Partager la publication "S’attaquer à Goliath : comment Palestine Action a chassé Elbit"
Huda Hammori, 29 juin 2022. Équipés de peinture rouge sang, de pochoirs faits maison et d’une caméra, nous étions prêts à prendre d’assaut le 77 Kingsway, le siège londonien de la plus grande entreprise d’armement d’Israël, Elbit Systems. Il a suffi d’un sourire pour que la porte s’ouvre et que l’on accède au prestigieux bureau d’Elbit. Nous sommes entrés – nous avons jeté de la peinture dans tout le hall, monté des banderoles, filmé – tout cela avant que la sécurité ne nous fasse sortir. Mais, avant de partir, une promesse a été inscrite sur le mur : Nous reviendrons !
Et nous sommes revenus.Pour construire un mouvement suffisamment fort pour faire tomber les dix sites d’Elbit en Grande-Bretagne, nous devions être à la fois perturbateurs et constants. Les actions ponctuelles ne suffiraient pas. Chaque minute d’inaction était une minute de plus pour Elbit pour faire un nouveau massacre. Pour les vaincre, nous devions les bombarder.
Nous étions face à un Goliath – un fabricant d’armes, créé en 1966 dans le but précis d’armer les milices sionistes pour procéder à un nettoyage ethnique du peuple palestinien. Aujourd’hui, leur modèle économique repose sur le développement de leurs armes expérimentales sur la population captive de Gaza, les présentant comme « testées au combat » avant de les expédier à Israël et à d’autres régimes répressifs.
« Palestine Action n’a fait que se renforcer, tandis que les sites d’Elbit s’affaiblissaient de plus en plus. Le plus grand vendeur d’armes d’Israël a été contraint de consacrer des sommes de plus en plus importantes à la sécurité, qui, soit dit en passant, n’a jamais réussi à empêcher nos militants d’entrer. Les actions sont devenues plus fréquentes, plus perturbatrices, et pour Elbit, considérablement plus coûteuses.’ »
En juillet 2020, la Grande-Bretagne abritait dix sites Elbit fabriquant des drones militaires, de l’artillerie et des logiciels d’acquisition.
Palestine Action est née d’une nécessité de chasser le commerce d’armes d’Israël du pays. Non seulement les actions ciblaient les sites d’Elbit, mais des pressions étaient également exercées sur ceux qui facilitaient sa capacité à opérer en Grande-Bretagne.
Israël ne pouvait pas fabriquer sa chaîne d’approvisionnement en armes meurtrières de manière isolée. Pour qu’Elbit obtienne un espace de bureaux prestigieux dans le centre de Londres, il fallait qu’un agent de location ferme les yeux sur les crimes de guerre d’Israël – un carnage qui a permis à Elbit de littéralement « faire un massacre ». C’est pourquoi la société immobilière JLL (Jones Lang LaSalle, ndt), qui pèse plusieurs milliards de livres, est devenue un centre d’intérêt national pour les militants autonomes. De York à Brighton, les sites de JLL ont été régulièrement soumis à l’emblématique peinture rouge sang de Palestine Action.
Avec une cible secondaire, et un bloc de bureaux dans le centre de Londres à perturber systématiquement, une stratégie à deux volets pour chasser Elbit de Londres a été rapidement mise en place.
Quelques semaines seulement après le lancement de la campagne, le ministère israélien des Affaires stratégiques et le ministre de la Défense ont rencontré le gouvernement britannique pour discuter de la manière de «briser notre mouvement ». Ils ont compris le pouvoir de l’action directe, et nous aussi.
L’État a lancé une campagne stratégique visant à détruire notre mouvement au cours de ses premières étapes de formation. Les passeports volés par la police, les perquisitions de domiciles et une série d’arrestations violentes n’ont pas été des expériences agréables, mais elles n’étaient rien en comparaison de celles qui se trouvaient du mauvais côté de l’armement d’Elbit.
Chaque obstacle que nous avons rencontré était un pas de plus vers la défaite du commerce des armes d’Israël. Et, à chaque fois que l’État a dépassé les bornes, de plus en plus de personnes ont pris l’initiative de se joindre à la lutte pour faire fermer Elbit. Les tactiques de l’État se sont retournées contre nous.
Palestine Action n’a fait que se renforcer, tandis que les sites d’Elbit s’affaiblissaient de plus en plus. Le plus grand vendeur d’armes d’Israël a été contraint de dépenser des sommes de plus en plus importantes pour la sécurité, qui, soit dit en passant, n’a jamais réussi à empêcher nos militants d’entrer. Les actions sont devenues plus fréquentes, plus perturbatrices et, pour Elbit, considérablement plus coûteuses.
Au fil du temps, ce qui était au départ un immeuble prestigieux du centre de Londres s’est transformé en un vieil immeuble triste et délabré. Le bâtiment a été démoli pour empêcher les gens d’y grimper, les ornements extérieurs ont été retirés pour empêcher les activistes de les arracher et un service de sécurité a été engagé pour garder l’entrée 24 heures sur 24.
Cependant, malgré toutes les mesures supplémentaires qu’ils ont prises pour tenir Palestine Action à l’écart, ce fut pour eux un échec continuel. Nous sommes venus, nous sommes restés et nous les avons fait taire, encore et encore et encore.
Depuis avril 2022, les militants ont enfoncé le dernier clou dans le cercueil du QG d’Elbit à Londres. Semaine après semaine, nous avons pris sur nous de perturber le 77 Kingsway en bloquant les portes, en aspergeant le bâtiment de peinture rouge sang et en nous assurant que le grand public savait exactement qui se cachait derrière la porte.
Alors qu’Elbit était mécontent de toutes ces actions continues à son siège, la communauté environnante a offert aux activistes du café et de la nourriture ainsi que des messages de soutien réguliers. Au fur et à mesure que la pression augmentait, Elbit et ses agents de location n’avaient plus d’autre choix que de quitter les lieux.
Et ils sont partis ! La semaine dernière, il a été annoncé qu’Elbit Systems avait abandonné son siège londonien après la campagne d’action directe soutenue de Palestine Action, qui a vu 60 personnes arrêtées. La nouvelle est arrivée juste 5 mois après que nous ayons fait fermé définitivement l’usine d’armes Elbit-Ferranti à Oldham.
La preuve est faite : l’action directe donne des résultats.
Le lobbying auprès des gouvernements, les pétitions et les tactiques de campagne traditionnelles ont toujours échoué à arrêter le commerce des armes entre la Grande-Bretagne et Israël. Rien ne peut cependant empêcher les gens de prendre l’initiative de démanteler les sites d’armement à nos portes.
Visiter le site de Palestine Action pour voir les actions menées par le groupe de militants.
Article original en anglais sur The New Arab / Traduction MR
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