Partager la publication "« Mon magasin reste ouvert » – envers et contre tout à al Khalil"
Birdie, ISM-Palestine, 2 janvier 2025. Ce fut une mauvaise semaine pour al Amal. Des soldats ont de nouveau menacé sa boutique de souvenirs sur la rue principale de la vieille ville d’Hébron (al Khalil) et ses voisins, leur ordonnant de fermer. Et aujourd’hui, le directeur de la mosquée a refusé d’être fouillé en passant le poste de contrôle ; l’armée l’a frappé au point qu’il a fallu l’hospitaliser. Les choses empirent pour al Amal et les commerçants de la vieille ville. Encore une fois.
La boutique d’al Amal est située au cœur de la vieille ville – les belles ruelles en pierre mameloukes et ottomanes qui sont le cœur de nombreuses villes anciennes de Palestine : la vieille Jérusalem, Naplouse, Bethléem et al Khalil. Ce sont les souks – bordés de magasins qui, en temps normal, grouillent de vie, avec les gens qui se promènent et ceux qui font leurs achats. Le magasin d’Al Amal se trouve à 100 mètres du lieu saint Mosquée al-Ibrahimi, également connue sous le nom de Tombeau des Patriarches, qui contient les tombeaux présumés d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et de leurs épouses. On pourrait considérer que c’est un emplacement favorable. Malheureusement, cette proximité n’est pas un avantage. L’accès au lieu saint se fait uniquement par un redoutable poste de contrôle, car il se trouve dans la zone clôturée, fermée et fortement surveillée de la colonie juive d’Hébron.
Pour al Amal, l’expérience de fermeture du magasin est familière. Il a été fermé de force et rouvert plus d’une fois. La famille a un magasin à Al Khalil depuis plusieurs générations. Le grand-père a ouvert un magasin de souvenirs et d’artisanat dans la rue As-Sahle. Il n’existe plus. Il n’y a plus de magasins là-bas. Ils ont tous été fermés et aucun de leurs anciens propriétaires ne peut y accéder, car la rue As-Sahle se trouve dans la colonie. Et les gens ne vivant pas dans la colonie – à l’exception des touristes et des personnes bénéficiant d’une dérogation spéciale – ne sont pas autorisés à franchir les postes de contrôle qui protègent le ghetto auto-imposé qu’est la colonie.
En 2000, me dit al Amal, pendant l’Intifada, tous les magasins étaient fermés, plus de 1.800. Les rouvrir était une véritable épreuve (à cause du harcèlement des colons) et nécessitait des autorisations et le soutien des autorités locales et des organisations internationales, mais après le 7 octobre 2023, l’occupation a à nouveau éxigé les fermetures, cette fois définitivement. Et elle a installé le poste de contrôle actuel, en béton, avec ses couloirs gris d’enfer – tout en grilles métalliques qui claquent, poste d’inspection vitré et tourniquets électriques pour le bétail.
Mais Al Amal n’allait pas abandonner. Depuis l’âge de 10 ans, il fait des affaires à al Khalil, travaillant dernièrement dans le magasin familial pour aider à subvenir aux besoins de ses cinq sœurs et de ses deux frères.
Il a donc ouvert cette année une nouvelle petite boutique de ce côté du checkpoint, vendant des tissus de qualité, des sacs et des keffiehs. Et maintenant, la menace d’une fermeture forcée se répète.
« Trois ou quatre soldats sont venus dans la vieille ville et nous ont ordonné de fermer. Je leur ai demandé pourquoi. Il n’y a aucune raison », rapporte al Amal. « Je leur ai dit : je veux voir les papiers officiels ordonnant la fermeture ; si vous voulez m’arrêter, arrêtez-moi ! » Alors le soldat a repoussé ma table de marchandises à l’intérieur de la boutique. Je lui ai demandé : « Que voulez-vous de moi ? »
Le lendemain, jeudi, les soldats sont revenus et ont de nouveau exigé : « Du checkpoint jusqu’ici, les magasins doivent fermer. » Cela fait sept ou huit autres commerces qui vont fermer.
La rumeur court, m’a-t-on dit, qu’ils prévoient de déplacer le checkpoint lui-même plus haut dans la rue, à ce coin-là, ce qui agrandirait encore davantage la colonie fermée. En attendant, les propriétaires de magasins ont peur, sont en colère et se sentent de plus en plus en insécurité.
Al Amal est consterné, mais sûr de sa position. « Je reste ouvert. Je vais continuer à résister », dit-il. Pour lui, garder le magasin ouvert ne signifie pas gagner beaucoup d’argent, mais plutôt prendre position contre l’oppression et l’occupation et maintenir une présence sur place. « Je suis né ici, j’ai grandi ici, c’est ma terre. C’est une terre sainte pour nous. »
Les affaires vont très mal. La guerre a éloigné les touristes et le harcèlement de cette semaine a également éloigné les locaux, qui ne veulent pas être là où les ennuis pourraient les rattraper. Mais al Amal n’abandonne pas. Il m’encourage à dire aux gens de venir. « C’est sûr », dit-il. Et pour les touristes, c’est vrai. Les commerçants ont désespérément besoin de faire du commerce.
Al Amal parle au nom de beaucoup d’entre eux lorsqu’il dit : « Même s’il n’y a pas de commerce, nous devons garder le magasin ouvert. » Leur présence ici est synonyme de sumud : de persévérance. L’existence est une résistance. Ils sont déterminés à ne pas permettre à l’occupation d’humilier et de forcer les Palestiniens à partir.
Article original en anglais sur Palsolidarity.org / Traduction MR