« Nettoyer » Gaza : pourquoi la proposition de transfert « volontaire » de Trump devrait être faite aux Israéliens

Joseph Massad, 29 janvier 2025. Alors qu’Israël poursuit ses bombardements meurtriers sur le camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie, il a expulsé 15.000 Palestiniens au cours de la seule semaine dernière et démoli des dizaines de leurs maisons.

Pendant ce temps, le président américain Donald Trump, en violation du droit international, a proposé ce week-end de « nettoyer » la bande de Gaza dévastée en expulsant 1,5 million de ses habitants palestiniens – qui viennent de survivre au génocide israélien – vers l’Égypte, la Jordanie ou même l’Indonésie, un chiffre 100 fois supérieur au nombre de personnes expulsées de Jénine.

La proposition d’expulsion illégale de Trump n’est guère nouvelle, mais plutôt la continuation d’une politique occidentale clandestine mise en oeuvre il y a 15 mois.

En octobre 2023, peu après avoir lancé sa campagne d’extermination à Gaza, Israël a exigé l’expulsion des Palestiniens vers le Sinaï égyptien.

Le président de l’époque, Joe Biden, et ses alliés arabes ont rapidement commencé à travailler sur un plan pour répondre aux souhaits d’Israël. Cependant, le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi a rejeté la proposition, suggérant que les Palestiniens déplacés soient relocalisés dans des zones à l’intérieur d’Israël plutôt que dans le Sinaï.

À la recherche de destinations potentielles pour les Palestiniens qu’Israël et l’Occident cherchaient à expulser, les Américains et les Européens ont négocié avec plusieurs pays africains, dont le Congo, ainsi qu’avec le Canada, et ont même évoqué l’idée de l’Arabie saoudite.

« Solution raisonnable »

Trump a justifié sa proposition, qui viole le droit international, par le fait qu’il « préférerait s’impliquer auprès de certains pays arabes et construire des logements dans un autre endroit où ils pourraient peut-être vivre en paix pour changer », ajoutant que cette relocalisation pourrait être « temporaire ou à long terme ».

Ce prétendu désir de voir les Palestiniens « vivre en paix » après leur expulsion de leur patrie, permettant ainsi la colonisation juive illégale et le vol de terres, fait écho aux propositions israéliennes d’octobre 2023.

Ces propositions présentaient le nettoyage ethnique prévu par Israël des Palestiniens de Gaza et leur éventuelle expulsion vers le Sinaï égyptien comme une solution positive et raisonnable. Ils décrivaient même le Sinaï comme « l’un des endroits les plus appropriés sur Terre pour offrir au peuple de Gaza de l’espoir et un avenir pacifique ».

Hélas, un tel plan n’apportera la paix ni aux Palestiniens ni aux Israéliens.

Cependant, si Israël se conformait au droit international et aux résolutions de l’ONU, et si Trump « s’impliquait » auprès d’Israël – plutôt qu’auprès des pays arabes – et l’obligeait à rapatrier tous les réfugiés palestiniens qu’il a expulsés depuis 1948, en les renvoyant dans les maisons qu’Israël occupe aujourd’hui illégalement avec des colons juifs, alors une paix véritable et durable pourrait être obtenue.

Si Trump voulait vraiment que les gens « vivent en paix pour une fois », il pourrait pousser Israël à « construire des logements » pour les Palestiniens sur leurs terres d’origine – dans les villages et les villes qu’Israël a détruits – se conformant ainsi au droit international.

Quitter Israël

Il est intéressant de noter qu’aucun gouvernement arabe n’a suggéré que les pays africains, le Canada, ou même les États-Unis ou l’Europe devraient devenir des destinations pour les Juifs israéliens fuyant la destruction dans certaines parties d’Israël depuis octobre 2023.

Les données officielles ont montré que 82.000 Juifs israéliens ont déjà quitté le pays depuis le début de la guerre génocidaire d’Israël, avec des estimations officieuses évoquant un nombre plus proche d’un demi-million.

Il est certain que beaucoup plus d’Israéliens accueilleraient favorablement l’opportunité de « vivre en paix pour changer », comme l’a dit Trump, aux États-Unis et dans d’autres pays.

Trump pourrait convaincre ces gouvernements de les accueillir comme réfugiés, d’autant plus qu’environ un million d’Israéliens détiennent déjà des passeports américains et européens et n’auraient pas besoin du statut de réfugié.

Entre 1948 et 2015, le gouvernement israélien affirme que 720.000 Israéliens – principalement des colons juifs et leurs descendants – ont émigré vers des pays plus pacifiques et ne sont jamais revenus en Israël.

En décembre 2022, le journal israélien Maariv a fait état de l’émergence d’un nouveau mouvement visant à faciliter l’émigration des Israéliens vers les États-Unis.

Formé à la suite des élections israéliennes, il considérait l’arrivée au pouvoir de Benjamin Netanyahu et de sa coalition fanatique comme une modification de la relation de l’État sioniste à la religion.

Le groupe, qui s’appelle « Quitter le pays – ensemble », a présenté des plans pour déplacer 10.000 Israéliens dans un premier temps. Parmi ses dirigeants figurent l’activiste anti-Netanyahu Yaniv Gorelik et l’homme d’affaires israélo-américain Mordechai Kahana.

En effet, il est urgent que Trump offre un refuge aux centaines de milliers d’Israéliens déplacés par les bombardements dans le nord et dans ce qu’on appelle l’enveloppe de Gaza.

Beaucoup ont refusé de retourner dans leurs colonies en raison de problèmes de sécurité et restent réfugiés dans d’autres parties d’Israël.

Eux, comme ceux qui ne se sentent plus à l’abri des missiles qui frappent périodiquement Tel-Aviv et ses environs, accueilleraient avec plaisir une offre américaine, européenne ou canadienne de refuge, avec logement gratuit, afin qu’ils puissent eux aussi « vivre en paix pour changer ».

Contre-proposition

Peut-être que le roi Abdallah II de Jordanie et le président Sissi d’Égypte, qui ont tous deux rejeté la proposition de Trump d’accueillir les Palestiniens expulsés, pourraient faire une contre-proposition consistant à offrir un refuge aux Israéliens déplacés.

Une telle proposition refléterait leur propre désir de voir les Israéliens déplacés « vivre en paix ».

De même, l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis pourraient se porter volontaires ou être encouragés à financer l’émigration des Israéliens et à leur fournir un logement dans leur « ancienne/nouvelle » patrie, ou ce que le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, appelait « Altneuland ».

Il ne s’agit pas d’une solution utopique et farfelue à l’état de guerre permanent imposé à l’ensemble du Moyen-Orient par Israël depuis son établissement en tant que colonie de peuplement juive sur des terres palestiniennes volées en 1948.

Au contraire, permettre aux réfugiés palestiniens de retourner sur la terre d’où ils ont été expulsés serait une application juste et raisonnable du droit international.

Les Israéliens qui ne se sentent plus en sécurité sur les terres palestiniennes volées pourraient alors se déplacer vers des pays qui les accueilleraient à bras ouverts, leur offrant le logement, la sécurité et la paix auxquels ils aspirent tant.

Y a-t-il des preneurs parmi vous ?

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR