Le pari diplomatique sur un État palestinien n’offre aucune sécurité aux Palestiniens

Ramona Wadi, 3 juin 2025. – Après l’annonce par la France de son intention de reconnaître un État palestinien, Israël et les États-Unis ont fait pression contre cette possibilité. La France et l’Arabie saoudite doivent accueillir un sommet sur l’État palestinien à l’ONU en juin. Ce sommet s’appuie sur la résolution 79/81 de l’Assemblée générale des Nations Unies et vise à « tracer une voie irréversible vers le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États ».

Entre checkpoints (croix rouges) et colonies israéliennes (triangles bleus), ce qui reste de la Cisjordanie occupée pour un Etat palestinien.

Les derniers commentaires absurdes ont été tenus par l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee. « Si la France est vraiment déterminée à voir un État palestinien, j’ai une suggestion à lui faire : qu’elle prenne un morceau de la Côte d’Azur et crée un État palestinien. » La France, a déclaré Huckabee, n’a pas le droit « d’exercer une telle pression sur une nation souveraine ». L’idée que la France reconnaisse un État palestinien, a-t-il déclaré, est « révoltante ».

Alors que la France se concentre sur la catastrophe humanitaire à Gaza, moyen sûr pour les dirigeants occidentaux de s’attaquer aux violations du droit international tout en éludant la nécessité de mettre fin au génocide israélien, le ministère israélien des Affaires étrangères a accusé Macron de mener une « croisade contre l’État juif ».

Lors d’une visite à Singapour, Macron a évoqué la possibilité d’appliquer des sanctions contre les Israéliens si la catastrophe humanitaire à Gaza n’était pas inversée. Depuis le début de ses opérations, le Fonds humanitaire pour Gaza (GHF) a été davantage associé aux massacres de Palestiniens qu’à l’aide humanitaire.

Fidèle à ses habitudes, Israël a menacé d’annexer la Cisjordanie occupée si davantage de pays reconnaissaient l’État palestinien. Pour un gouvernement qui prétend mépriser les prétendues actions unilatérales, même si ces actions sont le fruit de décennies de discussions et appliquées si tardivement qu’elles ne sont que symboliques, les responsables israéliens considèrent que ces actions unilatérales sont justifiées de leur côté.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a précisé que la France soutenait un État palestinien démilitarisé. « C’est dans l’intérêt des Israéliens et de leur sécurité », a-t-il ajouté. « La seule alternative à l’état de guerre permanent. »

Cette précision, bien que formulée à plusieurs reprises par d’autres dirigeants occidentaux, est importante. Un État palestinien démilitarisé, jusqu’à présent au mieux symbolique et au pire hypothétique en raison du colonialisme israélien, ne signifierait toujours pas une véritable indépendance vis-à-vis d’Israël.

Bien que le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, se soit opposé aux déclarations de la France, déclarant : « Vous ne déciderez pas à la place des Israéliens de leurs intérêts », il faut dire que la France, comme d’autres pays occidentaux, défend les intérêts d’Israël. Si la France avait à cœur les intérêts des Palestiniens, elle appellerait à la décolonisation.

Dans toute cette débâcle diplomatique, les Palestiniens sont encore loin de l’équation. L’attitude dédaigneuse de Huckabee à l’égard d’un État palestinien – le créer sur la Côte d’Azur – signale une position qui rayera les Palestiniens de toute discussion sur la reconnaissance. Après tout, c’est du colonialisme, refuser aux peuples colonisés le droit de s’exprimer.

Et en se concentrant uniquement sur les relations politiques entre Israël, les États-Unis et les pays susceptibles de reconnaître un État palestinien, les exigences israéliennes restent prioritaires. Même sans les menaces israéliennes, il n’en demeure pas moins que l’établissement d’un État palestinien relève de négociations entre des pays qui soutiennent Israël à des degrés divers, tandis qu’Israël a revendiqué son statut d’État colonial sur les décombres de la Nakba palestinienne. Ni les commentaires puérils de Huckabee, ni les tentatives renouvelées de Macron de jouer un rôle de médiateur ne peuvent changer les faits. Un État palestinien sans la participation des Palestiniens restera toujours hypothétique ou symbolique. Il n’est donc pas étonnant que le monde assiste à un génocide.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR