À peine les premières images du meurtre de Shireen Abu Aqleh commençaient à circuler le 11 mai au matin, que l’armée israélienne s’empressait – et ses relais politiques et médiatiques avec – d’accuser d’anonymes « tireurs palestiniens ». Une vidéo fournie par l’armée israélienne devient la pierre angulaire de cette version officielle, en dépit du témoignage des journalistes présents sur place et qui désignent formellement l’armée comme seule responsable. D’après eux, il n’y avait aucun échange de tir entre groupes armés palestiniens et soldats israéliens au moment où Abu Aqleh s’effondre, touchée par une balle venue se loger entre son casque et son gilet pare-balle floqué d’un énorme « PRESS ».
Cette première réaction israélienne va permettre d’imposer à la plupart des commentateurs la prise en compte des deux versions, celle de journalistes professionnels témoins de la mort de leur collègue et celle de l’armée, principale suspecte. Une mise en balance qui ne résiste pas au travail d’enquête sur le terrain et à l’OSINT de l’ONG B’Tselem qui, en quelques heures, publie une vidéo prouvant que les tireurs présentés par l’armée israélienne ne pouvaient avoir touché Shireen Abu Aqleh. Restent donc comme seuls suspects les soldats.
Le gouvernement israélien le sait, lui qui va faire évoluer sa version tout au long de la journée. L’intervention du porte-parole de l’armée israélienne, Ran Kochav, sur la radio militaire en dit long sur leur appréhension de la scène et du droit d’informer. D’après lui, les journalistes présents sur place étaient « armés de caméras ». Plus tard viendront les premières fuites de l’enquête en cours, qui semble désigner un soldat de l’unité 217, dite « Douvdevan », qui aurait tiré depuis un véhicule militaire situé à 190 mètres. Dans un autre contexte, cette évolution du récit politique du meurtre d’une journaliste pourrait marquer une prise en compte de responsabilité. Ici, il n’en est rien. Le mensonge d’État des premiers instants n’a eu pour effet que d’étouffer l’énoncé d’une vérité gênante. Sitôt l’attention retombée, la mascarade d’une enquête interne peut bien déboucher sur une reconnaissance à demi-mot de la culpabilité d’un soldat, aucune condamnation ne suivra.
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