Partager la publication "Les colons israéliens sont l’avant-garde de l’annexion de la Cisjordanie"
Robert Inlakesh, 19 juillet 2024. Alors que l’attention du monde est détournée vers l’offensive militaire incessante de Tel Aviv à Gaza, le mouvement des colons israéliens intensifie sa violence en Cisjordanie occupée, avec la bénédiction de l’Etat.
Profitant de cette diversion, les colons juifs ont multiplié leurs attaques, le dernier point culminant étant la récente « légalisation » de cinq avant-postes par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Cette décision fait partie d’une stratégie calculée d’expansion coloniale et de nettoyage ethnique qui prépare une éventuelle annexion officielle.
Le gouvernement d’occupation a approuvé les mesures proposées par le ministre des Finances d’extrême-droite Bezalel Smotrich de légaliser les avant-postes coloniaux, lancer des appels d’offres pour des milliers de logements supplémentaires et imposer des sanctions à l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie.
Smotrich, lui-même un colon illégal [même selon le droit israélien] de Cisjordanie, a juré que ces mesures permettraient l’arrivée d’un million de nouveaux colons.
Record de violence et de nettoyage ethnique par les colons
Dénonçant le rythme record de l’expansion des colonies, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a condamné la décision d’Israël en mars de construire 3.476 maisons supplémentaires de colons en Cisjordanie. Dans cette réalité post-Déluge d’Al-Aqsa, les attaques contre les maisons, les entreprises et les populations palestiniennes par des colons déchaînés ont atteint des niveaux sans précédent.
Dans un rapport d’avril, Human Rights Watch (HRW) a documenté l’extrême violence :
« Les colons israéliens ont agressé, torturé et commis des violences sexuelles contre des Palestiniens, volé leurs biens et leur bétail, menacé de les tuer s’ils ne partaient pas définitivement et détruit leurs maisons et leurs écoles sous couvert des hostilités en cours à Gaza. »
Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, plus de 540 Palestiniens ont été assassinés en Cisjordanie, des dizaines d’entre eux par des colons israéliens attaquant des villages sans défense sous la protection de l’armée d’occupation.
En outre, les milices de colons « Defense Squad » soutenues par l’État, qui ont été équipées de quelque 7.000 fusils après le 7 octobre, ont immédiatement procédé au nettoyage ethnique de milliers de Palestiniens de quelque 16 communautés agricoles situées à Al-Khalil (Hébron), en plus de quatre autres communautés. près de Ramallah.
Comme l’explique Ubai al-Aboudi, directeur du Centre de recherche et de développement de Bisan, à The Cradle :
« Ce qui s’est produit depuis le 7 octobre, c’est que l’ordre général de l’armée israélienne s’est effondré, de sorte que toute action de n’importe quel soldat est non seulement autorisée mais également autorisée contre les Palestiniens. Donc, si vous regardez cela d’un point de vue historique, c’est une continuation et une intensification ; ils voient que le monde est occupé par ce qui se passe à Gaza, alors ils mettent en œuvre leurs plans visant à chasser les gens de leurs terres et à les remplacer par des colons juifs. »
Plans d’annexion stratégiques
Un rapport d’enquête publié dans les médias hébreux a indiqué que depuis le début de l’opération de résistance dirigée par le Hamas, le ministre israélien de la Sécurité Itamar Ben Gvir a ordonné à la police de cesser d’appliquer la loi contre ses compatriotes colons de Cisjordanie. Cette hausse de l’expansion des colonies, de l’anarchie et de la violence des colons illégaux s’inscrit également dans ce qui semble être une démarche accélérée d’annexion de vastes pans de la Cisjordanie.
En février dernier, un document présenté par Netanyahu à son cabinet de guerre, intitulé “The Day After Hamas Principles » [Les principes du lendemain du Hamas], affirmait la souveraineté israélienne totale sur tout ce qui se trouve à l’ouest du Jourdain.
Bien que l’État d’occupation ait échoué lamentablement à vaincre la résistance palestinienne à Gaza et que la perspective d’annexer le territoire côtier assiégé – avec l’adhésion de la communauté internationale – semble mince, le mouvement des colons sionistes, qui est actuellement majoritaire dans la coalition au pouvoir de Netanyahu, saisit une opportunité pour atteindre bon nombre de ses objectifs souhaités dans une région qu’il considère comme « le cœur biblique d’Israël ».
Israël a récemment mis en œuvre une décision, annoncée pour la première fois par l’armée le 29 mai, qui transfére la responsabilité de dizaines de règlements administratifs civils de l’armée aux « fonctionnaires » qui travaillent comme employés au ministère israélien de la Défense sous Smotrich, en continuité de la décision de Tel-Aviv de commencer à modifier la structure gouvernementale officielle de la Cisjordanie en transférant les pouvoirs administratifs du contrôle militaire au contrôle civil – en substance, une étape vers la déclaration de l’annexion de jure de la Cisjordanie.
Expansion des colonies soutenue par l’État
Il existe actuellement environ 146 colonies israéliennes et environ 191 avant-postes de colons en Cisjordanie occupée, qui contrôlent environ 46 % du territoire. Presque toutes ces colonies juives sont situées dans ce que l’on appelle la zone C, qui représente environ 61 % du territoire et est entièrement sous contrôle sécuritaire et administratif israélien, conformément à l’accord d’Oslo de 1995 signé avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Les récentes mesures visant la Cisjordanie font partie d’une proposition du mouvement colonial de 2017 intitulée “Decisive Plan” [Plan décisif], visant à doubler la présence juive sur le territoire. Bien que le plan n’ait pas été adopté à l’époque, la guerre à Gaza a fourni des conditions opportunes pour sa mise en œuvre et des moyens pour faciliter l’annexion de la Cisjordanie.
En août de l’année dernière, le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich, qui réside lui-même dans la colonie illégale de Kedumim, a annoncé son intention d’allouer 120 millions de dollars à la construction de colonies et d’avant-postes. Il a également été révélé en 2023 que l’armée israélienne avait mis en place ce qu’elle appelle l’unité ‘Desert Frontier‘ [Frontière du désert], qui intégrait des colons extrémistes des groupes de colons appelés ‘Hilltop Youth’ [Jeunes des sommets des collines].
Ces radicaux ont suscité une telle inquiétude que les renseignements israéliens ont lancé une opération pour infiltrer leurs rangs. Connus pour avoir tourné leurs armes contre les soldats de l’armée et les civils palestiniens, ces extrémistes juifs étaient autrefois considérés comme des terroristes, même selon les normes israéliennes.
Souveraineté politique
Alors que les attaques des colons israéliens contre des civils palestiniens en Cisjordanie avaient déjà atteint des niveaux records entre 2021 et 2023, les données de l’ONU indiquent que cette violence a doublé en octobre 2023 et n’a fait que continuer à augmenter.
Ce pic coïncide avec l’influence accrue conférée par Netanyahu à des politiciens d’extrême-droite tels que Ben Gvir et Smotrich – et a enhardi d’autres comme le chef d’état-major de l’armée israélienne Herzi Halevi, encore un autre colon illégal de Cisjordanie.
Pour aggraver les choses, on a découvert que les milices de colons israéliens qui lancent des attaques violentes et non provoquées contre des villages palestiniens utilisent des fusils d’assaut fournis par l’armée. Les organisations de colons, y compris les organismes juridiques qui lancent des appels devant les tribunaux israéliens pour détruire les maisons palestiniennes, reçoivent également un financement du gouvernement. Tout ceci démontre l’interconnectivité entre l’État d’occupation et les éléments les plus radicaux du mouvement des colons.
Pour faciliter cette transition, la milliardaire la plus riche d’Israël, Miriam Adelson, a récemment fait don de 100 millions de dollars à la candidature de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2024, espérant qu’il reconnaîtrait l’annexion israélienne de la Cisjordanie une fois réélu.
Si le gouvernement israélien poursuit l’annexion officielle, il est vraisemblable qu’il cible la zone C de la Cisjordanie, une zone riche en eau et en terres agricoles qui représente environ 61 % du territoire.
Légaliser le vol de terres
Le 18 juillet, la Knesset israélienne a adopté un projet de loi rejetant la création d’un État palestinien, renforçant ainsi un vieux programme gouvernemental. Depuis 2017, le parti Likoud au pouvoir a poussé des propositions publiques demandant l’annexion des parties de la Cisjordanie.
S’adressant à The Cradle, Khaled Barakat, leader du mouvement La Voie alternative révolutionnaire palestinienne (PARP), a déclaré :
« Pour expliquer cette nouvelle vague de colonies israéliennes, il faut remonter à 2005, 2006, à l’époque où Ariel Sharon était Premier ministre et où toutes les troupes israéliennes se retiraient de Gaza à cause de la résistance ; il s’est retrouvé dans une situation de défaite et a donc adopté la stratégie d’occuper toutes les collines de Cisjordanie. »
Barakat ajoute :
« Ils ont ensuite créé de nouvelles organisations de colons armés, c’est pourquoi il y en a aujourd’hui 12 ; ils sont armés, ce sont des milices et coopèrent directement avec l’armée israélienne. Le danger majeur derrière ces milices de colons en Cisjordanie est qu’elles sont des acteurs non étatiques, alors lorsqu’elles attaquent quotidiennement les Palestiniens, Israël dit : eh bien, nous n’avons rien à voir avec cela ; ce ne sont que des résidents de Cisjordanie. Bien entendu, ils ne sont pas des résidents ; ce sont des colons armés qui rappellent aux Palestiniens les mêmes gangs qui existaient en Palestine dans les années 1930 et ceux qui ont réellement fondé le régime sioniste. »
En 2019, Netanyahu a proposé d’annexer la vallée du Jourdain, ne laissant qu’une petite poche sous le contrôle de l’AP. Cette stratégie implique de maintenir le pouvoir de l’AP dans les zones A et B, qui abritent plus de 3,2 millions de Palestiniens, afin d’éviter le fardeau logistique et financier d’un gouvernement direct. La politique de Netanyahu vise à assurer la survie de l’Autorité palestinienne pour la collaboration sécuritaire tout en sapant simultanément la possibilité d’un État palestinien et en annexant le territoire de la Cisjordanie.
Alors qu’Israël lutte pour obtenir quelques victoires militaires contre le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban, Netanyahu pourrait avoir recours aux manoeuvres d’annexion de la Cisjordanie. Elles impliqueraient une campagne militaire similaire à l’Opération Bouclier défensif de 2002, dans l’objectif de démanteler les groupes de résistance et de projeter une image de victoire qui lui garantirait le soutien de ses alliés colons d’extrême-droite.