Partager la publication "Cessez-le-feu à Gaza : la course de l’AP pour faire ses preuves auprès de Trump alors que ses rivaux s’alignent"
Joseph Massad, 16 janvier 2025. Ces dernières semaines, de nombreux Arabes ont été choqués et effrayés par la campagne répressive brutale baptisée « La protection de la patrie » que l’Autorité palestinienne (AP) a lancée contre les résistants palestiniens à l’occupation israélienne en Cisjordanie.
Devant l’échec final de la campagne, les Israéliens sont intervenus à nouveau cette semaine en bombardant le camp de réfugiés de Jénine, tuant au moins 12 Palestiniens.
Avant les frappes israéliennes, les forces de l’AP avaient déjà tué 10 Palestiniens, dont deux enfants, et en avaient blessé de nombreux autres. Elles ont arrêté et torturé des dizaines de personnes, en livrant un grand nombre aux forces d’occupation israéliennes, incendié des maisons et détruit des routes.
Elles assiègent actuellement le camp de réfugiés de Jénine, qui avait été attaqué avant la campagne de l’AP par l’armée israélienne, qui n’a pas réussi à réprimer les résistants du camp.
Les Israéliens ont commis un massacre en 2002 dans le camp pour écraser sa résistance, et ont tué des dizaines d’habitants.
Imitant fièrement la pratique israélienne habituelle, l’AP bloque la livraison de nourriture et de médicaments aux résidents du camp.
Elle a également tué la jeune journaliste palestinienne Shatha Sabbagh (ce que l’AP nie, bien qu’elle soit accusée par la famille de la jeune journaliste de son meurtre) et arrêté le médecin responsable du service des urgences de l’hôpital de Jénine, Qasim Bani Ghura, qu’elle soumet actuellement à la torture.
Pendant ce temps, malgré la démission et l’opposition de quelques responsables de l’Organisation de libération de la Palestine et de l’AP en signe de protestation, les mercenaires de l’AP poursuivent une autre campagne de répression à Naplouse et à Tulkarem, soutenus par l’armée d’occupation israélienne.
Mais ce n’est pas nouveau.
L’Autorité palestinienne a été créée par Israël et Yasser Arafat dans le sillage des accords d’Oslo, précisément comme un appareil répressif sous-traité par Israël pour réprimer toute résistance à l’occupation israélienne – une tâche qu’il n’a jamais hésité à accomplir.
Répression brutale
Parmi les épisodes les plus illustres de la répression brutale de l’AP figurent l’enlèvement, la torture et le meurtre du dissident palestinien Nizar Banat par ses forces de sécurité en 2021 et la répression de toute manifestation pacifique contre sa collaboration avec Israël.
Beaucoup accusent le président non élu de l’AP Mahmoud Abbas d’être responsable de la répression comme s’il en était le premier instigateur.
Ils soulignent sa défense infâme de la « coordination sécuritaire » de l’AP avec Israël comme étant « sacrée », oubliant le bilan d’Arafat dans la répression des Palestiniens résistants depuis son arrivée à Gaza en 1994.
En novembre 1994, la police d’Arafat a effectivement tué au moins 13 Palestiniens non armés et en a blessé 200 autres pour avoir manifesté contre les accords d’Oslo.
Au début de l’année 1995, lors d’une visite à Gaza, le vice-président américain de l’époque, Al Gore, a félicité Arafat pour avoir établi des tribunaux militaires pour juger les Palestiniens opposés à Oslo.
Les accords d’Oslo ont été suivis par l’accord du Caire de mai 1994, qui a créé la force de police palestinienne de 9.000 hommes dont la tâche principale était de « prévenir le terrorisme contre les Israéliens dans les zones sous leur contrôle ».
Ce dispositif de « sécurité » a été renouvelé et étendu dans l’accord d’Oslo II de septembre 1995, célébré à Washington, DC, et béni par le président de l’époque, Bill Clinton, et l’ambassadeur de l’UE qui présidait la cérémonie, dans lequel le régime d’apartheid israélien a sous-traité « la responsabilité de l’ordre public et de la sécurité intérieure » à la police palestinienne dans ce qui a été appelé la « zone A » de la Cisjordanie.
Hypocrisie de l’UE et des États-Unis
Les États-Unis et l’UE ont financé et formé cette force répressive et continuent de le faire.
Lorsque Banat a été assassiné en 2021, les formateurs et bailleurs de fonds de l’UE pour les assassins de Banat ont été « choqués et attristés », tandis que le département d’État américain a déclaré que Washington était « perturbé » : « Nous sommes très préoccupés par les restrictions imposées par l’Autorité palestinienne à l’exercice de la liberté d’expression par les Palestiniens et par le harcèlement des militants et des organisations de la société civile. »
Cette fois-ci, ni les États-Unis ni l’UE n’ont exprimé leur « choc » ni ne semblent avoir été « perturbés » par la répression meurtrière de l’AP qu’ils financent et appellent de leurs vœux.
À la lumière du rôle principal des États-Unis et de l’UE dans l’encouragement du génocide israélien à Gaza, il semble que les deux puissances aient abandonné leur hypocrisie d’antan.
Au cours des semaines de siège du camp de réfugiés de Jénine, l’AP a demandé davantage de fonds américains pour former ses mercenaires à réprimer le peuple palestinien. Mi-décembre, l’AP a demandé 680 millions de dollars « pour renforcer la formation de ses forces spéciales et renforcer son approvisionnement en munitions et en véhicules blindés ».
Entre-temps, les Américains ont fait pression sur les Israéliens pour qu’ils fournissent des AK-47, des munitions et des véhicules blindés aux forces de l’AP afin de poursuivre leur répression, mais les Israéliens ont refusé avec intransigeance malgré leur soutien à la répression.
Depuis le début de l’occupation britannique de la Palestine en décembre 1917, les Palestiniens ne manquent pas de collaborateurs avec les occupants étrangers de leur pays.
Ce n’est pas vraiment une exception palestinienne.
C’est la norme dans le monde colonisé – s’étendant, dans le cas des colonies de peuplement, de la Nouvelle-Zélande à l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et le Kenya, ainsi qu’à l’Afrique du Sud, la Rhodésie, la Namibie, l’Angola, le Mozambique et l’Indonésie, et dans le cas des colonies et protectorats, l’Inde, la Corée, le Vietnam, la Syrie, l’Irak, la Jordanie, l’Égypte, les Philippines, la Malaisie et d’autres.
Gaza après le Hamas
Étant donné l’intensification continue du colonialisme de peuplement sioniste et du génocide israélien contre le peuple palestinien, les États-Unis, principal sponsor de l’apartheid et de l’extermination israéliens, ont réévalué qui, parmi les nombreux collaborateurs palestiniens offrant leurs services à Israël et aux États-Unis, serait le mieux placé pour poursuivre la mission de répression de la résistance palestinienne.
Cette réévaluation a provoqué la panique dans les cercles de l’AP, qui font de leur mieux pour impressionner la nouvelle administration de Donald Trump et montrer qu’ils sont à la hauteur de la tâche.
Trump, comme le président Joe Biden, reste cependant indécis et envisage d’autres plans, notamment la mise à l’écart totale de l’AP et son remplacement par les Émirats arabes unis et les Palestiniens qui lui sont alliés.
Il ne semble pas encore y avoir d’accord final entre les différentes élites et décideurs américains quant aux Palestiniens qui seraient les mieux placés pour occuper ce poste et quant au ou aux pays arabes qui seraient les mieux placés pour superviser leur performance avec les États-Unis et Israël.
De nombreuses options sont disponibles, dont certaines ont été proposées depuis le début du génocide israélien des Palestiniens de Gaza parrainé par les États-Unis en 2023.
La Jordanie, l’Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis, voire l’Arabie saoudite et les États-Unis ont été nommés dans divers plans comme faisant partie de l’équipe chargée de gouverner ou au moins de financer la gouvernance de Gaza avec ou sans l’AP après la défaite du Hamas par les Israéliens – un objectif militaire qui est devenu de plus en plus illusoire et tiré par les cheveux pour l’armée israélienne génocidaire.
Cela est d’autant plus évident à la lumière de la coercition exercée par l’administration Trump sur Netanyahou pour qu’il signe un accord de cessez-le-feu avec Israël.
Les Israéliens, de leur côté, se sont proposés comme l’unique gouverneur et occupant de Gaza après le Hamas.
« De meilleurs oppresseurs »
Lors de son premier mandat, Trump a clairement indiqué dans son « accord du siècle » qu’il n’était pas nécessaire qu’une classe politique palestinienne serve de trompe l’oeif à l’occupation israélienne ; tout ce dont on a besoin, c’est d’une force de sécurité palestinienne et d’hommes d’affaires palestiniens.
Après le génocide israélo-américain, Trump pourrait décider qu’il est temps d’exécuter pleinement son plan.
C’est précisément pourquoi, en prévision de son second mandat, la classe politique de l’AP est dans une course pour prouver sa valeur avant d’être expulsée une fois pour toutes.
C’est aussi pourquoi tous ses rivaux font la queue pour offrir leurs services aux États-Unis et à Israël et pourquoi de nombreux membres de l’AP se disputent pour remplacer Abbas en tant que meilleurs collaborateurs et exécuteurs de l’apartheid israélien.
Pour la classe d’affaires palestinienne, l’un des principaux bénéficiaires d’Oslo, sa collaboration avec Israël et les entreprises israéliennes au milieu du génocide en cours s’est poursuivie comme d’habitude, tout comme les plans pour tirer profit d’une Gaza post-Hamas illusoire, malgré l’accord de cessez-le-feu qui vient d’être signé.
Abbas lui-même a assisté à la réunion du Forum économique mondial en Arabie saoudite en avril 2024, également en plein génocide, pour garantir la poursuite des investissements en Cisjordanie et une Gaza post-Hamas sous le joug de l’apartheid israélien.
Certains des pays arabes alliés à Israël, les États-Unis et l’AP ont récemment envoyé des missives secrètes à l’AP, avertissant que sa campagne répressive pourrait se retourner contre elle et conduire au renversement de l’AP elle-même.
Ce sort possible, cependant, devra attendre que Trump décide quels Palestiniens (le cas échéant), compte tenu de la disponibilité d’une abondance de collaborateurs potentiels, seront choisis comme les meilleurs oppresseurs des Palestiniens au nom de l’ennemi génocidaire israélien des Palestiniens.
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR