Israël cherche un cessez-le-feu qui garantisse la libération de ses prisonniers mais maintienne le génocide de Gaza

Motasem A. Dallul, 2 juin 2025.- Dans le cadre des initiatives supposées mettre fin au génocide sans précédent perpétré en direct par les forces d’occupation israéliennes à Gaza, l’administration Trump a recruté l’homme d’affaires palestino-américain Bishara Bahbah pour promouvoir la proposition de cessez-le-feu présentée par Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président pour le Moyen-Orient.

Cette proposition prévoyait initialement la libération de près de la moitié des prisonniers israéliens à Gaza en échange d’un cessez-le-feu temporaire de 60 jours et de l’acheminement de l’aide humanitaire vers la population affamée de la bande de Gaza assiégée.

Il faut noter qu’Israël a rompu le précédent accord de cessez-le-feu le 2 mars en bloquant l’entrée de marchandises, de tentes, de mobil-homes et d’équipements lourds destinés à la réouverture des rues et au déblayage des décombres. Il a également repris ses attaques brutales contre la population civile le 18 mars. Par ailleurs, il a annoncé un plan de réoccupation de 75 % de Gaza et de création de trois camps de concentration pour les habitants de l’enclave. Dans ce contexte, le ministre israélien des Finances a déclaré qu’Israël prévoyait de réoccuper Gaza et de reconstruire les colonies démantelées par l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon en 2005. Quant au ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, il a qualifié les négociations de cessez-le-feu actuelles de perte de temps pour l’armée d’occupation israélienne, qui doit être autorisée à « terminer le travail ».

Après la libération du soldat israélien Eden Alexander, citoyen américain, en signe de bonne volonté envers Trump, Bahbah, agissant en tant que médiateur aux côtés du Qatar et de l’Égypte, a poursuivi les discussions de cessez-le-feu avec le Hamas sur la base de la proposition de Witkoff.

Après de longues négociations, le Hamas a accepté le principe, mais a insisté sur des amendements cruciaux : la fin du génocide, un accès humanitaire sans restriction et la libération des prisonniers palestiniens exposés à la torture et aux mauvais traitements dans les prisons israéliennes. Dès l’annonce par Bahbah de l’acceptation par le Hamas du projet amendé, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou – qui fait l’objet de mandats d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre présumés à Gaza – a dépêché à Washington son ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer. Ce dernier, négociateur en chef d’Israël, a rencontré Witkoff et révisé le projet, supprimant toutes les garanties de fin de guerre pour s’aligner sur la position de Netanyahou.

Après le retour de Dermer, les États-Unis ont présenté la proposition révisée à Israël comme si elle était nouvelle. Israël l’a rapidement acceptée, lançant un ultimatum au Hamas : accepter l’accord ou faire face à une escalade de l’agression.

Cependant, le Hamas a trouvé que la nouvelle proposition différait sensiblement de la version précédente. Elle était truffée de termes vagues et dénuée de garanties. Conscient de l’intention d’Israël de poursuivre le génocide et de déplacer de force la population de Gaza, le Hamas n’a pas rejeté catégoriquement le plan, mais a exigé des éclaircissements et la levée des ambiguïtés.

Le Hamas a demandé à Trump de garantir le respect par Israël du cessez-le-feu de 60 jours et a proposé que les prisonniers israéliens soient libérés en trois étapes : au début, à mi-chemin et à la fin du cessez-le-feu. Il a également appelé à une prolongation automatique de la trêve si un accord permanent restait en suspens.

En outre, le Hamas a exigé que l’aide humanitaire circule librement, que les hôpitaux soient reconstruits, que les réseaux d’eau et d’assainissement soient réparés, que les décombres soient déblayés, que les restrictions de mouvement interne soient levées et qu’un comité technocratique soit créé pour gouverner Gaza pendant la phase de transition.

Malgré quelques problèmes mineurs, la principale préoccupation du Hamas résidait dans la différence flagrante entre les propositions initiales et les propositions révisées. Bahbah, président d’Americans for Trump, entretient des liens étroits avec l’ancien président et n’aurait pas annoncé d’accord sans le soutien total de Trump, et probablement même de Witkoff.

Trump s’est montré optimiste vendredi, exprimant l’espoir d’un cessez-le-feu imminent et déclarant que les deux parties « veulent se sortir de ce pétrin ». Witkoff, cependant, a rejeté les amendements du Hamas, les jugeant « totalement inacceptables », offrant une couverture aux dirigeants israéliens qui lui avaient assuré qu’ils n’accepteraient aucune garantie ni ne mettraient fin au génocide.

La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré mercredi qu’Israël avait approuvé la proposition avant qu’elle ne soit soumise à nouveau au Hamas, ce qui indique que les États-Unis cherchaient à tromper le Hamas, et non à parvenir à un véritable accord. Axios a cité une source affirmant que le Hamas souhaitait que la proposition précise qu’en l’absence de cessez-le-feu permanent dans les 60 jours, le cessez-le-feu temporaire serait prolongé indéfiniment.

Netanyahou, balayant les inquiétudes légitimes du Hamas, a accusé le groupe de « rejet » et de platitudes répétées sur le retour des otages et la défaite du Hamas – une rhétorique largement critiquée comme étant fallacieuse. Netanyahou ignore que le Hamas a proposé à plusieurs reprises de libérer tous les prisonniers israéliens en échange de la fin définitive du génocide. L’approche d’Israël peut se résumer ainsi :

  • Suspendre le génocide pendant 60 jours.
  • Obtenir la libération de tous les prisonniers israéliens.
  • Reprendre les massacres et le nettoyage ethnique.

La position d’Israël est non seulement déraisonnable, mais aussi moralement indéfendable. Que les dirigeants mondiaux continuent de lui fournir des armes et un soutien politique – tout en exigeant la libération de 58 prisonniers israéliens, mais en ignorant les 14.000 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, dont beaucoup sont enterrés dans des cimetières secrets – est un scandale d’ampleur mondiale.

Leurs condamnations tièdes et leurs appels creux à l’aide humanitaire sont loin d’être suivis d’effets. Ils refusent même de nommer l’atrocité : le génocide. Au lieu de cela, ils présentent Israël, doté de l’arme nucléaire, comme menacé existentiellement par une résistance assiégée utilisant des armes rudimentaires pour combattre une occupation illégale.

La revendication du Hamas – mettre fin au génocide – n’est pas propre à ce mouvement. C’est la revendication de chaque Palestinien et de chaque personne de conscience à travers le monde.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR