Les gouvernements comme le mien ont le devoir de s’opposer à Israël. Ils sont trop nombreux à avoir échoué. Sans une action décisive, nous risquons de dépouiller l’ordre juridique mondial des protections qu’il assure encore aux nations les moins favorisées.

Gustavo Petro, Président de la Colombie, le 8 juillet 2025.- Au cours des 600 derniers jours, le monde a vu Benjamin Netanyahou mener une campagne dévastatrice à Gaza, l’escalade d’un conflit régional et un dangereux abandon du droit international dans son ensemble.

La dernière carte publiée le 6 juillet par l’Etat génocidaire d’Israël, avec une augmentation considérable de la zone nommée « Kill Zone » (zone de mise à mort, en orange).

Les gouvernements comme le mien ne peuvent se permettre de rester passifs. En septembre 2024, lorsque nous avons voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur les politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, nous avons pris des engagements concrets : enquêtes, poursuites, sanctions, gel des avoirs et cessation des importations et des livraisons d’armes. Cette résolution fixait un délai de 12 mois à Israël pour « mettre fin sans délai à sa présence illégale ». Cent vingt-quatre États ont voté en faveur de cette résolution, dont la Colombie. Désormais, l’horloge tourne.

En attendant, cependant, beaucoup trop d’États ont permis que des calculs stratégiques l’emportent sur notre devoir. Certes, nous pouvons faire face à des menaces de représailles lorsque nous défendons le droit international – comme l’a vu l’Afrique du Sud lorsque les États-Unis ont pris des mesures de rétorsion suite à son action devant la Cour internationale de justice – mais abandonner nos responsabilités aurait des conséquences catastrophiques. Si nous n’agissons pas maintenant, non seulement nous trahissons le peuple palestinien, mais nous nous rendons complices des atrocités commises par le gouvernement de Netanyahou.

Certains gouvernements ont déjà pris leurs responsabilités. Par exemple, mon gouvernement a suspendu les exportations de charbon vers Israël, reconnaissant que les liens économiques ne peuvent être dissociés des responsabilités morales. L’Afrique du Sud, de son côté, a traduit Israël devant la plus haute juridiction internationale. Quant à la Malaisie, elle a interdit à tous les navires battant pavillon israélien d’accoster dans ses ports. Sans de telles actions décisives, nous risquons de transformer le système multilatéral en un simple lieu de débats, privant l’ordre juridique des dernières protections qu’il offre aux petites nations en développement et moins privilégiées – de l’Asie de l’Ouest jusqu’ici, en Amérique latine.

La prochaine épreuve pour la communauté internationale approche à grands pas. Le 15 juillet, mon gouvernement, aux côtés de l’Afrique du Sud – coprésidents du Groupe de La Haye – convoquera une conférence d’urgence sur Gaza, appelant les ministres du monde entier à s’accorder sur une défense multilatérale du droit international. Notre objectif est simple : introduire des mesures concrètes, juridiques, diplomatiques et économiques, à même d’en finir avec la destruction menée par Israël et de faire respecter le principe fondamental selon lequel aucun État n’est au-dessus des lois.

L’invitation est ouverte. Elle est aussi urgente. Le report indéfini de la Conférence internationale pour un règlement pacifique de la question palestinienne, proposée par l’ONU et coprésidé par la France et l’Arabie saoudite, a laissé un vide critique dans le leadership multilatéral, précisément au moment où il est le plus nécessaire.

L’ONU a déclaré que Gaza était « l’endroit le plus affamé de la planète » et qualifié sa mission d’acheminement de l’aide vers Gaza comme étant « l’une des plus entravées[…] dans l’histoire récente ». Dans ce contexte humanitaire désastreux, la conférence d’urgence de Bogotá appelle les États à passer de la condamnation à l’action collective. En rompant nos liens de complicité – au sein de nos tribunaux, de nos ports et de nos usines – nous pouvons défier la vision de Donald Trump et Benyamin Netanyahou d’un monde où « la force fait droit ».

Le choix qui s’offre à nous est clair et sans appel. Nous pouvons soit défendre fermement les principes juridiques visant à prévenir la guerre et les conflits, soit assister impuissants à l’effondrement du système international sous le poids d’un pouvoir politique incontrôlé. Soyons des protagonistes unis plutôt que des suppliants isolés.

Pour les milliards d’habitants du Sud global qui comptent sur le droit international pour les protéger, l’enjeu ne saurait être plus élevé. Le peuple palestinien mérite la justice. Le moment exige du courage. L’Histoire nous jugera sévèrement si nous ne répondons pas à son appel.

Article original en anglais sur The Guardian / Traduction Chris & Dine