillage et ont publiquement documenté leur participation, ce qui dénote un manque de surveillance ou de sens des responsabilités.
Positionnement sur le terrain
Ce réseau était centré sur des zones spécifiques du sud de Gaza, telles que al-Shawka, al-Bayouk et l’est de Rafah, qui sont effectivement surveillées par l’armée sioniste. Selon l’analyse d’images satellites prises en novembre 2024, des bermes de terre érigées par les milices ont été observées le long de la route sortant du point de passage de Kerem Abou Salem, dans le but d’intercepter les camions d’aide. L’emplacement des camps installés par Abu Shabab à l’est de Rafah, dans lesquels il a appelé les personnes déplacées à retourner, a également été identifié et, dans une vidéo, il semble distribuer des sacs de farine, qui se sont avérés plus tard provenir du Programme alimentaire mondial (PAM). Il a ensuite été révélé que ces camps ont été établis dans la zone où le ministre sioniste des finances, Smotrich, a appelé à la concentration des habitants de Gaza, dans le cadre d’un plan de déplacement en douceur sous le couvert de l’aide.
Ce qui rend la scène encore plus grave, c’est que le soutien dont bénéficie cette milice ne se limite pas à l’occupation. Des sources de sécurité hébraïques ont rapporté que l’Autorité palestinienne soutenait Abu Shabab sur le plan administratif, dans une tentative de combler le vide dans le sud de la bande de Gaza après l’effondrement de l’autorité au pouvoir. Il semble que ce soutien s’inscrive dans le cadre d’accords avec l’occupation, comme l’ont laissé entendre des représentants du gouvernement sioniste, dont l’ancien ministre Avigdor Lieberman, qui a parlé d’armer des « groupes locaux » dans la bande de Gaza.
L’aide comme arme
Les révélations de l’EKAD montrent que l’aide censée atteindre les affamés et les assiégés a été transformée en un outil de pouvoir à distribuer sous conditions, à récompenser pour la loyauté ou à piller ouvertement sans rendre de comptes, dans le contexte d’un vide sécuritaire, de la complicité sioniste, de la couverture politique et de l’utilisation d’armes pour obtenir des gains sur le terrain. Il semble que l’objectif profond de tout cela soit de créer une nouvelle réalité démographique à Gaza de manière à servir le projet à long terme de l’occupation de démanteler la société et d’assécher les ressources humaines de la résistance de l’intérieur.
Ce qui a été documenté va au-delà du simple pillage ou du chaos milicien. Nous sommes face à un modèle de terrain d’une guerre douce menée à l’aide d’outils locaux, dans lequel l’aide est utilisée comme une arme, la famine comme un moyen de pression, l’occupation comme le maître du jeu et les milices comme les exécutants sur le terrain. Par conséquent, ce dossier, avec ses preuves, ses témoignages et ses données, appelle à une action urgente de l’ONU pour tenir les personnes impliquées responsables, s’assurer que ces pratiques ne se répètent pas, et tenir l’occupation responsable de l’exploitation des points de passage et de l’aide au service de son projet colonialiste.
Source : Centre Palestinien d’Information