Palestine : Le Hamas envisage d’affréter des cargos pour briser le blocus de Gaza

René Naba, 1er juillet 2022. Le Hamas n’est pas concerné par la désagrégation de l’Autorité Palestinienne et ne s’impliquera pas dans la guerre de succession. Mais le Hamas refusera catégoriquement tout dirigeant « parachuté », qui sera imposé aux Palestiniens et ne traitera en aucun avec avec lui.

Lever de soleil à Gaza (photo Omar Ghraieb)

Appel à un dialogue entre nationalistes arabes et islamistes en vue de mettre un terme à la rivalité qui s’est manifestée à l’occasion de la séquence du printemps arabe» et de «mettre un terme à leur instrumentalisation»

Le Hamas envisage d’affréter des cargos pour ravitailler Gaza, par la mer, en vue de briser le blocus qui frappe l’enclave depuis 2007, soit depuis 15 ans, a annoncé M. Khalil Hayya, responsable des relations avec les pays arabes au sein du mouvement islamiste palestinien, dans une interview au quotidien libanais Al Akhbar en date du 28 juin 2022.

Hayya a accordé cet entretien au terme d’un séjour au Liban en compagnie du chef du mouvement Ismail Hanniyeh consacré à des concertations stratégiques avec le Hezbollah libanais.

M. Hayya a admis que le Hamas avait pris cette décision en s’inspirant de l’exemple de la formation paramilitaire chiite libanaise qui avait brisé le blocus américain sur le Liban en ravitaillant le pays du fuel iranien, en 2021.

Le blocus de la bande de Gaza a été imposé par Israël et par l’Égypte depuis sa prise de contrôle par le Hamas en juin 2007. D’une largeur de 6 à 12 km et d’une superficie de 360 km2, son territoire est entouré au nord, à l’est et au sud-est par Israël et au sud-ouest par l’Égypte. En 2022, la population est estimée à un peu plus de 2 millions d’habitants.

« Affréter des cargos de pays amis pour ravitailler Gaza porte en germe le risque d’un affrontement avec Israël. Le Hamas est prêt à assumer la responsabilité de la protection des navires voulant ravitailler Gaza. Mais cette décision a au moins le mérite d’attirer l’attention de l’opinion internationale sur le blocus et les conditions de vie de la population de l’enclave. »

Ci-dessous les principaux extraits de l’interview de M. Khalil Hayya :

La succession de Mahmoud Abbas, à la tête de l’Autorité Palestinienne

« Mahmoud Abbas, un des piliers du processus de normalisation israélo-arabe, est dans l’impasse et n’a plus la moindre emprise sur le cours des choses. Les divers responsables des appareils sécuritaires, liés aux Israéliens et aux Américains, détiennent, eux, la réalité du pouvoir au sein de l’Autorité Palestinienne. Le Fatah, principal mouvement palestinien fondé par Yasser Arafat, déclencheur de la guérilla palestinienne dans la décennie 1960, est responsable de cet état de fait sans pour autant qu’il soit possible d’affirmer qu’il pilote ce projet.

« Les successeurs potentiels de Mahmoud Abbas – Majed Farah, Hussein Al Cheikh et Jibril Rajoub – ne sont pas très différents de Mahmoud Abbas, quant à leurs orientations politiques. En fin de compte, les États-Unis trancheront la question de la succession. Il est clair que leur choix porte sur Hussein Al Cheikh.

La Résistance armée en phase ascendante et l’autorité palestinienne en voie d’effondrement faute d’un projet politique

George Bush Junior (2000-2008) avait fait le pari d’offrir un modèle palestinien à Ramallah radicalement différent et plus attractif que le modèle en vigueur à Gaza.

A l’initiative de Tony Blair, ancien premier ministre britannique et président du “quartet” sur le Moyen-Orient, l’Autorité Palestinienne, installée à Ramallah, a bénéficié de largesses financières de la communauté internationale en vue de suggérer tant aux Palestiniens qu’à l’opinion internationale, l’illusion de la prospérité aux Palestiniens vivant sous l’autorité de Mahmoud Abbas. Or ce projet n’offrait pas de perspectives.

L’autorité Palestinienne est désormais captive de sa coordination sécuritaire avec les forces d’occupation israéliennes.

« Quant au modèle Gaza, en dépit du fait que l’enclave est assiégée, il a réussi à forger la dignité du peuple palestinien, de même que l’unité des composantes de la population vivant au sein de l’enclave…. A Gaza, le Hamas sollicite constamment l’avis des autres factions combattantes avant toute décision.

La phase post Mahmoud Abbas

« Le Hamas ne participera pas à la lutte pour le pouvoir, lors de la phase de succession de Mahmoud Abbas et ne s’impliquera pas dans la guerre de succession qui opposera les divers postulants au pouvoir. Mais le Hamas refusera catégoriquement tout dirigeant « parachuté », qui sera imposé aux Palestiniens et ne traitera en aucun cas avec avec lui.

« Le Hamas n’est pas concerné par la désagrégation de l’Autorité Palestinienne. Nul ne pourra assurer la relève de l’Autorité Palestinienne lors de sa désagrégation, alors que le Hamas tire sa force de l’adhésion du peuple palestinien et de la puissance de la Résistance palestinienne.

« L’Autorité Palestinienne est désormais un fardeau pour le peuple palestinien, alors qu’elle devait être au service du peuple palestinien. La Puissance occupante tire profit de la présence de l’Autorité Palestinienne pour combattre la Résistance Palestinienne.

Du fait de la passivité de l’Autorité Palestinienne, le Hamas s’est érigé en défenseur des Lieux Saints de Jérusalem lors du dernier affrontement israélo-palestinien, en Mai 2021 provoquant la paralysie de la navigation dans l’espace aérien israélien à la faveur de ses tirs de roquette de fabrication artisanale.

Les rapports entre le Hamas et l’Égypte !

« L’Égypte est notre unique débouché terrestre. Le Hamas a pris des mesures pour tranquilliser l’Égypte à l’égard des groupements takfiristes présents dans le désert du Sinaï.

« Nous considérons que ces groupements font peser davantage de dangers sur le Hamas que sur toute autre partie arabe. Ils constituent une grande menace tant sur notre religion que sur notre culture et notre politique.

« Les Égyptiens nous accusent d’utiliser les tunnels pour favoriser la circulation et le trafic des groupements takfiristes. Nous avons proposé aux Égyptiens de contrôler les accès des tunnels du côté égyptien, et le Hamas prenant en charge le contrôle de ses passages souterrains du côté de Gaza. »

En conclusion, M. Khalil Hayya a lancé un appel à un dialogue entre nationalistes arabes et islamistes en vue de mettre un terme à la rivalité qui s’est manifestée à l’occasion de la séquence dite du « printemps arabe » et de « mettre un terme à l’instrumentalisation » des divers courants arabes. Un fait qui a considérablement affaibli le Monde arabe, prélude à la constitution d’un large front de soutien à la Résistance.

« L’important pour le Hamas est qu’Israël ne jouisse pas de la stabilité. Sans fausse honte nous avons informé les normalisateurs que leur démarche a constitué une faute, car Israël se préoccupe avant tout de ses propres intérêts et jamais des intérêts de la Turquie ou des Emirats Arabes Unis ».

Pour le locuteur arabophone, l’interview de Khalil Hayya pour le journal Al Akhbar sur ce lien: Al Akhbar Mardi 28 juin 2022

* Sur le même thème : Le Hamas revendique son indépendance par rapport à la confrérie des Frères Musulmans

Source : Madaniya.info

[writers slug=rene-naba]