L’opération Huwwara brise le prestige de l’ennemi : les Fedayeen « ne meurent jamais »

Ahmed Al Abd, 21 août 2023. L’opération Huwwara, qui a eu lieu samedi après-midi, au cours de laquelle deux colons ont été tués, n’est pas seulement une opération commando dans une série d’opérations visant l’occupation et ses colons en Cisjordanie occupée ; on peut la considérer comme un tremblement de terre sécuritaire qui a secoué les piliers du système de sécurité israélien et du gouvernement. Ce processus qualitatif et les faits observés lancent des messages dans plusieurs directions en termes de temps, de lieu et de mécanisme de mise en œuvre, qu’on ne peut éluder. Peut-être ce qui précède explique-t-il la visite urgente du chef d’état-major, Herzi Halevy, et des officiers de l’armée sur le site de l’opération.

Les officiers de l’armée d’occupation sur les lieux de l’opération Huwwara, le 19 août 2023.

Il convient de noter que les forces d’occupation israéliennes ont transformé Huwwara en une caserne militaire avec des patrouilles 24 heures sur 24 le long de la route principale de la ville, alors qu’au cours des dernières semaines, elles ont installé des postes militaires sur les toits des bâtiments et des maisons, en plus d’installer des centaines de caméras de surveillance, afin d’empêcher les opérations de commando contre les colons.

Au cours du premier semestre de cette année, Huwwara a été le théâtre de 169 actes de résistance : 28 attaques par balle, 3 attaques à la voiture voilée, une attaque à l’arme blanche, 7 attaques contre des installations, des véhicules et des lieux militaires, 17 attaques au cours desquelles des véhicules et du matériel militaires israéliens ont été détruits, 9 à l’aide de cocktails Molotov et des pétards, 44 points de confrontation avec les forces d’occupation, 19 attaques de colons repoussées, 36 attaques de jets de pierres, en plus de 5 manifestations condamnant le siège et les restrictions imposées à la ville.

Depuis le début de cette année, Huwwara incarne un microcosme de ce qui se passe en Cisjordanie : alors que les colons ciblent les maisons des citoyens par des incendies, des jets de pierre et des tirs à balles, en plus des exécutions sur le terrain perpétrées par les soldats israéliens, les résistants s’acharnent à ce que Huwara reste pour eux un cimetière, afin de continuer à détruire la force de dissuasion israélienne en profitant de la situation de la ville située sur la route principale entre le nord et le centre de la Cisjordanie (entre Naplouse et Ramallah), empruntée par régulièrement des colons, ce qui en fait un bastion précieux pour la résistance. À cet égard, le journal Maariv a rapporté que Huwwara est devenue la zone la plus chaude après avoir coûté la vie à 4 colons et blessé 7 autres, tout en dépassant le plus grand nombre de morts et de blessés parmi l’armée et les colons en Cisjordanie depuis le début de 2023. Le martyr Abdel Fattah Khrusheh a inauguré les opérations commando à Huwara le 26 février, lorsqu’il a exécuté des colons, et les opérations se sont poursuivies successivement, menant à la dernière opération, qui a également entraîné la mort de colons. Les deux Israéliens exécutés sont arrivés à Huwwara depuis Ashdod samedi matin, pour effectuer des réparations de leur véhicule [et profiter de tarifs plus bas que dans l’entité d’occupation, ndt], et pendant ce temps, le commando a reçu des informations selon lesquelles ils se trouvaient dans une station de lavage de voitures ; le commando s’y est alors déplacé et leur a tiré dessus à courte distance, selon ce qui a été documenté par les caméras.

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À l’heure actuelle, l’establishment militaire israélien cherche à minimiser son échec retentissant après l’opération Huwwara en publiant des détails qui atténuent l’impact de l’échec de la sécurité et du renseignement, et en affirmant que l’auteur savait où se trouvaient les colons et les a attaqués en profitant du bruit des lave-autos, ce qui explique l’incapacité de l’armée à entendre les coups de feu, malgré sa présence permanente dans la zone. Cependant, ces affirmations sont contraires à ce qui s’est passé puisqu’une fusillade a été signalée et considérée comme « criminelle » entre deux Palestiniens. Par conséquent, les soldats de l’occupation l’ont ignorée et ont attendu environ une demi-heure pour se rendre sur les lieux, où ils ont été précédés par une ambulance palestinienne, alors que les Palestiniens avaient commencé à partager des informations sur les deux personnes décédées, leurs photos et leur identité sur les réseaux sociaux, et l’agresseur a pu discrètement quitter les lieux.

