Partager la publication "Comment la résolution de l’ONU sur Gaza crée un nouveau « mandat » étranger sur les Palestiniens"
Rayhan Uddin, 18 novembre 2025. – Une force internationale utilisera « toutes les mesures nécessaires pour exécuter son mandat » à Gaza, stipule la résolution 2803 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 17 novembre.
Cette résolution place le président américain Donald Trump à la tête de l’enclave palestinienne, avec des troupes multinationales au sein d’une Force internationale de stabilisation (FIS) chargées de superviser son plan en 20 points pour l’avenir de la région.
Le terme « mandat » est malheureusement trop familier dans le contexte de l’ingérence étrangère dans les affaires palestiniennes.
« Il s’agit d’un schéma colonial classique qui méconnaît totalement les droits et les aspirations du peuple autochtone », déclare Avi Shlaim, historien britannico-israélien, à Middle East Eye.
« En ce sens, il est comparable au mandat britannique sur la Palestine. » Helena Cobban, auteure de l’ouvrage « Understanding Hamas: And Why That Matters » (Comprendre le Hamas : et pourquoi c’est important), a déclaré qu’à première vue, le terme « mandat » n’est qu’un terme technique.
« Mais pour tous les habitants de l’Asie de l’Ouest, il est lourd de sens historique », a-t-elle expliqué à MEE.
« Les mandats accordés à la Grande-Bretagne et à la France après la Première Guerre mondiale dans les anciens territoires ottomans reposaient sur l’hypothèse, intrinsèquement colonialiste, que les populations de ces régions n’étaient pas, d’une manière ou d’une autre, « prêtes » à l’autonomie. »
Près d’un siècle plus tard, les puissances mondiales reprennent le contrôle du territoire palestinien pour ce qui est présenté comme une période de transition.
La résolution 2803, adoptée lundi par 13 voix contre 0 et 2 abstentions, prévoit la création d’un « conseil de paix » chargé de superviser les troupes multinationales, les technocrates palestiniens et une force de police locale pour une durée de deux ans.
Rejetée par le Hamas et plusieurs autres factions palestiniennes, la résolution bénéficie toutefois du soutien de l’Autorité palestinienne (AP).
Le texte fait une allusion vague et évasive à « l‘autodétermination et à la reconnaissance d’un État palestinien », sous réserve du respect de certaines conditions.
« Il s’agit de conditionner un droit fondamental : le droit à l’autodétermination », a déclaré à MEE Daniel Levy, analyste britannico-israélien et ancien négociateur de paix.
« Il transforme le garant du droit international, l’ONU, en un organe qui le sape. »
Outre les 13 membres du Conseil de sécurité de l’ONU, le texte a été approuvé par plusieurs États à majorité musulmane et arabes, dont l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Indonésie.
La Russie et la Chine se sont abstenues lors du vote. Bien que la Russie ait qualifié la résolution de « coloniale », il est important de noter que les deux pays n’ont pas utilisé leur droit de veto. Levy a déclaré que le soutien de l’Autorité palestinienne au plan permettait aux États à majorité musulmane et aux États arabes de l’appuyer, ce qui, à son tour, empêchait la Russie et la Chine d’y opposer leur veto.
« Une fois que les États à majorité musulmane l’ont soutenu, personne n’allait faire défection », a affirmé Levy.
Réticence à déployer des forces
Le Hamas a rejeté la résolution, déclarant qu’il n’acceptait pas la notion de désarmement et que le texte ne répondait pas aux droits et aux revendications des Palestiniens.
Le refus du groupe de désarmer pose problème aux troupes multinationales.
La probabilité que des forces internationales de maintien de la paix soient déployées à Gaza pour participer à la destruction des infrastructures « terroristes », comme le prévoit la résolution, est faible tant que le Hamas est présent.
Shlaim a fait remarquer que l’armée israélienne n’était pas parvenue à désarmer le Hamas après deux ans de bombardements incessants.
« Alors, comment un organisme international pourrait-il y parvenir ? Et quel pays arabe accepterait de faire le sale boulot d’Israël ? », a-t-il demandé. « Il s’agit d’un plan visant à instaurer un contrôle israélien indéfini sur Gaza. »
Mme Cobban a reconnu que les acteurs régionaux seraient réticents.
« Si la puissance militaire israélienne, si longtemps vantée, s’avérait incapable de vaincre la résistance palestinienne à Gaza, aucun officier d’état-major des armées arabes ou musulmanes envisageant de rejoindre les Forces de sécurité israéliennes ne souhaitera que ses forces tentent une telle chose », a-t-elle déclaré.
Le Hamas a manifesté une certaine volonté de réduire son armement et ses effectifs : il a évoqué la possibilité de désarmer et d’intégrer ses capacités à l’armée d’un État palestinien indépendant.
Mme Cobban souligne que cette approche est courante pour les forces de lutte anticoloniales tout au long du processus de décolonisation.
Face à l’impasse actuelle concernant le désarmement, la mise en œuvre de la résolution demeure incertaine.
Quoi qu’il en soit, le fait que le Conseil de sécurité de l’ONU ait approuvé sans réserve un plan élaboré sous l’administration Trump, avec le soutien partiel d’Israël, est hautement significatif. Cobban s’est interrogée sur les raisons pour lesquelles tant de membres du Conseil de sécurité ont « cédé si complètement » et pourquoi la Russie et la Chine n’ont pas utilisé leur droit de veto.
« Ce qui s’est passé hier au Conseil de sécurité a jeté le discrédit sur l’ONU elle-même », a-t-elle déclaré.
« L’organisation et tout ce qu’elle représente sont désormais au bord de la crise, et il lui faudra peut-être beaucoup de temps pour s’en remettre, si tant est qu’elle puisse un jour s’en remettre. »
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR
