Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 295 / 29 janvier – Entre déplacement et retour

Brigitte Challande, 30 janvier 2025. Hier 29, Abu Amir nous envoie un texte sur la réalité de ces mouvements, leurs défis et l’avenir…

« Les défis de la réalité et les perspectives d’avenir

Le déplacement et le retour dans la ville de Gaza et dans le nord de la bande de Gaza représentent une lutte permanente pour les Palestiniens. Avec le retour de certaines de personnes déplacées dans le nord de la bande, des questions se posent quant à l’avenir de la vie dans les zones dévastées, alors que les perspectives israéliennes et palestiniennes sur ce développement divergent.

Maha Hussaini le 27 janvier : « Je peux désormais mourir en paix, ou en guerre. Cela n’a pas d’importance. Je peux maintenant mourir, car je ne pourrais pas être enterrée dans un autre sol que celui de Gaza. »

D’un côté, le Hamas décrit le retour comme une « victoire symbolique », tandis que de l’autre, Israël le considère comme un problème de sécurité et une menace potentielle.

Conditions humanitaires : Souffrance permanente

Les conditions dans Gaza-ville et dans le nord de la bande sont désastreuses, la destruction complète des infrastructures, le manque de services de base tels que l’eau et le manque d’abris rendant la vie presque impossible. Les personnes déplacées qui retournent dans les zones septentrionales sont confrontées à des difficultés considérables, d’autant plus que le niveau de destruction a dépassé les 90 %, selon le ministère de l’Intérieur de Gaza. Cela soulève des questions quant à la possibilité de reprendre la vie dans ces zones, en particulier au vu du besoin de 135.000 tentes et caravanes pour abriter la population. De nombreuses personnes déplacées qui avaient quitté leur famille dans le sud et étaient allées explorer la situation dans le nord sont revenues, indiquant que la vie y est impossible en raison du manque de produits de première nécessité, notamment d’eau et d’abris.

Tensions politiques entre le Hamas et Israël

Le Hamas considère le retour des résidents déplacés comme une victoire pour le peuple palestinien, affirmant qu’Israël n’a pas réussi à atteindre son objectif de déportation massive. Le Hamas a déclaré que le retour dans le nord de Gaza « brise les rêves d’Israël ».

Cependant, l’insistance du Hamas à apparaître comme l’autorité de contrôle augmente la probabilité d’une nouvelle agression israélienne, d’autant plus que Tel Aviv ne permettra pas que la situation revienne à ce qu’elle était avant le 7 octobre. En outre, la réouverture du point de passage de Netzarim et le retour des Palestiniens dans le nord de la bande de Gaza ont suscité un vaste débat en Israël.

L’ancien ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a qualifié cette mesure de « capitulation totale », estimant que la meilleure solution consistait à encourager les déportations massives. De son côté, le ministre de la Défense, Yisrael Katz, a exprimé son attachement au cessez-le-feu tout en renforçant les contrôles aux frontières afin d’empêcher la contrebande d’armes.

Gaza la nuit (capture d’écran de la vidéo de Emad Ghaboun)

Implications et conséquences du retour

Le retour des résidents déplacés dans le nord de la bande de Gaza s’inscrit dans un contexte politique et sécuritaire complexe. Israël s’inquiète du transfert potentiel d’armes vers le nord. En outre, la mise en place par le Hamas de points de contrôle aux points de passage vise à démontrer son contrôle sur le territoire, mais soulève des questions quant à la capacité du mouvement à fournir des solutions pratiques à la population qui revient.

La situation actuelle reflète une bataille de volonté entre les parties en conflit. Israël cherche à exploiter la situation pour resserrer son emprise sur la bande de Gaza, tandis que le Hamas tente d’obtenir des avantages politiques grâce au retour symbolique des résidents.

Les habitants de Gaza refusent l’expulsion : « Nous sommes nés ici et nous mourrons ici »

Les déclarations du président américain concernant l’expulsion des habitants de Gaza vers l’Égypte ou la Jordanie ont suscité la colère de la population de Gaza, qui a fermement rejeté ces propositions. Les habitants de Gaza considèrent l’expulsion comme une menace pour leur existence et une destruction de leur identité historique.

Malgré la dévastation, la réaction des habitants a été claire. Un habitant du nord de la bande de Gaza a déclaré :

« C’est ici que nous sommes nés et c’est ici que nous avons grandi ».

« C’est ici que nous sommes nés et c’est ici que nous resterons, même s’il ne nous reste que des décombres. C’est la terre de nos ancêtres, et la quitter signifie renoncer à notre histoire et à nos droits ».

Un autre habitant de la ville de Gaza a ajouté :

« La déportation est le rêve d’Israël depuis des décennies, et nous ne serons pas des outils pour réaliser ce rêve. Chaque centimètre carré de Gaza fait partie de notre dignité et nous ne l’abandonnerons pas ».

Dans le camp de Nuseirat, le déblayage des rues a commencé (Vidéo Ifalasteen)

Résister à l’expulsion malgré les circonstances

Malgré les conditions de vie difficiles, les habitants pensent que rester sur leurs terres est préférable à toute autre solution. Une femme du nord de la bande de Gaza a déclaré :

« Je ne veux pas vivre dans une tente, mais je préfère rester ici plutôt que de quitter Gaza. Rien n’est comparable à la sensation d’être sur sa propre terre ».

Appel à la communauté internationale

Les habitants de Gaza exhortent la communauté internationale à rejeter tout scénario d’expulsion. La véritable solution, selon eux, consiste à lever le blocus israélien et à leur offrir une vie digne sur leur terre, plutôt que de les forcer à abandonner leur patrie.

Jabalia, 28 janvier 2025.

Entre déportation et retour

Le retour des résidents déplacés dans le nord de la bande de Gaza, malgré les difficultés, représente une lueur d’espoir. Cependant, il ouvre également la porte à de nouvelles difficultés liées à la reconstruction et à la satisfaction des besoins de base.

Avec le conflit en cours, les Palestiniens restent pris entre le marteau de la déportation et l’enclume de l’occupation. La situation actuelle à Gaza exige une intervention internationale urgente pour soutenir la population civile et l’unité palestinienne pour faire face à un avenir incertain. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.

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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing.