Mohsen Mohammad Saleh, 30 décembre 2024. Aucun mouvement de libération nationale n’a été autant entravé par ses dirigeants que le peuple palestinien, en particulier sous le régime de Mahmoud Abbas. Aucune autorité, portant un nom national, n’a servi aussi efficacement l’occupation et la colonisation opprimant son peuple que l’Autorité palestinienne (AP) à Ramallah.
Le rôle fonctionnel de l’AP a atteint un niveau sans précédent de mépris et de colère populaire, une écrasante majorité palestinienne exprimant sa méfiance envers le président Abbas et demandant sa démission (90 % de la population de Cisjordanie, où il gouverne, soutient son départ). En outre, une partie importante de la population palestinienne rejette le processus de paix et plaide même pour la dissolution de l’AP.
L’AP exécute actuellement, dans l’esprit du « Si tu n’as pas honte, fais ce que tu veux », un programme israélo-américain en essayant d’imposer les politiques de l’occupation au camp de réfugiés de Jénine. Ce faisant, Israël accomplit effectivement ce qu’il n’a pas réussi à faire ces dernières années : éliminer et désarmer la résistance tout en ramenant le camp de réfugiés de Jénine dans le giron de l’AP.
Abbas a donné des ordres stricts à ses commandants de sécurité pour lancer une opération visant à prendre le contrôle de Jénine et du camp, avertissant que quiconque violerait ces ordres serait renvoyé. Sur un enregistrement audio qui circule sur les réseaux sociaux, on entend un officier de sécurité de l’AP parlant dans un langage familier, déclarant que, selon les instructions de « M. le Président » et des commandants de sécurité, il n’y aura pas de retrait du camp de Jénine tant que les têtes des jeunes de la résistance et les cous de leurs familles ne seraient pas piétinés, et que le camp ne serait pas complètement démilitarisé. Notamment, l’officier sous-entend qu’un retrait sans atteindre cet objectif signifierait la fin de l’AP !! C’est peut-être ce que les Israéliens et les Américains ont suggéré à l’AP.
L’escalade sécuritaire a fait des victimes des deux côtés palestiniens et a alimenté la colère publique généralisée envers l’AP. Même de nombreux employés des forces de sécurité, malgré leur affiliation à l’AP et leur alignement sur sa position politique et sécuritaire, n’ont trouvé aucune logique dans ses actions. Des sources de la Résistance ont fait état de fuites suggérant que l’AP avait arrêté 237 militaires qui refusaient de participer à l’opération de Jénine, bien que cette information n’ait pas été confirmée par d’autres sources.
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Le plan mis en œuvre par l’AP à Jénine et son camp de réfugiés découle du sommet d’Aqaba du 26/2/2023, qui a réuni l’AP, Israël, la Jordanie, l’Égypte et les États-Unis, ainsi que du sommet de Charm el-Cheikh du 19/3/2023, auquel les mêmes parties étaient présentes. Les discussions ont porté sur un plan de sécurité américain, supervisé par le général Michael Fenzel, qui propose de former environ cinq mille agents de sécurité palestiniens en Jordanie sous la supervision des États-Unis pour aider à contrôler Jénine et Naplouse.
Il semble que la mise en œuvre du plan ait été reportée, peut-être pour laisser le temps aux éléments nécessaires d’être formés. L’opération Déluge d’Al-Aqsa et les défis qu’elle a imposés semblent avoir contribué à ce retard, dans l’attente de conditions plus favorables. Cependant, la prolongation de la bataille, couplée à la victoire de Trump à l’élection présidentielle américaine et à sa prise de pouvoir imminente, a incité l’AP à présenter ses « références » comme « dignes de la confiance des États-Unis », signalant sa capacité à soumettre le peuple palestinien.
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Pour Israël, la principale justification de l’existence de l’AP est son rôle sécuritaire. L’ancien ministre israélien des Affaires étrangères Yair Lapid, lors de son mandat en septembre 2021, a déclaré que 90 % des relations d’Israël avec l’AP concernaient la coordination sécuritaire. Cette position reflète les perspectives politiques, sécuritaires et militaires plus larges d’Israël. Alors que la vision de Lapid représente le « centre » politique israélien, l’extrême-droite, menée par le Likoud et les sionistes religieux sous la direction de Smotrich et Ben-Gvir, préconise soit de transformer l’AP en un « agent à part entière travaillant pour Israël », semblable à « l’armée d’Antoine Lahad », soit de la démanteler en six ou sept cantons en Cisjordanie occupée, chacun servant les besoins sécuritaires de l’occupation.
L’AP a perdu sa voie et son sens de la responsabilité nationale, n’ayant pas saisi toutes les implications de l’opération Déluge d’Al-Aqsa. Elle n’a pas réussi à faire face à la brutalité, aux massacres, à la destruction et à la famine infligés par l’occupation israélienne, qui déverse sa haine et son racisme sur le peuple palestinien de la bande de Gaza. En outre, l’AP a réprimé les expressions de soutien populaire en Cisjordanie occupée à la Bande de Gaza et à la résistance. Elle a ignoré les sentiments de l’écrasante majorité des Palestiniens, qui soutiennent la résistance, rejettent les accords d’Oslo et la coordination sécuritaire, et exigent la démission d’Abbas.
L’AP est le témoin direct de la façon dont Israël sape systématiquement son autorité en confisquant et en judaïsant des terres et des lieux saints, et de la façon dont les dirigeants du gouvernement ont déclaré la fin des accords d’Oslo, la disparition de l’État palestinien et leur intention d’annexer la majorité de la Cisjordanie occupée. Cette AP se coordonne avec les États-Unis pour obtenir une assistance militaire afin de réprimer la résistance à Jénine, où, selon Axios, « cette opération est un moment décisif pour l’Autorité palestinienne », a déclaré un responsable palestinien. Il semble que l’AP soit engagée dans une course contre la montre pour justifier son existence à la fois auprès de l’occupation et de la nouvelle administration Trump, qui, selon elle, pourrait adopter une position israélienne extrême sur l’annexion des zones C, qui représentent 60 % de la Cisjordanie occupée, mettant ainsi fin au rôle de l’AP. Cela est particulièrement inquiétant car Trump a montré peu d’égards pour les accords d’Oslo ou le processus de paix.
Conformément à la position populaire palestinienne et à la position de la plupart des factions palestiniennes, l’AP doit cesser de quémander des faveurs à Israël, ce qui la prive de son rôle national et de son utilité vis-à-vis du peuple palestinien. Au lieu de cela, tant que l’AP et l’essence même de son existence sont attaquées, elle devrait se concentrer sur le renforcement de son peuple, de sa résistance et de son autonomie, tout en renforçant l’unité nationale et en consolidant les rangs palestiniens… surtout face à une occupation qui ne répond qu’au langage de la force.
Cependant, la direction de l’AP semble déterminée à mettre fin à son mandat d’une manière cohérente avec son schéma historique (au cours des 17 dernières années), en se réduisant au rôle de pire direction d’un peuple luttant pour sa libération nationale, en se retranchant dans des intérêts personnels et des luttes intestines entre factions.
Article original en anglais sur Al Zaytouna / Traduction MR