DeepSeek et la place Tiananmen

Alon Mizrahi, 31 janvier 2025. A moins que vous n’ayez dormi au fond des bois, vous n’avez pas pu manquer le lancement de DeepSeek, la première IA de Chine (si vous avez dormi au fond des bois, beaucoup vous envient, j’ose dire ; ce n’est pas facile d’être éveillé actuellement).

2003, Deuxième Intifada en Palestine occupée (photo AFP)

Comme on pouvait s’y attendre, la première chose que l’Occident a faite en réponse à la percée chinoise, qui a détrôné sans ménagement les États-Unis (lire : la suprématie blanche incarnée) de leur exclusivité imaginaire en matière d’IA, a été de tomber dans une petite panique boursière, puis d’interroger DeepSeek sur les événements de la place Tiananmen, 1989.

Il n’est pas nécessaire de faire une analyse historique complète du mouvement de protestation de 1989 en Chine, et je ne suis pas qualifié pour en fournir une. Alors, suivons le récit largement accepté et très général : les jeunes chinois réclamaient plus d’ouverture et de libéralisation ; le gouvernement chinois a refusé d’accéder à leurs demandes, des violences ont éclaté et un certain nombre de personnes (quelques dizaines à quelques centaines au total, selon les sources les plus fiables) ont été blessées et tuées.

La Chine a pris une direction différente de celle souhaitée par les manifestants. Et on nous dit (nul autre que nos chers médias génocidaires) que le fait que DeepSeek donne une version des événements de 1989 qui ne reflète pas la perspective occidentale est une preuve suffisante que la Chine est une triste et mauvaise tyrannie.

Quel dommage que la place Tiananmen n’est pas marqué le début d’une nouvelle Chine, n’est-ce pas ? C’est le récit qu’on nous a raconté toute notre vie. Quelle opportunité manquée, n’est-ce pas ?

Au contraire, dis-je. Nous avons tellement de chance, si l’on regarde l’histoire, que la Chine ait réprimé le mouvement de protestation de la place Tiananmen à temps.

Imaginez où la Chine et l’humanité seraient aujourd’hui si les États-Unis avaient réussi à installer l’équivalent chinois du Zelensky ukrainien ou du Al-Jolani syrien à Pékin en 1989 ; pensez au nombre de millions de Chinois qui seraient morts de faim, seraient restés dans la pauvreté et auraient perdu la chance de vivre décemment.

Combien de ponts n’auraient pas été achevés, de routes n’auraient pas été pavées, de progrès sociaux et technologiques n’auraient pas été réalisés, d’usines n’auraient pas été ouvertes et de villes, d’écoles et d’infrastructures publiques n’auraient pas été construites et développées si la Chine avait sombré dans des décennies d’instabilité, sans aucun doute utilisée par les puissances occidentales pour l’exploiter et la corrompre au-delà de toute réparation ?

Alors que la Chine fait des progrès incroyables en matière de technologie et de services publics pour son peuple (et, contrairement aux États-Unis, sans détruire sa classe ouvrière, mais plutôt en la construisant), nous devrions être très, très reconnaissants que la Chine ait pris la bonne décision et n’ait pas suivi le chemin de la ruine assurée emprunté par d’autres pays « libérés » et « démocratisés » par les puissances coloniales occidentales.

Sérieusement, imaginez où nous en serions sans contre-pouvoir face à l’impérialisme occidental. La Chine en tant que « démocratie » du tiers-monde, violente, brisée, en conflit interne, approuvée par les États-Unis, pouvez-vous imaginer l’horreur ? Vous rendez-vous compte de ce dont ils se sont sauvés (et nous avec) ?

Oh, et à propos de la censure : ce que l’Occident a fait à Gaza et à propos de Gaza – le génocide lui-même ainsi que l’application, l’intimidation et la coercition dystopiques – est 100 fois pire que ce que la Chine a fait à Tiananmen et à propos de lui.

Après Gaza, aucun pays occidental n’a le droit de critiquer qui que ce soit sur quoi que ce soit dans toute l’histoire. On ne pourra pas l’entendre.

Ils ne s’en rendent pas compte, mais l’ère de la domination occidentale mondiale est révolue. Demandez à DeepSeek. Il vous le dira.

Source : Blog Alon Mizrahi / Traduction MR