« Ici, dans ce coin oublié du monde… ne nous oubliez pas »

Mohammed Masry, Gaza, 25 juin 2025. Hier, j’ai été renversé par une voiture. Ma jambe a été cassée et j’ai été transporté à l’hôpital. Par un pur hasard, cela s’est produit au moment même où des personnes revenaient de l’aide humanitaire. Et là, j’ai été témoin de l’inimaginable.

L’organisation américaine avait installé une barrière de barbelés le long du chemin emprunté. Des barbelés avec lames acérées qui déchirent la peau. Quiconque les touche subit instantanément de profondes blessures. Il y avait une vingtaine de personnes là-bas, toutes grièvement blessées – aux jambes, aux bras et à la poitrine. Leurs blessures saignaient, la douleur était indescriptible. Tous les jeunes hommes saignaient, et le spectacle était déchirant – larmes aux yeux et cœur brisé.

« Ministère de la Santé de Gaza : Les forces d’occupation israéliennes ont TUÉ 103 Palestiniens à Gaza et BLESSÉ 219 autres au cours des dernières 24 heures ! » (Source : Motasem A Dallul)

Ils nous traitent comme un troupeau de bétail. Quiconque sort du rang est blessé ou tué. Chaque personne dispose d’un temps précis pour entrer et sortir de la zone de distribution de l’aide. Un sniper observe d’en haut, et quiconque est en retard est abattu. Quant aux barbelés, ils guettent le moindre faux pas pour déchirer les corps.

Le drame, c’est que depuis plus de dix jours, je dis : « Je vais chercher à manger pour mes enfants », car nous n’avons rien. Ni farine, ni légumes, pas même une miette de pain. Et chaque fois que je décide d’y aller, mes enfants se mettent à pleurer et à me supplier : « S’il te plaît, ne pars pas, papa. » Ma femme s’accroche à moi, me suppliant de ne pas partir. Ma mère âgée, les yeux pleins de larmes, me dit : « Mon cher, mon fils, fais avec ce que tu peux », même si elle sait pertinemment que nous n’avons rien à manger.

C’est un combat quotidien en moi : dois-je y aller ou non ? Dois-je mourir lentement de faim avec mes enfants ? Ou dois-je mourir d’un coup, d’une balle ou d’un missile, et laisser l’histoire s’arrêter ?

À chaque fois, les larmes de ma mère et celles de mes enfants me brisent. Je ne sais pas quoi faire. Mon frère @IamIbrahim21 Ibrahim me dit toujours : « S’il te plaît, ne pars pas. Nous ne voulons perdre personne. S’il te plaît, mon frère, la guerre est presque finie. »

Et depuis deux ans, nous répétons ces mêmes mots… et rien n’a changé.

Ici, dans ce coin oublié du monde… ne nous oubliez pas.

Article en anglais sur le compte X de Mohammed Masry / Traduction MR