Partager la publication "Israël procède à la destruction systématique des monuments historiques et du patrimoine culturel de Gaza"
EuroMed Monitor, 14 septembre 2025. – L’assaut militaire de grande envergure mené par Israël contre la ville de Gaza, marqué par des bombardements répétés et systématiques de quartiers historiques, de lieux de culte, de bibliothèques, de musées, d’archives, de cimetières, de maisons anciennes, de vieux marchés et du tissu urbain environnant, menace d’effacer ce qui reste du patrimoine matériel et immatériel de la ville dans son intégralité.
Cette destruction s’inscrit dans une politique déclarée visant à éliminer Gaza et à déplacer de force ses habitants, constituant une attaque flagrante contre les biens culturels protégés par le droit international humanitaire et la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels.
De telles actions exigent une intervention urgente de l’UNESCO et des États parties pour mettre un terme à la dévastation, documenter les dégâts, assurer la restauration, garantir l’obligation de rendre des comptes et empêcher que Gaza ne soit transformée en une terre dépouillée de sa mémoire et de son identité.
Cette attaque va bien au-delà de la mort de milliers de civils et de la destruction de leurs habitations. Elle cible délibérément les sites historiques, archéologiques, religieux et culturels de Gaza, en particulier de la ville de Gaza, dans le cadre d’une stratégie coloniale visant à effacer les symboles matériels et spirituels du peuple palestinien. Il en résulte une perte irréparable de la mémoire collective qui a façonné l’identité palestinienne pendant des siècles.
Au 18 août 2025, l’UNESCO avait déjà documenté et évalué les dommages causés à 110 sites à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Parmi ceux-ci figuraient 13 sites religieux, 77 bâtiments d’importance historique ou artistique, trois dépôts de biens culturels mobiliers, neuf monuments, un musée et sept autres sites archéologiques. L’ampleur des destructions illustre le ciblage systématique du patrimoine palestinien et la menace imminente de son effacement total.
L’escalade de la campagne militaire israélienne, qui dure depuis plus d’un mois et cherche à s’emparer de la ville de Gaza et à déplacer ses habitants, marque une étape supplémentaire vers la destruction complète des monuments de Gaza, y compris de ses zones historiques et archéologiques. Cette destruction est irréversible.
Les attaques anéantissent définitivement toute possibilité de restauration des sites endommagés et contribuent même à la destruction de ceux qui n’ont pas encore été touchés. La stratégie israélienne, qui consiste à raser des zones entières à l’aide de véhicules piégés, de bombardements aériens et d’artillerie, ainsi que de bulldozers et d’engins lourds, garantit un caractère délibéré et total de la destruction.
La vieille ville de Gaza, riche en demeures historiques, en monuments anciens tels que la Grande Mosquée Omari et l’église Saint-Porphyre, ainsi qu’en anciens marchés et en bâtiments des époques ottomane et mamelouke, est désormais exposée à un risque imminent de destruction totale sous les bombardements incessants et l’intensification attendue des opérations terrestres.
Plusieurs de ces sites ont déjà subi de graves dommages : la mosquée Omari a perdu une grande partie de sa structure, l’église Saint-Porphyre a été endommagée, et les anciens marchés et quartiers ont subi d’importantes destructions. Tout nouveau ciblage les anéantirait entièrement, éliminant toute possibilité de restauration future.

Grande mosquée Omari (2500 ans), Qasr al-Basha (800 ans) Eglise de St. Porphyre (1600 ans), Hammam al-Sammara (~1000 ans). Photos par @OmarElQattaa (cliquer ICI pour voir les photos en grand format)
Les frappes aériennes et d’artillerie israéliennes ont déjà détruit ou détérioré une grande partie de la vieille ville de Gaza, dont 146 maisons historiques, ainsi que des mosquées, des églises, des marchés et des écoles. Le site archéologique du port d’Anthedon, l’ancien port de Gaza, datant du VIIIe siècle avant J.-C. et inscrit sur la Liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO, a été détruit, tout comme le site historique de Beit al-Saqqa, dans le quartier de Shuja’iyya à Gaza, vieux de 400 ans.
