Partager la publication "Golda : une tentative ratée de renforcer la propagande israélienne"
Nada Elia, 30 août 2023. J’avais très peu d’attentes avant Golda, le film sur l’ancien Premier ministre israélien qui a remporté la victoire de son pays sur les armées égyptienne et syrienne en 1973.Le Hollywood Reporter a décrit le film comme un biopic montrant la seule femme chef d’État d’Israël comme une « chef militaire étonnamment efficace » et une diplomate avisée. De toute évidence, le réalisateur Guy Nattiv n’allait pas nous montrer grand-chose de « l’humain » derrière la légende – ou seulement ces traits humains qui pourraient renforcer la légende. Mais avec un regain d’intérêt potentiel pour ce personnage historique, ce serait le bon moment pour séparer le mythe de la réalité.
Le mythe : Golda Meir est une icône féministe aux États-Unis. Elle a été la quatrième Première ministre d’Israël de 1969 à 1974, lorsqu’elle a été élue dans un sondage Gallup comme la « femme la plus admirée » aux États-Unis, devant la Première dame de l’époque, Betty Ford, avec Pat Nixon, épouse de l’ancien président Richard Nixon, en troisième place.
La dirigeante israélienne était – sioniste blanche, libérale de la deuxième vague – la figure emblématique du féminisme américain, le visage au-dessus de la légende « Mais sait-elle taper à la machine ? » dans une campagne d’affichage critiquant les stéréotypes de genre sur les lieux de travail.
Pour les Palestiniens, bien sûr, elle est méprisée pour être la femme qui a dit « les Palestiniens n’existent pas » et a suggéré que les Arabes détestaient les juifs plus qu’ils n’aimaient leurs enfants, parmi de nombreuses autres déclarations choquantes.
Peu de ceux qui aiment ressusciter le déni de notre existence par Meir sont réellement conscients du contexte plus large de cette déclaration, à savoir à quel point elle est profondément ancrée dans la vision du monde impériale et eurocentrique selon laquelle un peuple ne constitue pas une nation légitime en l’absence des atours de l’État-nation européen moderne.
Meir ne niait donc pas que nous existions en tant qu’humains, mais plutôt que nous avions des droits en tant que Palestiniens, car la Palestine, la nation historique, n’était pas un État indépendant tel que le reconnaissent les normes européennes.
« Quand y a-t-il eu un peuple palestinien indépendant avec un État palestinien ? » dit-elle. « C’était soit le sud de la Syrie avant la Première Guerre mondiale, soit la Palestine incluant la Jordanie. Ce n’était pas comme s’il y avait un peuple palestinien en Palestine se considérant comme un peuple palestinien et que nous venions le chasser et lui retirer son pays. Ils n’existaient pas. »
Mentalité coloniale
C’est bien sûr le même état d’esprit qui a vu les peuples autochtones de l’Île de la Tortue privés de leurs droits à la souveraineté, parce qu’ils n’avaient pas de frontières arbitraires et un système politique reconnu par les conquérants européens. Le sionisme repose sur cette mentalité coloniale, qui a été officiellement exprimée cette année encore par le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, qui a également déclaré que l’histoire et la nation palestiniennes n’existent pas.
Tout examen de la littérature de l’époque à laquelle Meir fait référence prouve qu’elle a tort : le journal Falastin a été fondé au début des années 1900, et la monnaie de cette époque est estampillée « Palestine » et non « sud de la Syrie ».
Les Israéliens semblent plus sobres à l’égard de cette femme controversée. L’Encyclopédie Shalvi/Hyman des femmes juives note : « Elle était, dans le langage courant, une « reine des abeilles », une femme qui grimpe jusqu’au sommet, puis tire l’échelle derrière elle. Elle n’a pas exercé les prérogatives du pouvoir pour répondre aux besoins particuliers des femmes, pour promouvoir d’autres femmes ou pour faire progresser le statut des femmes dans la sphère publique. Le fait est qu’à la fin de son mandat, ses sœurs israéliennes n’étaient pas dans une meilleure situation qu’avant son entrée en fonction. »
Les premières critiques de Golda furent sommaires, c’est le moins qu’on puisse dire. Bad Movie Reviews, une chaîne YouTube dédiée à la critique de mauvais films, l’a décrit en termes tels que « ennuyeux », « sombre » et « unidimensionnel ».
Le film « ne fait qu’effleurer la surface », selon le Washington Post. En effet, on ne nous dit jamais pourquoi l’Égypte et la Syrie ont attaqué Israël le 6 octobre 1973. Il s’agissait respectivement de reconquérir la péninsule du Sinaï et le plateau du Golan, qu’Israël occupait illégalement depuis 1967.
Au lieu de cela, nous entendons Meir mettre en garde contre la menace qui pèse sur Israël « si les Syriens conquièrent le plateau du Golan ». Mais une armée qui récupère des terres illégalement occupées ne « conquiert » pas ces terres ; elle les libére.
Fabrications agressives
Meir est interprété par Helen Mirren, dont le talent est « perdu dans un tourbillon de fumée », selon une critique publiée dans le Detroit News, qui qualifie le film d’« irritant » et de « maladroit ». En effet, l’accent est mis sur la « défense » d’Israël, un « droit » supposé que nos hommes politiques nous rappellent sans cesse, alors qu’en réalité aucun pays n’a le « droit » de défendre une occupation illégale – il a plutôt l’obligation légale de mettre fin à cette occupation.
Même le Los Angeles Times, un journal à tendance sioniste claire, a qualifié le film de « terne », tout en louant la performance de Mirren comme « la meilleure et peut-être la seule chose intéressante dans ce film ». Curieusement, le journal note que même si l’acteur Bradley Cooper a alimenté la controverse en portant une prothèse nasale pour incarner un autre personnage historique juif célèbre, Leonard Bernstein, « on ne relancera pas ici le débat sur ‘seuls les juifs devraient-ils jouer les juifs ?’ » – même si Mirren porte également une prothèse nasale (et un gros costume) pour représenter son personnage à l’écran.
Apparemment, ces critiques, comme moi, n’ont pas été influencés par le battage publicitaire autour du film. Quoi que Golda était censé offrir, il ne le fait pas.
Et c’est bien. Parce que mon inquiétude était que le film obtienne un tel succès qu’il renforcerait l’image d’Israël, ajoutant ainsi à la hasbara sioniste à un moment où le pays en a cruellement besoin. Et le récit sioniste imprègne certainement profondément le film : « Nous sommes à nouveau en 1948 », dit Meir, comme si c’était Israël, plutôt que la Palestine, qui était attaqué en 1948.
Meir affirme également que les « Arabes » (en référence aux Égyptiens et aux Syriens ; les Palestiniens ne sont pas mentionnés une seule fois dans le film) ne pleurent pas leurs morts, alors que la mort de chaque soldat juif tué au combat pèse lourdement sur son âme. D’autres fabrications sionistes choquantes pimentent le film.
Mais l’effet global est tout le contraire. Nous voyons un pays prêt à utiliser sa puissance nucléaire pour conserver des terres saisies illégalement, et une femme politique manipulatrice prête à extorquer des armes aux États-Unis, même lorsque ce pays semble réticent à les offrir sans condition. Ce n’est pas tout à fait le leader éthique héroïque et plus grand que nature avec lequel le réalisateur et les producteurs voulaient sûrement nous impressionner.
En fin de compte, alors que Golda visait sans aucun doute à maintenir à flot la propagande israélienne, il la coule.
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR
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