Noelle Mafarjeh, 15 juillet 2022. Les hommes politiques et les experts israéliens l’ont présenté comme l’événement de l’année.
Lorsque le président américain Joe Biden a atterri mercredi à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, il a descendu le traditionnel tapis rouge et a été accueilli par la traditionnelle équipe de réception : l’actuel Premier ministre israélien Yair Lapid, le Président israélien Isaac Herzog, l’ancien Premier ministre Naftali Bennett et, de manière un peu plus discrète, bien que cela ne mérite certainement pas de faire les gros titres, l’ancien (et, selon toute vraisemblance, le prochain) Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est actuellement en procès pour fraude, abus de confiance et corruption.M. Biden a fait toutes les remarques attendues devant les caméras, les phrases chocs éprouvées, recyclant même une déclaration vieille de plusieurs décennies selon laquelle il n’est pas nécessaire d’être juif pour être sioniste.
Jusqu’ici, pas grand chose de neuf.
Le reste de la journée s’est déroulé selon l’itinéraire méticuleusement planifié par le chef d’État en visite. Les déclarations convenues ont été récitées. Des photos ont été prises. De nouvelles mains ont été serrées.
« Le premier jour ennuyeux de Biden est exactement ce dont Israël avait besoin », a proclamé un titre du Haaretz.
Jeudi matin, l’absence de gros titres devenait un titre digne d’intérêt en soi.
Les reportages télévisés et les réseaux sociaux montraient des rues vidées de leurs voitures, de leurs tramways et de toutes sortes de véhicules en prévision de la visite de M. Biden à Jérusalem.
Tout était calme, tout le monde était rangé.
En fait, le seul endroit où il y avait moins de nouvelles qu’en Israël… était en Palestine.
La nouvelle est qu’il n’y a pas de nouvelle
« Quelles sont les nouvelles ? » demande quelqu’un alors que le personnel est réuni dans la salle de rédaction de Jerusalem24.
Le cycle quotidien des nouvelles à Jerusalem24 commence invariablement par la couverture des mêmes éléments : arrestations de Palestiniens lors de raids israéliens nocturnes ; invasions de maisons par l’armée israélienne et dommages à leurs biens ; attaques de soldats israéliens et ripostes de jeunes Palestiniens ; blessures de Palestiniens dues aux gaz lacrymogènes et aux balles réelles ; et enfin (bien que ce soit généralement un événement bihebdomadaire plutôt que quotidien), Palestiniens abattus par les forces israéliennes.
Nuit après nuit, le même schéma d’événements se reproduit, et matin après matin, les journalistes palestiniens en parlent dans leur bulletin d’information du matin.
Nous avons vérifié les sources habituelles : Le ministère palestinien de la Santé pour les blessures et les décès ; la Société des prisonniers palestiniens pour les arrestations ; les bureaux des gouvernorats pour les invasions et les raids ; les réseaux sociaux pour les vidéos de confrontations avec les soldats.
« Alors, quelles sont les nouvelles ? »
Et il n’y en avait aucune. Aucune arrestation, aucun raid de nuit, aucun blessé. En fait, Jersualem24 ne pouvait pas confirmer qu’une seule incursion d’un seul soldat israélien avait eu lieu en Cisjordanie.
Personne dans la salle de rédaction ne pouvait se souvenir de la dernière fois que cela s’était produit. Aurait-ce pu être en 2013, lors de la dernière visite officielle de Barack Obama ?
Au fil de la journée, nous sommes passés aux autres caractéristiques quotidiennes du cycle de l’actualité palestinienne : démolitions de maisons, avis de saisie de terres ou de biens, attaques de colons contre des Palestiniens ou leurs terres, rasage de terres agricoles et d’arbres, pêcheurs de Gaza pris sous le feu en mer, et ordres de détention administrative renouvelés sans inculpation ni procès.
Et encore une fois – où étaient les nouvelles ?
La Palestine est un petit pays dont la population équivaut à celle d’une capitale de taille moyenne. Dès qu’un incident impliquant des colons ou des forces d’occupation se produit, les informations ou la documentation s’y rapportant circulent sur les réseaux d’information informels, par le biais des réseaux sociaux et du bouche-à-oreille, et parviennent rapidement aux canaux officiels et aux salles de presse.
Mais ce jour-là, les canaux étaient à sec.
Toute la Palestine a poussé un soupir de soulagement collectif et temporaire, mais elle s’est sentie néanmoins déconcertée et ulcérée : si les raids, les saisies et les mutilations peuvent s’arrêter pendant une journée, on peut certainement interroger leur prétendues légitimité et nécessité ?
Il y a eu un soudain pic d’activité en milieu d’après-midi, lorsqu’une colonie près de Ramallah a été complètement verrouillée en raison d’une possible « infiltration » d’un Palestinien. L’agitation s’est vite calmée lorsqu’on a découvert que c’est un colon qui avait lui-même sauté par-dessus la clôture et déclenché l’alarme.
Les médias israéliens ont reporté leur attention sur la visite du président Biden, avec les accords, les déclarations et les déclarations prévus.
Loin des gros titres, la résistance civile palestinienne se met en avant
Quant aux médias palestiniens – qui n’ont pas à s’acquitter de la tâche routinière consistant à rapporter chaque jour entre 15 et 30 arrestations, une demi-douzaine de démolitions de maisons et d’expulsions, le tout parsemé d’attaques de colons et de l’armée et de blessures subies – les titres qui ont soudainement pris le devant de la scène sont ceux de la résistance civile palestinienne, qui n’est pas moins quotidienne que les éléments mentionnés ci-dessus.
Il y a eu une nouvelle demande de la part d’une famille en deuil pour que Biden obtienne justice pour leur proche en tant que citoyen américain ; la poursuite juridique d’un militant franco-palestinien pour se libérer du harcèlement de l’État ; une série de panneaux d’affichage installés à Bethléem pour rappeler à Biden l’ « éléphant dans la pièce » de l’apartheid israélien ; des manifestations pacifiques à travers la Cisjordanie pour rejeter la visite de Biden ; une conférence organisée par des Américains d’origine palestinienne pour demander l’égalité des droits avec leurs homologues non palestiniens en vertu de la loi américaine ; et le combat d’une militante américaine d’origine palestinienne pour la justice sociale en faveur de son peuple, à l’autre bout du monde.
Vendredi après-midi, une visite de Biden dans les hôpitaux de Jérusalem-Est a apporté quelques nouvelles bienvenues, tandis qu’une visite à Bethléem n’a apporté que de la déception sous la forme d’engagements rassis, peu convaincants et peu convaincus en faveur d’un État palestinien en présence du président palestinien Mahmoud Abbas.
Une fois que Biden aura sauté dans un avion pour l’Arabie saoudite, le cycle des nouvelles palestiniennes, on peut le dire sans risque, reprendra sa routine quotidienne, comme si aucun chef d’une superpuissance mondiale n’était jamais venu ici.
Mais au moins, M. le Président, la Palestine a eu une bonne nuit de sommeil grâce à votre visite.
Article original en anglais sur jerusalem.24fm / Traduction MR
Note ISM-France : Et en effet, comme le prévoyait Noelle Marjafeh, le régime sioniste a repris ses activités habituelles de destruction dès le départ de J. Biden avec le bombardement de Gaza, au petit matin du samedi 16