Liban : l’effondrement silencieux des barrières à la non-normalisation

Ibrahim Al-Amine, 15 décembre 2025.– L’assassinat par Israël du commandant de la résistance Haytham Ali Tabatabai n’a fait que confirmer qu’un an plus tard, le Hezbollah a subi des pertes qui touchent profondément ses hauts gradés. Militairement, le parti s’est adapté. Politiquement, cependant, un nouveau front s’est ouvert au Liban et constitue un défi en soi.

18 décembre 2005.- Plus de 15 frappes de l’armée israélienne ont été recensées dans des zones du Sud-Liban, du fleuve Litani, et de la Bekaa. Un message du régime sioniste adressé au parlement libanais, réuni à ce moment-là, pour faire comprendre comment Israël et l’Occident libéral conçoivent la démocratie.

Le Hezbollah évite toujours toute confrontation interne, sachant que de nombreuses forces politiques libanaises cherchent à détourner l’attention de l’occupation vers un conflit intérieur. Mais cette retenue a ses limites. La pression s’accroît à mesure que des forces influentes au sein de l’État s’emploient ouvertement à satisfaire les exigences américaines et saoudiennes, tandis que les alliés d’Israël lèvent leurs dernières hésitations quant à la déclaration ou à la concrétisation de leurs relations avec Tel-Aviv.

Ce qui apparaît comme des gestes individuels ou imprudents en faveur de la normalisation est devenu une orientation politique coordonnée. Avec le soutien des États-Unis, des efforts sont déployés pour consolider la normalisation et réviser les lois criminalisant tout contact avec Israël.

Ceux qui œuvrent dans ce sens se répartissent en deux groupes : l’un, idéologiquement attaché à la normalisation, et l’autre, cherchant à convaincre Washington de sa détermination à affronter le Hezbollah s’il obtient le contrôle total de l’État. Leur point commun ? L’idée qu’aucune résistance populaire ou politique sérieuse ne subsiste pour entraver cette trajectoire.

Ils puisent leur confiance dans la réaction discrète suscitée par les rencontres publiques avec des responsables israéliens à l’étranger et par la présence de personnalités israéliennes sur les plateformes médiatiques libanaises. Ils en concluent que leurs actions resteront sans réponse, ce qui les encourage à aller plus loin.

Ce défi ne concerne pas uniquement le Hezbollah. Il concerne tous ceux qui croient encore à la résistance à l’occupation et au rejet de la normalisation. Pourtant, on observe peu de signes de réponse politique organisée. Le pouvoir judiciaire demeure paralysé, subordonné à une autorité politique qui sous-estime, voire ignore, les conséquences de ce changement.

Parallèlement, Israël reste concentré sur le Hezbollah. Les services de renseignement israéliens ne se contentent pas de suivre les activités du parti depuis la guerre, mais tentent également d’anticiper sa prochaine phase. Dans ce contexte, l’incertitude règne.

Depuis des mois, même les proches du Hezbollah n’ont pas réussi à obtenir de réponses claires sur les activités du parti. Les affirmations péremptoires des médias quant à son orientation sont donc peu fiables.

Néanmoins, le contexte général exerce une pression sur le parti. La capacité d’Israël à infliger de lourdes pertes ces deux dernières années, conjuguée au silence du Hezbollah concernant les enquêtes internes, a contribué à alimenter le discours israélien de contrôle.

Or, il est largement admis que la donne ne peut changer que par des actions contraignant Israël à reconsidérer son agression. C’est précisément pourquoi Israël s’attache non seulement à entraver la reconstruction du Hezbollah, mais aussi à préserver sa capacité de frappe préventive.

Au sein du Hezbollah, le silence s’installe. L’ambiguïté stratégique d’antan a fait place à une opacité quasi totale. Cette situation complique la planification israélienne et pèse sur la base du parti. Ses partisans comprennent que la dissuasion ne peut être rétablie sans une confrontation avec Israël, malgré la montée des pressions internes.

Il ne faut cependant pas s’attendre à un revirement spectaculaire sur le plan intérieur. Le Hezbollah ne considère pas le gouvernement actuel comme un allié, mais n’a aucune intention de l’abandonner pour le moment. Les raisons sont stratégiques, la principale étant la décision imminente concernant la tenue des élections législatives en mai.

Ces élections constitueront un test crucial. La pression américano-saoudienne s’intensifie pour bloquer toute personnalité disposée à coopérer électoralement avec le Hezbollah, en particulier parmi les figures chiites proches du président du Parlement, Nabih Berri.

Le Hezbollah reste confiant dans la solidité de son noyau dur de soutien. L’incertitude réside ailleurs : dans l’absence, jusqu’à présent, d’un cadre politique clair définissant comment le parti entend aborder la prochaine phase – au sein de l’État, au Parlement et sous une pression extérieure soutenue.

Article original en anglais sur Al-Akhbar / Traduction MR

La version anglaise de cet article est une traduction remaniée d’un article initialement publié en arabe.