D’autres monuments patrimoniaux, comme Tell Umm Amer (le monastère de Saint-Hilarion), datant du IVe siècle de notre ère, ont été gravement touchés par les bombardements et les opérations de bulldozers. L’UNESCO a inscrit ce site sur la Liste du patrimoine mondial en péril, lui accordant ainsi une protection renforcée au titre de la Convention de La Haye. Cette destruction marque une perte catastrophique de trésors culturels irremplaçables, soulignant l’ampleur de la campagne israélienne contre le patrimoine diversifié de la Palestine.
Le ciblage incessant par Israël du patrimoine culturel de Gaza, considéré comme un gardien de l’identité et de la mémoire collective, s’inscrit dans le crime plus large de génocide perpétré contre les Palestiniens. Il s’agit d’une tentative systématique de déraciner et d’effacer leur lien avec leur terre et leur histoire.
Le droit international humanitaire interdit formellement de cibler délibérément des sites culturels et religieux qui ne constituent pas des objectifs militaires légitimes. Cette protection est une pierre angulaire de la coutume internationale, codifiée dans la Convention de La Haye de 1954 et son Deuxième Protocole de 1999. Cibler et détruire des sites du patrimoine culturel constitue un crime de guerre au sens du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, une violation directe de la Convention de La Haye, et représente aujourd’hui une dimension centrale du génocide perpétré contre les Palestiniens, utilisé comme outil pour effacer leur identité et leur mémoire collective, parallèlement aux massacres, aux déplacements forcés et aux destructions généralisées.
Les sites culturels et historiques de Gaza font partie intégrante du patrimoine mondial. Ils appartiennent non seulement aux Palestiniens, mais à l’humanité tout entière. Leur destruction exige une action urgente de la communauté internationale et de ses agences spécialisées afin de sauvegarder ce patrimoine culturel et de tenir Israël responsable de ses violations, qui constituent des crimes internationaux au regard du droit pénal international.
La destruction continue de ces monuments signifie non seulement la perte de patrimoine matériel et de pierre, mais aussi l’effacement de l’identité palestinienne et la rupture des liens des Palestiniens avec l’histoire et la civilisation. Il s’agit d’une atteinte systématique à la mémoire collective et au droit des générations futures à préserver leur héritage culturel et humain.
Les Nations Unies et l’UNESCO doivent agir immédiatement pour protéger les biens culturels de Gaza, en plaçant les sites menacés sous protection internationale d’urgence. Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale devrait inclure ces crimes dans son enquête en cours sur la situation en Palestine.
Les États, individuellement et collectivement, doivent remplir leurs obligations légales en prenant immédiatement des mesures pour mettre fin au génocide à Gaza sous toutes ses formes. Ils doivent adopter des mesures efficaces pour protéger les civils palestiniens, garantir le respect par Israël du droit international et des décisions de la Cour internationale de Justice, et garantir l’obligation de rendre des comptes pour ses crimes. Les mandats d’arrêt déjà émis par la CPI contre le Premier ministre et l’ancien ministre de la Défense israéliens doivent être exécutés dans les meilleurs délais, et de nouveaux mandats doivent être émis et exécutés afin de traduire les auteurs de ces crimes devant la justice internationale.
La communauté internationale doit également imposer des responsabilités à Israël par le biais des tribunaux nationaux et internationaux, et prendre des sanctions économiques, diplomatiques et militaires, notamment l’interdiction des ventes d’armes et de biens à double usage, la suspension de la coopération politique, financière et militaire, le gel des avoirs des responsables, l’interdiction de voyager et la suspension des accords commerciaux qui procurent à Israël des avantages lui permettant de perpétuer ses crimes. Une action immédiate est nécessaire pour s’attaquer aux causes profondes des souffrances et de l’oppression du peuple palestinien depuis 77 ans. Cela implique de garantir son droit à vivre dans la liberté et la dignité, d’assurer son autodétermination conformément au droit international, de mettre fin à l’occupation et à la colonisation illégales d’Israël, de démanteler son système d’apartheid, de se retirer complètement du territoire palestinien occupé de 1967, de lever le blocus illégal de Gaza, de traduire les responsables en justice et de garantir le droit des victimes à la justice et à réparation.
Article original en anglais sur EuroMed Monitor / Traduction MR