Partager la publication "Journée internationale des femmes : la résistance, pas la rhétorique"
Majdoulin Almwaka, 8 mars 2025.– Chaque année, le 8 mars, on nous dit « Bonne Journée internationale des femmes » avec des logos roses, des platitudes et des hashtags creux qui inondent nos écrans. Les mêmes institutions qui soutiennent les systèmes patriarcaux célèbrent soudain la « résilience » des femmes comme si endurer l’oppression était un exploit. Mais au-delà de cette performance se cache une dure réalité : la violence sexiste profondément ancrée, l’inégalité systémique et le silence des femmes qui refusent de se conformer.

Micheline Awad est une chrétienne palestinienne que l’on voit sur cette photo, juste après la messe du dimanche, tenant ses chaussures dans une main et jetant des pierres sur les soldats israéliens avec l’autre, alors que les soldats envahissaient Beit Sahur en Cisjordanie, pendant la première Intifada en 1988.
Les femmes de toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) continuent de se battre non seulement pour leurs droits fondamentaux, mais aussi pour leur survie même. Les femmes palestiniennes de Gaza sous occupation, les femmes soudanaises fuyant le conflit et les femmes syriennes et libanaises qui résistent à l’effondrement économique n’ont pas besoin de reconnaissance symbolique ; elles mènent des luttes contre des systèmes de violence et de dépossession profondément enracinés.
De la résistance à la cooptation : comment la JIF a été dépolitisée
Le thème de la JIF de cette année, « Accélérer l’action », souligne une triste réalité : au rythme actuel, la parité totale des sexes ne sera pas atteinte avant 2158. Pourtant, la JIF n’a jamais été conçue comme un gadget marketing. C’était un appel radical à la justice, lancé par des femmes de la classe ouvrière exigeant des salaires équitables et la dignité. La première Journée des femmes en 1909 est née des grèves des ouvrières du vêtement – un mouvement de résistance, pas un geste symbolique institutionnalisé.
Ce qui était autrefois une journée d’action politique a été dépouillé de son noyau radical et reconditionné en un gentil événement corporatif qui sert le pouvoir plutôt que de le démanteler. On nous dit que les progrès se reflètent dans l’ascension des femmes PDG et commandantes militaires dans les initiatives de diversité au sein d’institutions fondamentalement exploiteuses alors que les systèmes qui entretiennent la violence et les inégalités restent intacts. La JIF ne défend plus la libération collective. Elle met plutôt en lumière une minorité privilégiée, réduisant le féminisme à une apparence plutôt qu’à une force de changement systémique.
Le féminisme dans la région MENA : une histoire de luttes de libération
Le féminisme dans la région MENA a toujours lutté pour la libération nationale et l’autodétermination. Aux côtés des mouvements anticoloniaux de la fin du XIXe siècle, les femmes ont lutté à la fois contre l’oppression des sexes et contre la domination étrangère. En Égypte, l’Union féministe égyptienne de 1923 a lié l’égalité des sexes à la poussée plus large vers l’unité arabe. Les femmes palestiniennes ont joué un rôle clé dans la résistance, notamment lors du soulèvement de Buraq en 1929 contre la domination britannique. Les femmes algériennes ont été au cœur de la lutte armée du Front de libération nationale (FLN) contre le colonialisme français. Dans toute la région, le féminisme était indissociable de la lutte contre l’impérialisme.
Pourtant, aujourd’hui, cet héritage radical est souvent effacé. Les femmes palestiniennes, par exemple, ont passé plus d’un siècle à résister à l’occupation, de la contestation des premières colonies sionistes à la direction de l’organisation populaire pendant la première Intifada. Elles ont lancé des boycotts, soutenu des mouvements de résistance et enduré une répression brutale, prouvant que leur combat n’était pas seulement une question de droits, mais de libération.
Les femmes sous le régime colonial se sont constamment battues sur deux fronts : contre la violence de l’occupation et contre les structures patriarcales qui facilitent leur oppression. Leur lutte va au-delà de la simple visibilité ou du symbolisme ; il s’agit de reconquérir la souveraineté, l’identité et les libertés fondamentales au mépris des tentatives systématiques visant à les effacer.
La violence sexiste est politique : la guerre contre le corps des femmes
La violence sexiste n’est pas un accident, elle est systémique et fait partie intégrante de l’oppression. La Banque mondiale estime qu’environ 40 % des femmes de la région MENA ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire.
La violence sexuelle est couramment utilisée comme arme de guerre, pour humilier et anéantir des communautés entières. Les femmes palestiniennes de Gaza sont confrontées à l’assaut militaire d’Israël, qui non seulement tue leurs enfants, mais transforme également leur corps en arme, par le biais d’avortements forcés lors des bombardements, de négligences médicales et de destruction délibérée des soins de santé maternelle. Selon le ministère palestinien de la Santé, au 6 janvier 2025, environ 12.000 femmes ont été tuées à Gaza depuis le 7 octobre 2023, tandis qu’une famine provoquée par l’homme menace des dizaines de milliers d’autres. Dans le même temps, le Fonds des Nations Unies pour la population signale que seuls 19 des 35 hôpitaux de Gaza restent partiellement fonctionnels, laissant 50.000 femmes enceintes sans accès à des soins vitaux.
Pendant ce temps, le féminicide reste une épidémie mondiale, des meurtres dits « d’honneur » dans la région MENA à la montée de la violence domestique dans le monde entier. Selon Amnesty International, la pandémie de COVID-19 a encore exacerbé la violence basée sur le genre, piégeant les femmes avec leurs agresseurs, tandis que les systèmes de soutien s’effondraient.
La violence économique aggrave ces réalités. Le système Kafala piège les femmes migrantes dans des conditions de travail d’exploitation, les obligeant à soutenir des économies qui refusent de reconnaître leur humanité. Le travail domestique non rémunéré des femmes alimente l’économie mondiale mais reste invisible et dévalorisé. La pandémie n’a fait qu’aggraver cette crise, augmentant de manière disproportionnée le travail de soins non rémunéré des femmes, tout en poussant nombre d’entre elles vers une plus grande insécurité économique.
Du symbolisme à la solidarité : reconquérir la résistance féministe
Comme l’a déclaré Audre Lorde : « Je ne suis pas libre tant qu’une femme n’est pas libre, même lorsque ses entraves sont très différentes des miennes. » La libération exige une solidarité au-delà des frontières, en reconnaissant que la lutte contre le patriarcat, le colonialisme et le capitalisme sont interconnectés. Il ne s’agit pas d’une question de visibilité dans les espaces d’élite, mais de transformer fondamentalement les structures qui maintiennent l’inégalité. Un féminisme qui donne la priorité à la représentation au sein des conseils d’administration, en mettant l’accent sur la diversité sans démanteler les systèmes oppressifs, n’est pas le féminisme dont les femmes de la région MENA ont besoin.
Sans libération collective, le changement est superficiel – un rituel creux plutôt qu’une justice transformatrice.
Ainsi, en cette Journée internationale des femmes, nous devons nous demander : à quoi ressemble la véritable solidarité ? Il ne s’agit pas de rubans roses ou de parrainages institutionnels. Il s’agit de se tenir aux côtés des femmes qui luttent pour leur libération chaque jour. Tout ce qui est moindre n’est pas de la justice – c’est de la complicité.
Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR