Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 6 (les 9 et 10.01.2024)

Brigitte Challande, 10 janvier 2024. 1ère partie des témoignages : du 20.11 au 15.12.2023. 2ème partie : du 18 au 27.12.2023. 3ème partie : du 30.12.2023 au 01.01.2024. 4ème partie : les 3 et 4 janvier 2024. 5ème partie : les 7 et 8.01.2024.

« Après avoir mesuré la faisabilité de la mise en œuvre, la disponibilité des matériaux et mesuré les alternatives ainsi que les prix, nous avons commencé à creuser 20 puits d’égouts (…)

A la veille de la nouvelle année, l’équipe d’Ibn Sina avait décidé de s’attaquer aux questions sanitaires, essentielles vue l’arrivée du nombre de réfugié.e.s et les conditions plus que précaires d’hébergement dans la zone de Rafah. Son équipe qui avait déjà parlé de ses réalisations en les illustrant dans les chroniques de tout début janvier a pris soin d’ envoyer un rapport à la fois financier et moral pour rendre compte des collectes effectuées par l’UJFP et justifier de son action concrète auprès des soutiens solidaires de la Palestine, de la bande de Gaza.

Vous trouverez ci-dessous certes un résumé mais précis de son travail au quotidien pour l’établissement de sanitaires à l’ouest de Rafah. Le compte-rendu plus détaillé se trouve à ce lien :

Réalisation du projet d’établissement de sanitaires pour les personnes déplacées à l’ouest de Rafah par le Centre Ibn Sina

Extraits du rapport :

« (…) Concernant la situation sanitaire, et ce, malgré les avertissements répétés de l’ONU et des institutions internationales, elle s’est catastrophiquement dégradée et la propagation d’épidémies et de maladies perpétuent cette catastrophe continue et la réalité devient plus sombre et plus dangereuse. La propagation de la pollution a tout touché, en particulier l’eau et la nourriture, et face à leur rareté et à l’état de famine, tout le monde est obligé de boire de l’eau et de manger de la nourriture malgré leur contamination. Cela a grandement conduit à la diffusion de maladies, en particulier celles liées aux maladies du système digestif, telles que les troubles du système digestif (intoxications, diarrhée, vomissements et infections intestinales), ainsi que les rhumes hivernaux. La fièvre a accru la gravité de ces symptômes. (…) Après le déplacement forcé des habitants non seulement du gouvernorat de Khan Yunis mais aussi de tous les gouvernorats de la bande de Gaza, vers Rafah et l’incapacité des centres d’hébergement à accueillir les nouvelles personnes déplacées, en raison de la faible capacité des centres d’hébergement dû au petit nombre d’écoles à Rafah, le nombre de personnes déplacées dans les centres d’hébergement est devenu plusieurs fois supérieur à leur capacité. Les personnes déplacées ont été obligées d’installer leurs tentes dans des parcelles vides et sur les trottoirs des rues dépourvues d’infrastructures, notamment d’infrastructures sanitaires (…).

Avec le soutien de l’UJFP et du Mouvement de Solidarité Français, nous avons commencé à travailler sur la mise en œuvre du projet (établir des toilettes pour les personnes déplacées à l’ouest de Rafah). Après avoir mesuré la faisabilité de la mise en œuvre, la disponibilité des matériaux et mesuré les alternatives ainsi que les prix, nous avons commencé à creuser 20 puits d’égouts, ainsi que la construction de fondations en béton et la fourniture de caravanes transportables pour le bâtiment des toilettes. Ainsi, nous avons pu mettre à la disposition des déplacés 20 sanitaires individuels (10 sanitaires doubles) (4 de ces sanitaires nécessitent juste la caravane en fer) qui ont été distribués à 3 rassemblements de déplacés à l’ouest de Rafah (…). Notre objectif noble et humanitaire commun est d’aider les déplacés et de renforcer leur moral, pour leur redonner un espoir en l’humanité et les faire sourire, même s’ils subissent de multiples douleurs, dues aux conditions difficiles.

Nous savons que ce sourire est temporaire à cause de l’amertume de la réalité ici. La guerre continue, les bombardements continuent, et les souffrances augmentent, et les besoins augmentent. Malgré cela, nouscroyons que nous sommes ensemble et que grâce à notre travail acharné, nous ferons à nouveau sourire ces gens.

Puissiez-vous, camarades, être toujours dignes du travail humanitaire,

Vos compagnons,

Centre Ibn Sina Bande de Gaza – 9 janvier 2024 »

Mercredi 10 Janvier au matin, Marsel nous envoie ce message WatsApp :

« Une matinée sanglante à Rafah : 15 martyrs et plusieurs blessés sont morts à cause des avions de guerre de l’occupation qui ont visé aujourd’hui à l’aube la maison de la famille Nofal, à l’ouest de Rafah. En outre, 3 martyrs sont morts dans un bombardement d’artillerie israélien qui a ciblé des agriculteurs à l’est de Rafah il y a quelques instants. »

Plus tard en début d’après-midi, ce sont ses réflexions par WatsApp :

« Ici, alors que la guerre continue et après que le Premier ministre de l’occupation a promis de faire reculer la bande de Gaza de plusieurs décennies, nos rêves sont devenus plus simples que vous ne pouvez l’imaginer. A Gaza, réussir à recharger son téléphone ou pouvoir avoir quelques miches de pain après de longues heures d’attente, ou réussir à obtenir quelques litres d’eau potable, et si vous avez la chance de pouvoir vous baigner chaque semaine ou quelques jours au mieux, si vous parvenez à réussir et à trouver après une longue recherche le médicament contre les maladies chroniques pour le traitement des maladies pour vos pères et vos mères, et avant que vous ne vous sentiez désespéré, si vous trouvez du lait pour votre bébé, et pendant ces heures, obtenir des Pampers pour votre jeune fils, c’est comme un miracle, même si son prix a atteint 160 shekels par sac.

Si vous essayez à plusieurs reprises de contacter un ami ou un parent dans un autre gouvernorat et que vous parvenez finalement à entendre sa voix et à le rassurer. Pour trouver un moyen de transport et ne pas avoir à marcher des dizaines de kilomètres avec vos enfants, pour avoir des toilettes à votre disposition, si vous entendez une personne rire et que sur son visage la guerre n’a pas peint l’expression de désespoir, si vous rencontrez par hasard une personne chère dans les camps de déplacés et lui posez des questions sur sa famille et qu’il vous dit que sa famille va bien, qu’aucun d’entre eux n’est perdu et que sa maison n’a pas été détruite. Pour nous, atteindre ce que je viens de décrire est comme un rêve ou un miracle. »

Source : Altermidi.org

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