Gaza nous rappelle qu’il est de notre devoir de lutter pour une Palestine libre

Ryvka Barnard, 10 mai 2023. Cette semaine, nous commémorons le 75e anniversaire de la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine, lorsque plus de 500 villes et villages palestiniens ont été détruits et vidés de leur population, et plus de 750.000 palestiniens sont devenus des réfugiés par l’État nouvellement créé d’Israël.

Gaza, 9 mai 2023.

Notre principale action, à la Campagne de solidarité avec la Palestine, sera de marcher, par milliers, dans le centre de Londres, ce samedi, sous la bannière « Libérez la Palestine, mettez fin à l’apartheid » pour nous assurer que notre soutien à la libération palestinienne est sonore, ample et fort. De plus, et pendant toute la semaine, nous avons planifié des activités liées à nos campagnes annuelles à plus long terme pour la justice.

Nous avons un double devoir lorsqu’il s’agit de marquer la Nakba. D’une part, nous devons créer un espace pour que les survivants de la Nakba et leurs descendants puissent s’exprimer, comme nous l’avons fait lors de notre événement de cette semaine : « Nakba 75—Exister, Résister, Revenir ». Ceci est d’autant plus important qu’Israël et ses partisans comptent sur l’effacement et la déformation de cette histoire pour réprimer les appels palestiniens à la justice.

9 mai 2023, mosquée al-Omari à Gaza. Funérailles des Palestiniens tués lors des frappes aériennes israéliennes du 8 mai. Images Atia DarwishAPA

D’un autre côté, il y a un danger à traiter la Nakba comme un moment de l’histoire qui s’est terminé ; comme le disent souvent les Palestiniens : « al nakba mustamirra », la Nakba est en cours et continue. Chaque maison ou école démolie, chaque olivier déraciné, chaque prisonnier politique torturé, chaque famille forcée de pleurer ses proches tués par les bombes israéliennes sur Gaza, chaque nouvelle génération de réfugiés nés hors de leur patrie – ce sont des crimes superposés à des décennies d’injustice.

Ces dernières semaines ont montré l’horrible réalité de ce que signifie la Nakba en cours.

Hier, plus de 40 avions de combat israéliens ont fait pleuvoir des bombes sur la bande de Gaza déjà occupée et assiégée, tuant 13 personnes, dont 4 jeunes enfants. De nouvelles frappes ont eu lieu aujourd’hui. Il s’agit d’un traumatisme répété pour les 2,1 millions d’habitants de Gaza, qui souffrent déjà des privations causées par un blocus illégal, qui courent tous le risque constant d’être déplacés, blessés ou tués par les attaques militaires israéliennes.

La majorité des Palestiniens de la bande de Gaza sont des réfugiés, soit directement déplacés de leurs maisons en 1948, soit descendants de ceux qui l’étaient. Beaucoup vivent dans des camps de réfugiés à seulement quelques kilomètres de leurs villages d’origine, mais incapables de les atteindre à cause du siège d’Israël.

L’école primaire du hameau de Jubbet-ad-dib, dans le gouvernorat de Bethléem, financée par des donateurs, où 40 enfants sont accueillis tous les jours.

Ce qui reste de l’école primaire le 7 mai au matin, après le passage de l’armée criminelle du régime sioniste. Détruire une école est un crime de guerre.

La semaine dernière, dans une autre partie de la Palestine, le prisonnier politique Khader Adnan est décédé après une grève de la faim de 87 jours pour protester contre l’utilisation par Israël de la détention arbitraire comme arme politique. L’utilisation par Israël de la détention administrative, de l’emprisonnement sans inculpation ni procès, est un vestige de la domination coloniale britannique en Palestine.

Israël détient actuellement 5.000 Palestiniens en tant que prisonniers politiques, dont 1.000 sans inculpation ni procès, dans un système conçu pour briser la volonté des individus et le pouvoir collectif des prisonniers politiques qui, envers et contre tout, exigent la liberté. Il s’agit du nombre le plus élevé en deux décennies, résultat de l’intensification de la répression du gouvernement d’extrême-droite israélien ciblant le mouvement des prisonniers.

Khader Adnan était, de l’avis de tous, un homme connu pour son attitude humble et son engagement acharné envers son peuple et sa lutte. Sa grève de la faim n’était pas seulement axée sur la politique de détention administrative. C’était un cri plus large pour la liberté, non seulement pour lui-même, non seulement pour les autres prisonniers politiques, mais pour tout son peuple, depuis les décennies d’oppression auxquelles ils sont confrontés.

Dans sa dernière lettre, un testament écrit, Adnan exprime ce sentiment lorsqu’il fait référence à la ville dans laquelle il a été emprisonné, l’appelant « la ville palestinienne bien-aimée et authentique d’Al Ramle ». Dans ces derniers mots, il évoque l’histoire pré-Nakba de cette ville emblématique, proclamant un avenir qui transcendera les affreuses limites de la prison coloniale, et verra son peuple vivre enfin libre sur sa propre terre libérée de toutes les prisons, les murs et les tortionnaires qui les enferment actuellement.

 

La Nakba en cours est le bombardement incessant de Gaza ; c’est le meurtre lent de prisonniers politiques, la destruction d’écoles et de maisons, les invasions militaires de villages et de camps de réfugiés par des soldats armés jusqu’aux dents, avec des armes approuvées pour leur usage par le gouvernement britannique. La Nakba en cours est plus qu’un ensemble d’événements : c’est un système de violence coloniale, d’occupation militaire et d’apartheid auquel aucun être humain ne devrait être soumis.

Les Palestiniens non seulement endurent ce traumatisme depuis plus de sept décennies, mais ils y résistent depuis le premier jour. Au milieu du désespoir et de l’angoisse, le peuple palestinien n’a pas faibli dans sa lutte de libération.

Leurs demandes de liberté et d’autodétermination n’ont pas faibli au fil des ans, malgré tant de tentatives pour les réprimer. Ils n’ont pas oublié les villages dont ils ont été chassés – ceux qui peuvent marchent vers eux par milliers en brandissant des drapeaux.

Les camps de réfugiés vers lesquels ils ont été expulsés sont devenus des sites d’organisation communautaire et de résistance créative. Et l’appel au retour dans la patrie résonne toujours aussi fort dans toutes les communautés palestiniennes du monde, y compris ici en Grande-Bretagne.

 

Notre marche de samedi mettra en vedette les contributions de plusieurs générations de Palestiniens qui se sont préparés avec diligence à s’adresser au public britannique depuis la scène ce week-end.

Certaines personnes réagissent avec indifférence à nos grandes commémorations de la Journée de la Nakba : « Pourquoi s’en soucier ? Quelle différence cela fera-t-il ? » En effet, une seule marche n’a jamais changé le cours de l’histoire.

Cependant, à une époque où les Palestiniens sont plus attaqués que jamais, à un moment où notre gouvernement britannique actuel et l’opposition semblent déterminés à réprimer la solidarité, notre présence visible dans les rues n’est pas seulement importante, c’est un devoir.

Cela est particulièrement vrai ici en Grande-Bretagne, un pays qui porte un si lourd fardeau de responsabilité historique et de complicité continue. Ce n’est pas le moment d’abandonner les Palestiniens. Notre commémoration de la Journée de la Nakba n’est pas l’aboutissement de notre travail, c’est notre réengagement annuel dans le travail que nous devons faire jour après jour pour soutenir la lutte palestinienne jusqu’à la libération et au retour.

Article original en anglais sur The New Arab / Traduction MR

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