Les forces israéliennes collectent les informations personnelles de militants étrangers en Cisjordanie

Quds News Network, 25 mars 2022. Les forces d’occupation israéliennes opérant dans les collines du sud d’Hébron, en Cisjordanie, recueillent des informations personnelles sur les militants des droits de l’homme originaires d’Europe.

Un soldat israélien prend une photo lors d’une action de solidarité dans le village d’al-Mufaqara, dans le sud des collines d’Hébron, en Cisjordanie, le 2 octobre. (Keren Manor ActiveStills)

Selon des images obtenues par le groupe anti-occupation Breaking the Silence, Haaretz rapporte que des vidéos montrent des soldats discutant du système Blue Wolf en référence à des activistes étrangers.

Le système Blue Wolf [Loup bleu, ndt], que les forces d’occupation utilisent depuis deux ans et demi, est une base de données dans laquelle sont téléchargées les coordonnées et les photos des Palestiniens, ce qui permet de les repérer et de les surveiller.

On peut entendre le coordinateur de la sécurité d’une colonie locale construite sur des terres palestiniennes dire aux soldats :

« Le commandant de la brigade m’a dit qu’il était très important de prendre des photos de leurs visages », faisant référence aux visages des militants des droits de l’homme de gauche et étrangers.

Il ajoute : « Pour qu’ils ne les laissent pas entrer à l’aéroport la prochaine fois ».

Il y a environ deux semaines, des soldats menaient des opérations près de Susya, dans les collines du sud d’Hébron.

Des militants étrangers des droits de l’homme étaient présents sur le site – principalement des Européens – pour manifester leur soutien aux agriculteurs palestiniens qui y travaillent.

Dans la vidéo, on peut entendre un soldat demander à son commandant ce qu’il en est de l’une des militantes étrangères : « Est-elle dans la base de données ? »

L’un des commandants a ordonné à un soldat portant un appareil photo numérique de photographier les femmes.

« Où est le Loup Bleu ? » a demandé un des soldats à un autre.

Et l’autre soldat a répondu : « Elles ne veulent pas être photographiées, elles ont peur des appareils ».

Parmi les militantes, certaines parlaient hébreu et ont compris la conversation entre les soldats.

Elles s’inquiétaient d’être photographiés.

« Elles nous échappent », entend-on un soldat dire à un autre lorsqu’il remarque que certaines des militantes se replient pour éviter les caméras des soldats.

« Ce sont surtout les Européennes », dit un autre soldat, qui tente alors d’approcher les militantes plus calmement et demande à l’une d’elles : « On peut vous prendre en photo ? Peut-être un selfie ensemble ? »

Le coordinateur de la sécurité de l’une des colonies voisines était sur les lieux, debout à côté des soldats, et photographiait également les militants.

L’OIF a déclaré que le coordinateur de la sécurité était effectivement connu des officiers supérieurs de la Brigade centrale et du Commandement central.

Cependant, il a refusé de révéler son identité ou celle de la colonie où il travaille.

Après que les soldats ont photographié les militants, on a entendu leur commandant demander s’il y avait des photos de tout le monde, ajoutant : « Surtout celui-là », en référence à une Américaine qui avait refusé de se faire photographier pour la base de données Blue Wolf.

« Que tous ceux qui ont pris une photo me l’envoie sur WhatsApp », ordonne le commandant. « Il faut les télécharger ».

Dans un autre incident, deux jours plus tard, on entend Maya Bickel, 23 ans, militante du Centre pour la non-violence juive, disant dans une vidéo :

« Nous sommes arrivés sur le site après qu’un berger palestinien ait dit que des soldats le faisait partir et avaient agressé sa femme. Quand nous sommes arrivés, les soldats nous ont parlé avec mépris ».

« Cette fois-ci, c’était très différent car d’habitude les soldats prennent des photos à chaque incident mais cette fois-ci, ils ont insisté pour photographier les visages. Ils ont essayé par la force de s’approcher de nos visages avec l’appareil photo ».

« La police est arrivée, nous les avions appelés et nous leur avons dit que les soldats essayaient de nous faire partir sans ordre et que le berger avait été agressé ».

« La police est arrivée tout de suite et a demandé qui est Maya, et a pris mon passeport et l’a photographié. Ils ont essayé de mettre mon numéro de passeport dans leur système et n’y sont pas parvenus, alors ils ont photographié mon passeport, et les soldats ont photographié mon visage. »

« Le commandant de la brigade d’Hébron avait demandé de prendre des photos de visages, afin qu’ils ne puissent pas entrer en Israël la prochaine fois. »

« C’était un incident très différent en termes de comportement des soldats à notre égard », a expliqué Bickel.

« J’ai eu l’impression qu’ils étaient venus pour nous chercher personnellement et non pour prendre des mesures pour ramener l’ordre… Je ne sais toujours pas si je suis dans la base de données des services de renseignement ou ce que cela signifie. »

La base de données Blue Wolf utilise une technologie de reconnaissance faciale interdite dans plusieurs pays.

Surnommé un « Facebook pour les Palestiniens », l’exécution de ce programme semble tirée d’un roman dystopique de science-fiction.

Les soldats israéliens photographient des passants palestiniens au hasard dans les rues des villages et des villes de Cisjordanie, qu’ils soient ou non soupçonnés de quoi que ce soit, et entrent leurs coordonnées dans une base de données qui conjugue la reconnaissance faciale avec leurs dossiers personnels.

En novembre, le Washington Post a publié un rapport détaillé révélant l’utilisation intensive par l’armée israélienne d’une base de données documentant les Palestiniens de Cisjordanie, mais n’a fait aucune mention de la documentation des militants des droits de l’homme ou des citoyens étrangers.

Mercredi matin, Haaretz a rapporté que les soldats de l’occupation stationnés en Cisjordanie aux postes de contrôle et aux postes de garde ont récemment reçu l’ordre (*) de leurs commandants d’introduire les coordonnées et les photos d’au moins 50 Palestiniens par équipe dans la base de données Blue Wolf.

(*) en français sur le site de l’AFPS

Article original en anglais sur Quds News Network / Traduction MR