Harcèlement des colons pendant le « Shabbat Chayei Sarah » à Al-Khalil (vidéos)

ISM-PALESTINE, 26 novembre 2024. Musique, chants, danses, prières et alcool. Cela pourrait caractériser une fête religieuse courante n’importe où – si les colons israéliens ne l’utilisaient pas comme excuse pour attaquer et piller la communauté palestinienne, qui vit déjà sous ségrégation depuis 1997, dans la ville connue sous le nom d’al-Khalil pour les Palestiniens et d’Hébron pour les Israéliens.

Comme chaque année, des dizaines de milliers de colons et de sionistes étrangers se sont rassemblés dans la ville le vendredi 22 novembre et le samedi 23 novembre pour célébrer le « Shabbat Chayei Sarah », qui coïncide avec ll’histoire de Sarah (l’une des épouses d’Abraham) dans la Torah. Sarah serait enterrée dans ce que les Israéliens appellent le Tombeau des Patriarches. C’est un événement connu sous le nom de « Jour de Sarah », qui s’est transformé pendant des années en une sorte de pogrom contre les Palestiniens vivant à Al-Khalil.

Au cours des années précédentes, les colons ont attaqué des maisons, des voitures et des magasins palestiniens, ont tenté d’allumer des incendies et ont organisé des marches massives qui partaient de la rue Shuhada (presque entièrement fermée aux Palestiniens), traversaient des postes de contrôle et se déversaient dans la partie palestinienne de la ville. Le sabbat de Sarah est l’un de ces jours qui aggravent les conditions de vie déjà oppressives des Palestiniens vivant à Al-Khalil, conditions qui sont devenues presque invivables depuis le 7 octobre. Toute la zone a été bouclée aux Palestiniens pour le week-end – les postes de contrôle ont été complètement fermés pour empêcher le passage d’un côté à l’autre de la ville.

Les colons ont commencé à arriver la veille (le 21 novembre) ; des bus en provenance des colonies de Cisjordanie et de Palestine 1948 ont amené des milliers de jeunes, de familles et de militaires pour camper dans des tentes autour de la mosquée Ibrahimi et de la rue Al-Shuhada. C’est ici que les festivités ont commencé, autour de ce qui est considéré comme un monument historique sacré construit sur la caverne contenant les tombeaux d’Abraham, de sa femme Sarah et de ses fils Isaac et Jacob. La rue Al-Shuhada est quasiment inaccessible aux Palestiniens depuis 27 ans. Elle a été fermée par l’armée après le Protocole d’Hébron en 1997 et le début de l’apartheid géographique de la ville.

Vendredi soir, des groupes de colons ont organisé des marches nocturnes dans le quartier Jaber et dans les zones habitées par des Palestiniens près de la colonie de Kiryat Arba, scandant des slogans et des insultes contre les Arabes et les Palestiniens. Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, chef du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, était également présent (photo ci-dessus). Il célébrait le sabbat de Sarah entouré de fidèles dans l’après-midi et dirigeait un groupe de colons scandant des slogans anti-arabes dans la soirée. Ben Gvir est l’un des quelque huit mille habitants de l’immense colonie illégale de Kiryat Arba, connue pour ses opinions extrémistes et violentes. Cette colonie était également la ville natale de Baruch Kopel Goldstein, le terroriste israélo-américain qui en 1994 a ouvert le feu sur des centaines de musulmans priant dans la mosquée Ibrahimi, tuant 29 personnes et en blessant 125. Ben Gvir est connu pour garder une photo du terroriste dans son salon.

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Samedi, plusieurs groupes de jeunes se sont rassemblés dans l’un des principaux avant-postes de la ville, la colonie de Beit Romano. Après s’être rassemblés au-delà de la porte qui ferme al-Shuhada, ils ont commencé à jeter des pierres et à crier des insultes et des slogans contre les Arabes (vidéo ci-dessous). Les années précédentes, l’armée avait autorisé et facilité une marche qui avait envahi la vieille ville, forçant les commerçants palestiniens à fermer leurs étals et à se barricader chez eux par crainte de la violence des colons.

Cette année, cette marche n’a pas eu lieu, peut-être en raison de la situation politique actuelle. « Heureusement, il y a eu peu de violence cette année », a confirmé B., membre d’une association locale de défense des droits de l’homme. « Mais la vie à Hébron devient de plus en plus difficile », a poursuivi B.. « Nous vivons sous l’apartheid, et depuis le 7 octobre, les choses ont empiré. Ils ouvrent et ferment la ville comme ils le veulent. Après le début du conflit, pendant dix jours consécutifs, nous avons été contraints de rester chez nous avec une heure par jour pendant laquelle nous pouvions sortir. »

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Al-Khalil est en réalité une ville divisée, une Palestine en miniature : des tourniquets métalliques, des murs et au moins 28 postes de contrôle séparent la zone H2 contrôlée par Israël de la zone H1 contrôlée par l’Autorité palestinienne. Quelque 33.000 Palestiniens vivent dans la zone contrôlée par l’État israélien, qui, en plus de diviser les familles et les communautés, oblige des milliers de personnes à subir quotidiennement de longs contrôles de sécurité et des mauvais traitements, des abus et des fermetures arbitraires de quartiers entiers. L’enquête d’OCHA de septembre 2023 a révélé qu’il y avait un total de 80 blocus à l’intérieur de la ville (y compris les 28 postes de contrôle « constamment occupés »), mais depuis le 7 octobre, ils seraient passés à 113 dans la vieille ville et à 180 dans tout Al-Khalil.

Il s’agit d’un véritable apartheid interne imposé aux Palestiniens en Cisjordanie. B. a décrit ce qu’est l’apartheid à Hébron : « Depuis chez moi, dans le quartier Jaber (zone H2), il me fallait cinq minutes pour aller à pied à la mosquée. Maintenant, je n’y vais plus, je dois passer par huit postes de contrôle, entre les fermetures de routes et les points de contrôle. Leur objectif est de nous épuiser, de nous faire sortir de ces quartiers. » Il a parlé de « déplacement muet », de l’expulsion silencieuse des Palestiniens en raison des abus, de la violence et des difficultés économiques continus que les Palestiniens sont obligés de subir.

« Depuis 2000, depuis le début des murs et des postes de contrôle, plus de 580 magasins ont été fermés en raison d’ordres militaires, et plus de 1.800 magasins ont subi d’énormes répercussions économiques ou ont fermé en raison de la mobilité limitée des personnes dans la ville », a ajouté B. Aux souffrances liées au harcèlement et aux attentes interminables aux check-points s’ajoutent les rafles, les arrestations et les détentions arbitraires. « Moi aussi, j’ai été emprisonné de force, comme presque tout le monde en Palestine… C’est la façon de faire de l’idéologie sioniste », raconte B. « Ils font les choses progressivement, ils essaient de changer la démographie des quartiers. Ils font partir les gens en silence parce qu’ils les obligent à une non-vie. Et puis ils prennent tout. »

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Il y a environ 700 colons qui vivent dans la vieille ville, protégés par 2.300 soldats. « Pour chaque colon, il y a trois soldats : cela donne une idée de la situation », dit B., en parlant de la ville complètement militarisée. Et maintenant, les colons ont revêtu un uniforme et sont devenus eux-mêmes des militaires, ce qui entraîne une augmentation de la violence envers les Palestiniens. « Al-Khalil est la seule ville de Cisjordanie où il y a aussi des colonies à l’intérieur de la ville. Et ils essaient d’agrandir les colonies tout le temps. »

Al-Khalil : une ville, une petite Palestine.

Article original en anglais sur Palsolidarity / Traduction MR