Nous avons essayé de rester à Gaza mais il n’y a plus aucun moyen d’y survivre

Rasha Abou Jalal, 24 septembre 2025. – La semaine dernière, j’étais avec plusieurs de mes voisins dans notre campement de tentes à l’ouest de Gaza-ville. Nous discutions de l’importance de rester fermes et de rester dans la ville, malgré le projet israélien d’en prendre le contrôle et de la vider de ses habitants.

La journaliste Rasha Abou Jalal prépare des sandwichs pour ses enfants sous sa tente à Nuseirat, à l’ouest de Gaza, après le déplacement forcé de sa famille de Gaza-ville. Le 20 septembre 2025. (Photo d’Abdullah al-Turkamani.)

C’est alors qu’une frappe aérienne israélienne s’est abattue à proximité avec une force assourdissante, transformant notre réunion en une scène de panique et de peur accablantes.

Frappe aérienne israélienne à l’ouest de Gaza-ville, près du campement de tentes où vivaient Rasha Abou Jalal et sa famille. 16 septembre 2025. (Photo de Rasha Abou Jalal.)

Ma fille de six ans, Hour, jouait devant notre tente, mais lorsque j’ai regardé, elle avait été touchée par un éclat d’obus et son nez saignait. Terrifiée, je me suis précipitée vers elle pour évaluer l’étendue de ses blessures. Son état semblait stable, mais elle était blessée au nez.

Mon mari a décidé de l’emmener à l’hôpital Al-Shifa, autrefois le plus grand hôpital de Palestine. Après avoir été attaqué et perquisitionné à plusieurs reprises par l’armée israélienne, il n’est plus que l’ombre de son ancienne stature, avec seulement quelques bâtiments partiellement debout.

 

À leur arrivée, mon mari a trouvé l’hôpital bondé de blessés suite aux bombardements incessants d’Israël sur la ville. Des patients s’entassaient dans les couloirs et débordaient à l’extérieur.

Il a attendu quatre heures avant de pouvoir voir un médecin, tenant un morceau de tissu sur le nez de notre fille. Après cette longue attente, le médecin a annoncé que Hour aurait besoin de points de suture pour refermer la plaie. Puis la nouvelle, bouleversante, est tombée : le médecin a annoncé à mon mari qu’il devait aller chercher du fil à suture, de l’iode et de la gaze dans une pharmacie, car l’hôpital ne disposait pas de ces fournitures médicales de base.

Hour, la fille de Rasha Abou Jalal, âgée de 6 ans, après avoir été soignée pour une blessure au nez causée par un éclat d’obus. 16 septembre 2025. (Photo de Rasha About Jalal.)

Ce fut le tournant. Nous étions fermement décidés à ne pas quitter la ville. Mais si l’hôpital principal de Gaza ne pouvait pas fournir de points de suture et de compresses pour soigner une petite blessure, comment ferions-nous si l’un de nous était grièvement blessé ? C’est alors que mon mari et moi avons réalisé que rester dans cette ville n’était plus viable. Nous devions nous déplacer vers le sud ; il n’y avait plus aucun moyen de survivre à Gaza avec nos cinq enfants.

Plus tard dans la soirée, alors que je préparais le couchage de mes enfants, j’ai entendu une grande agitation à l’extérieur de la tente. Les familles du quartier couraient et tentaient de se cacher des drones quadricoptères israéliens, qui tiraient au hasard sur tout ce qui bougeait.

Tout le monde dans le quartier a commencé à démonter ses tentes pour fuir vers le sud. Rester ici n’était plus une option et il ne restait plus beaucoup de temps.

Nous avons passé notre dernier jour à Gaza dans une maison abandonnée en face de notre tente qui avait été touchée par plusieurs balles de quadricoptères. Puis, à 16 heures, une fois la chaleur accablante retombée, nous avons entamé notre route vers le sud.

Nous n’avons pas pu emporter la plupart de nos affaires, faute de moyens de transport. Nous avons essayé à maintes reprises de trouver un moyen de transport, mais les chauffeurs ont refusé d’entrer dans l’ouest de Gaza en raison de l’intensité des bombardements.

Le pire, c’est que même si nous trouvions un moyen de transport, nous n’en avions pas les moyens. Le trajet pour une famille vers le sud coûte aujourd’hui au moins 1.500 dollars ; il coûtait au maximum 50 dollars avant la guerre.

Nous n’avons eu d’autre choix que de fuir à pied. Mes enfants portaient des sacs à dos contenant de l’eau, de la nourriture et quelques vêtements, tandis que mon mari et moi emportions quelques couvertures et matelas, ainsi que notre tente usée, devenue notre abri mobile.

Le voyage a été extrêmement difficile. Destructions et décombres bordaient la route des deux côtés, tandis que des camions chargés de biens et de familles déplacées encombraient le milieu. Nous avons marché pendant sept heures sur 15 kilomètres.

Nous nous arrêtions toutes les heures pour une courte pause, manger des biscuits et boire de l’eau. Des chiens errants rôdaient sur la route, nous bloquant parfois le passage et effrayant les enfants. Les hommes les chassaient et dégageaient le passage. Des centaines de familles comme nous faisaient le même voyage vers le sud.

Ma fille aînée, Saida, 13 ans, m’a demandé : « Maman, est-ce qu’on reviendra à Gaza-ville ? » Je lui ai répondu : « Bien sûr qu’on y reviendra », même si je n’en savais absolument rien.

Des Palestiniens fuient vers le sud de Gaza-ville après des frappes aériennes israéliennes à proximité. 17 septembre 2025.

Nous sommes arrivés dans la partie ouest de Nuseirat, dans le centre de Gaza. Les frappes aériennes israéliennes en cours semblaient relativement lointaines.

 Le mari de Rasha Abou Jalal et un ouvrier creusent un trou pour des toilettes près de leur tente, faute d’infrastructures d’assainissement dans la région. 19 septembre 2025. (Photos de Rasha Abou Jalal.)

Nous avons essayé de trouver un espace libre pour installer notre tente et dormir et nous reposer, mais il n’y avait aucune place dans les centres d’hébergement. Nous n’avons eu d’autre choix que de planter notre tente dans une rue adjacente à un centre d’hébergement.

Je me suis retrouvée à vivre comme une sans-abri dans la rue, avec des véhicules passant à proximité et crachant des gaz d’échappement suffocants à quelques mètres de moi. Tout cela m’était égal. Tout ce que je voulais, à ce moment-là, c’était dormir un peu, me reposer un peu après notre voyage épuisant.

Article original en anglais sur Drop Site News / Traduction MR