L’UNRWA, les enfants palestiniens et la diplomatie à deux États qui va à l’encontre des droits des enfants

Ramona Wadi, 10 décembre 2024. Selon ce qu’écrit le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini sur X : « Partout où nous travaillons, @UNRWA se consacre à aider les enfants à être des enfants. » Il souligne la grave perturbation de l’enseignement des enfants palestiniens à Gaza. Mais quoi qu’on en dise, le colonialisme et le génocide ne permettent pas aux enfants d’être des enfants. Opérant dans un cadre colonial, l’UNRWA mène une bataille perdue. En octobre, la Knesset israélienne a voté pour interdire à l’organisation d’opérer dans les territoires palestiniens occupés. En réponse, tout ce que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a trouvé à exprimer fut « sa profonde préoccupation ». Le paradigme humanitaire a même transformé ses partisans en imbéciles.

Sila Hoso, petite Palestinienne de sept ans, a besoin d’être soignée d’urgence en dehors de Gaza après avoir été blessée, en août dernier, lors d’un bombardement israélien à l’école Khadija, où sa famille s’était réfugiée. Sila souffre d’une fracture du crâne, d’une déchirure de la rétine et d’une vision déformée – des blessures qui ne peuvent pas être soignées à Gaza en raison de la destruction des hôpitaux spécialisés et du blocus des fournitures médicales. (Source : Suppressed News)

« Il n’y a pas d’alternative à l’UNRWA », a déclaré Guterres en octobre. Oh si, il y en a une. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) était censé être un organisme temporaire chargé d’aider les Palestiniens jusqu’à ce qu’ils puissent exercer leur droit légitime de retourner dans leur pays. Cependant, l’ONU en a fait un organisme permanent pour préserver l’existence d’Israël et son expansion coloniale. S’il n’y a pas de remplaçant à l’UNRWA parce que l’ONU a décidé que la colonisation israélienne devait être prioritaire, alors l’ONU doit rectifier son erreur vieille de plusieurs décennies.

Lors du Forum de médiation de Doha cette semaine, Lazzarini a averti que « l’effondrement de l’UNRWA priverait au moins 50.000 enfants d’éducation et un demi-million de réfugiés palestiniens de soins de santé primaires ». Mais alors que l’UNRWA revendique la neutralité, et que ses donateurs, en particulier les États-Unis, ont insisté pour que l’agence applique une neutralité stricte, Lazzarini a mentionné l’Alliance mondiale pour la mise en œuvre de la solution à deux États comme une initiative qui « peut aider à déterminer une voie politique viable à suivre ». Alors que le génocide est perpétré par l’État colonial de peuplement en Palestine occupée, l’UE et les États arabes continuent de promouvoir la « solution » à deux États et de créer des carrières diplomatiques autour de la gestion des conséquences brutales du colonialisme.

Cependant, promouvoir la diplomatie ratée des opportunistes n’aidera pas les enfants à être des enfants. Les enfants palestiniens de Gaza sont des individus profondément traumatisés. Beaucoup l’étaient même avant le génocide actuel, et la faute en incombe uniquement à Israël et à la communauté internationale qui défend le discours sécuritaire d’Israël, dont plusieurs sont également d’importants donateurs de l’UNRWA. Une rhétorique telle que « aider les enfants à être des enfants » passe sous silence la réalité coloniale et génocidaire que vivent quotidiennement les enfants palestiniens de Gaza. Gaza est un territoire totalement dangereux ; des enfants ont été tués, brûlés vifs, brutalement déchiquetés par des bombes, mutilés à vie et affamés. Certains ont été pris pour cible alors qu’ils transportaient les restes de leurs frères et sœurs morts.

Il n’y a plus de normalité à Gaza. Si l’UNRWA est autorisée à continuer à fonctionner, elle sera confrontée à des circonstances sans précédent qui devraient mettre fin à la prémisse de la neutralité. Un enfant vivant dans un contexte non génocidaire peut comprendre que « les enfants sont des enfants ». Les enfants palestiniens ont été confrontés à des horreurs que la plupart des adultes de ce monde ne connaîtront jamais de toute leur vie, en particulier les diplomates qui participent à une quelconque escroquerie à deux États, le vernis parfait pour perdre un temps précieux pendant qu’Israël colonise et annexe toujours plus de territoire palestinien.

Promouvoir une « solution » à deux États n’aide pas les enfants palestiniens à être des enfants. Au lieu de saluer des initiatives qui n’ont abouti à rien au cours des 30 dernières années, l’UNRWA devrait adopter une position politique qui ait du sens dans le cadre de son mandat. La communauté internationale a le devoir d’éradiquer le colonialisme ; l’ONU s’est même engagée à le faire, à l’exception du colonialisme israélien, bien sûr.

L’UNRWA peut remplir son mandat si l’ONU remplit son devoir d’éradiquer tout colonialisme et de restituer la Palestine au peuple palestinien. Alors peut-être que les générations futures d’enfants palestiniens pourront être des enfants sur leur propre terre. Jusque-là, l’UNRWA fonctionnera à partir d’un déficit politique qu’elle ne reconnaît pas, refuse de reconnaître ou n’est pas autorisée à reconnaître, et les enfants palestiniens ne seront jamais des enfants au sens idéalisé qu’on les imagine.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR