Renversement du président Bachar al-Assad… et confusion générale

Daniel Vanhove, 10 décembre 2024. Les derniers évènements en Syrie sont gravissimes. Et ne devraient pas favoriser l’Axe de la résistance. Aussi, est-il incompréhensible de lire selon Reuters, que « le Hamas a félicité lundi le peuple syrien pour avoir concrétisé ses aspirations à la liberté et à la justice en renversant le président Bachar al Assad et son régime ».

Mont Hermon, Syrie, 9 décembre 2024.

De la même manière, comment peut-on affirmer son soutien et être militant de la cause palestinienne, en se félicitant de la chute du gouvernement syrien et la fuite de son président ? C’est une fois de plus, tomber dans le piège occidental qui n’a de cesse de fomenter tout ce qui est possible pour diviser toute résistance à la doxa atlantico-sioniste.

Faut-il revenir à l’abc en la matière, et rappeler que l’ennemi commun et prioritaire de l’Axe de la résistance est le régime terroriste israélien et les sionistes qui y manœuvrent en permanence, afin d’éradiquer par nettoyage ethnique, et maintenant par génocide, tout ce qui s’apparente de près ou de loin à l’identité palestinienne ?!

Faut-il une fois de plus rappeler aux militants pro-palestiniens, que dès lors que nos autorités se félicitent d’une situation à laquelle elles ont œuvré de manière active depuis des lustres, il convient de prendre l’exact contre-pied de leurs positions pour éviter de se tromper ?!

Faut-il aussi rappeler à ces mêmes militants qui s’enthousiasment de cette info, que le gouvernement français, dont le plus haut représentant en la personne de son président, qualifie de « barbarie » l’État du président al-Assad, recevait officiellement ce dernier, il y a quelques années, en tant qu’invité d’honneur aux représentations nationales du 14 juillet ?!

Faut-il enfin rappeler à ces bonnes âmes ce qu’il est advenu des pays comme l’Irak, la Libye, l’Afghanistan, le Soudan et tant d’autres lorsque les « libérateurs occidentaux » les ont aidés à renverser leurs mauvais leaders, y promettant comme à chaque fois monts et merveilles… et faut-il revenir sur les pillages et l’absolue dévastation qui en ont découlé, avec leur lot de misères en parallèle d’une corruption alimentant toujours les mêmes poches ? Décidément, il en est qui, confortablement installés, ont des cervelles de moineaux ! Ces mêmes cervelles qui ont déjà oublié sans doute ce qui se passait dans les prisons d’Abu Ghraïb, ou celle de Guatanamo. Ces mêmes cervelles qui pour la plupart, n’ont pipé mot quand Julian Assange mourait à petit feu dans une geôle britannique. Et ainsi de suite, dans un annuaire d’exemples que je ne peux citer sous le format d’un article.

Et pour conclure, peut-on soulever la question des réfugiés syriens en liesse qui se trouvent dans plusieurs Etats européens dont certains gouvernements se réjouissent déjà de pouvoir évoquer leur renvoi dans leur pays, puisque celui-ci serait débarrassé de son « dictateur » ?! Et est-il permis de s’interroger sur la nature et la durée de cette liesse, quand ces mêmes Syriens comprendront qu’ils fêtent des jihadistes inscrits sur les listes internationales en tant que « groupes terroristes » hissés le temps des calculs politiques atlantico-sionistes, au rang de « libérateurs » ? J’ose parier que cette liesse sera de bien courte durée !

Quoi qu’il en soit, force est de constater que la confusion des plans est étendue, et que beaucoup feraient mieux de réfléchir un minimum avant de se réjouir et de chanter en chœur avec la caste habituelle, au renversement du président syrien.

D’ailleurs, dans le même communiqué de Reuters, on peut lire par la suite, que « La réaction positive du Hamas à la chute du régime Assad contraste avec celle du Hezbollah, fervent soutien de l’ex-dirigeant syrien. Un responsable de la milice libanaise a qualifié lundi les événements en Syrie de « transformation majeure, dangereuse et nouvelle ». » Quand même…

Comment pourrait-il en être autrement, dès lors que l’un des principaux appuis dans le reversement du gouvernement syrien et de son président n’est autre que le régime génocidaire israélien qui, sur instructions du 1er ministre Netanyahu, s’est empressé de reprendre des positions perdues dans le Golan syrien, et qui avance dans plusieurs directions pour s’accaparer, selon les méthodes sionistes habituelles, de pans entiers du territoire syrien non défendus par son armée en déroute ?!

