Partager la publication "Le téléphérique : Un autre instrument de contrôle colonial dans la vieille ville"
Ahmed Abofoul, 16 mai 2021. Le 15 mai 2022, la Haute Cour israélienne a confirmé à l’unanimité le projet du gouvernement israélien et de l’Autorité de développement de Jérusalem de construire un téléphérique qui traversera Jérusalem-Est occupée, y compris Silwan et la vieille ville. Le jugement, rédigé par le juge Yosef Elron, a rejeté les quatre pétitions déposées contre le plan, y compris les pétitions des résidents de Silwan dont les maisons risquent d’être démolies en raison de la construction du téléphérique. Le plan de construction du téléphérique a été approuvé par le gouvernement israélien provisoire en novembre 2019.
La Cour a entériné la position du gouvernement israélien concernant les objectifs de la construction du téléphérique, en déterminant qu’il répond aux besoins de transport, en allégeant considérablement les embouteillages dans la zone, et à une priorité touristique, en facilitant l’arrivée des touristes et des résidents dans le soi-disant « Bassin sacré ». Selon la Cour, les pétitionnaires n’ont pas pu étayer leurs affirmations concernant le risque environnemental du téléphérique. Elle a décidé que toute dénaturation que le téléphérique pourrait causer à la ligne d’horizon unique de la région est considérée comme proportionnée par rapport aux avantages du projet.
La Cour a également rejeté sans ménagement les préoccupations des résidents de Silwan, déclarant que l’intérêt public de la construction du téléphérique l’emportait sur les dommages potentiels à la propriété privée. La majeure partie de la décision de la Cour s’est concentrée sur la question de savoir si le processus d’approbation du plan répondait aux normes du droit administratif israélien, concluant que tous les comités concernés avaient agi conformément à la loi.
Le tribunal a reconnu que le téléphérique pouvait entraîner la destruction du cimetière juif karaïte, portant ainsi atteinte à la dignité des morts, mais a conclu que ce dommage était lui aussi proportionné. Le juge a cité une décision antérieure, concernant la création d’un soi-disant Musée de la tolérance sur les ruines d’un cimetière islamique près de la porte de Jaffa pour illustrer le fait que le droit à la dignité des morts n’est pas absolu et que des violations peuvent être justifiées sous le couvert de besoins et d’intérêts publics.
Étant donné que le plan de construction du téléphérique a été discuté pour la première fois devant les comités de planification, le JLAC reconnait que les chances de succès de toute contestation juridique seraient minces, car la Haute Cour n’a pas tendance à intervenir dans ce qu’elle considère comme des questions professionnelles liées à la planification.
Pourtant, le JLAC maintient également que l’image du plan comme étant simplement concerné par le transport et le tourisme est fausse et trompeuse. Le rôle joué par l’organisation de colons El-Ad/Ir David dans la promotion du téléphérique, combiné aux tentatives de l’occupation israélienne de renforcer le contrôle de la zone sud de la vieille ville, indique que le téléphérique est encore un autre instrument de contrôle colonial sur la vieille ville et Silwan.
Alors que les voies de contestation du projet devant les tribunaux israéliens et les différents comités de planification sont pratiquement épuisées, le JLAC rappelle que la vieille ville et ses remparts ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO. Nous appelons donc l’UNESCO à faire pression sur les autorités d’occupation israéliennes pour qu’elles arrêtent immédiatement ce projet. Nous demandons également aux entreprises internationales de s’abstenir de toute participation à la construction ou à l’entretien du téléphérique. Les sociétés internationales qui coopèrent avec un tel projet, construit sur un territoire occupé et sans la consultation, sans parler de l’approbation, de la population protégée, seront complices de la violation du droit international.
Le téléphérique est le dernier exemple en date de la manière dont Israël cherche à contrôler non seulement la terre mais aussi l’horizon palestinien. La Haute Cour israélienne, comme ce fut le cas pour l’approbation de l’expulsion massive de Masafer Yatta, a ajouté son sceau de légitimité.
Article original en anglais sur Jerusalem Legal Aid and Human Rights Center / Traduction MR
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