L’opération Huwwara a brisé la force de dissuasion israélienne, torpillé la théorie de la sécurité des colons de l’occupation et ses mesures militaires, et prouvé la capacité de la résistance à la frapper dans les endroits les plus fortifiés et les plus mobilisés. Le site Internet hébreu Walla a rapporté qu’« une opération meurtrière a révélé les échecs de Tsahal en Cisjordanie (…) Huwwara s’est transformé en une voie sanglante pour les Israéliens », a-t-il dit, ajoutant : « L’armée a essayé de réduire les risques dans la région sans succès. Après la première opération à Huwwara en février dernier, l’armée israélienne s’est rendu compte que la prochaine opération n’était qu’une question de temps. »

L’opération Huwwara est intervenue à un moment où les Palestiniens attendent une réponse aux récents crimes de l’occupation et des colons, incarnés par le martyr de plusieurs combattants palestiniens à Jénine et Naplouse, et le meurtre d’un garçon par un colon près de Ramallah. Le retrait de l’auteur de l’attaque de la scène et l’incapacité des forces d’occupation à le retrouver jusqu’à présent, malgré les incursions de grande envergure menées dans des dizaines de villages et de villes entourant Huwwara, ont accentué l’échec de l’ennemi. De plus, il semble remarquable que ce qui inquiète l’Occupation, c’est la précision de l’organisation, de la planification et de la mise en œuvre, au milieu de la confusion du système de sécurité à révéler les détails de l’opération, dont il a d’abord dit qu’elle avait été réalisée à partir d’une voiture roulant à grande vitesse et avec une mitrailleuse, pour découvrir, après la diffusion d’un clip vidéo, qu’elle a été exécutée avec un pistolet et que l’agresseur était debout. Le processus de Huwwara renforce également le fait que la réponse aux crimes de l’occupation et des colons a lieu au moment et à l’endroit appropriés, et par conséquent, l’option de la résistance qu’Israël essaie d’éradiquer semble efficace, précise et percutante.

Bien que les forces d’occupation ne disposent pas d’informations permettant de savoir si l’opération a été menée individuellement ou organisée et dirigée par l’une des factions de la résistance, ses données sont préoccupantes pour l’occupation et elles indiquent la haute qualité de la planification, la compétence et le courage dans la mise en œuvre, ainsi que la maîtrise de la sécurité et du renseignement malgré les obstacles. Bien que l’on ne sache pas encore quels effets le processus Huwwara aura sur le gouvernement israélien et l’establishment sécuritaire, son impact sur eux semble certain, surtout à la lumière de l’impasse interne du gouvernement Netanyahu et de l’état de conflit avec l’institution militaire et des officiers et commandants de l’armée qui parlent publiquement du déclin de l’efficacité des forces armées, avec l’augmentation des refus d’y servir.

Comme prévu, le niveau d’incitation contre les Palestiniens a augmenté après l’opération ; les colons ont lancé une série d’attaques contre la ville de Huwwara, les villages et villes voisins et les rues extérieures reliant les villes et villages palestiniens, et des colons extrémistes comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le vice-président du Conseil des colonies du nord de la Cisjordanie, tous deux soutenus par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, ont appelé à « effacer » la ville.

Le journal « Israel Today » a appelé à une opération militaire en Cisjordanie qui rétablisse la dissuasion pour les vingt prochaines années, affirmant que « ce qu’il faut, ce n’est pas une opération chirurgicale et délicate, mais ce qu’il faut immédiatement, c’est une opération qui rétablisse la dissuasion. » « Tant que Netanyahu, son ministre de la Sécurité, et le cabinet politique ne se sont pas lancés dans une action militaire à grande échelle, nous sommes condamnés à continuer à pleurer nos morts. »

L’intensification des opérations de la résistance en Cisjordanie se traduit dans l’augmentation des pertes parmi les soldats d’occupation et les colons, le nombre de morts parmi les colons étant passé à 33 depuis le début de cette année, alors que leur nombre avait atteint 34 l’année dernière.

Article original en arabe sur al-akhbar.com / Traduction ISM