Selon Presstv, « B.Netanyahu a déclaré que l’accord vieux de plusieurs décennies avec la Syrie s’était effondré et a ordonné aux forces israéliennes de s’emparer d’une zone tampon sur les hauteurs du Golan où les soldats syriens avaient abandonné leurs positions (…) L’armée israélienne a également émis un avertissement, appelant les habitants de cinq villes du sud de la Syrie à rester chez eux jusqu’à nouvel ordre alors qu’elle menait des dizaines de frappes aériennes contre des bases, des installations et des dépôts d’armes militaires syriens. Ces villes sont Ofania, Quneitra, al-Hamidiyah, al-Samadaniyah occidentale et al-Qahtaniyah. » Et, sans réaction d’une résistance qui parviendrait à se réorganiser, ce n’est sans doute qu’un début. La ville suivante en point de mire semble être Deraa. Et l’armée de l’air sioniste prend pour cibles plusieurs aérodromes dans tout le pays, se lâchant, selon Gaza News, dans des bombardements massifs afin de détruire toute capacité d’armement susceptible de menacer les forces du régime génocidaire.

Certes, le clan Assad et son président ne sont pas des modèles de « démocratie » à l’occidentale. Certes, les méthodes musclées de son président à l’égard de ses opposants n’en feraient pas l’une de mes fréquentations préférées, et méritent d’être dénoncées. Et à l’évidence, la famille Assad n’est pas une référence en matière de liberté d’expression d’ailleurs plusieurs fois relevée par les autorités iraniennes elles-mêmes. Mais le pays est en proie à une guerre sournoise, fomentée par l’alliance entre les pires gouvernements terroristes qui soient – les nôtres et nos alliés, ayant sur les mains, bien plus de sang de victimes que n’en a le président syrien. Et se voit attaqué de toutes parts, directement et indirectement par une coalition d’une centaine de pays, au rang desquels des pays frères, arabo-musulmans. La Syrie a dû faire face à un embargo sur quantité de produits, et n’a pu se maintenir à flots que par choix drastiques, privations et sacrifices de sa population mise à genoux par les puissances agissantes. Il convient donc de raison garder, et d’opérer le tri indispensable dans le cadre d’une situation qui risque, à terme, de se retourner rapidement contre la résistance palestinienne privée ainsi d’un intermédiaire de poids.

Dans son camp concentrationnaire, abandonnée par la plupart, privée de presque tout, la résistance des factions gazaouies déjoue depuis plus de 14 mois, les plans génocidaires du régime sanguinaire sioniste, y payant un prix exorbitant en vies humaines. La Syrie de B. al-Assad était l’une des courroies de transmission des approvisionnements en armes et autres produits de l’Iran vers cette même résistance. Une fois que les groupes du Hayat Tahrir al-Cham (HTS) – anciennement Jabhat al-Nusra, ceux-là même dont se félicitait L. Fabius pour le « bon travail » qu’ils effectuaient – alliés au régime sioniste pour se libérer du président B. al-Assad, réclameront leur part de la manne, il y a fort à parier que les factions du Hamas ne pourront plus bénéficier aussi aisément des approvisionnements iraniens, quoi que ces derniers aient réaffirmé leur soutien.

Loin des lendemains qui chantent, la situation déjà fragile d’un Etat attaqué et meurtri de toutes parts n’en sera que plus instable encore. Ajoutant un peu plus au désordre régional. Les défis seront immenses. Les appétits des uns pour des pans de territoires, et des autres pour piller les réserves de pétrole et les richesses du pays, seront sources de confrontations au détriment de la population qui finira par regretter le minimum de stabilité qu’apportait le président Assad.

Le grand gagnant de cette situation chaotique dans la région encore un peu plus déstabilisée, est incontestablement le régime terroriste israélien. Celui-là même que combattait le président syrien et son clan. Se heurtant à la pugnace résistance palestinienne et libanaise, le plan du « Grand Israël » reprend des couleurs. L’un de ses principaux opposants a dû fuir pour ne pas finir comme Q. Soleimani, I. Haniyeh, H. Nasrallah, et bien d’autres…

Daniel Vanhove –

10.12.24