Partager la publication "En Palestine sacrifiée, cette « banalité du mal » qui nous renvoie à nous-mêmes"
Daniel Vanhove, 19 juillet 2024. Nous savions. Tous, nous savions. Tous, nous avions les informations. Il suffisait d’avoir le courage de les prendre en compte, et de les confronter aux récits mensongers du régime colonial sioniste. Mais, régulièrement alimentés par le rappel culpabilisant des crimes commis à l’encontre des juifs sous le régime nazi, nous avons manqué de ce courage. Nous n’avons pas produit le travail élémentaire de sortir de ce sordide amalgame élaboré par les stratèges sionistes se servant du génocide nazi, et d’en démêler les plans. Le sentiment de honte absolue face aux horreurs du régime nazi et de ses collabos nous a submergés, aveuglés, et paralysés. Ce qui se déroule depuis des décennies en Palestine occupée aurait dû non seulement nous alerter au plus haut point, mais de suite nous mobiliser tant collectivement qu’individuellement. D’autant qu’existent quantité d’informations sourcées ramenées par ceux qui se sont rendus sur place et en ont témoigné. De l’anonyme bénévole, aux ONG les plus en vue. Or, à quoi avons-nous assisté ? A de très modestes réactions sur la forme, mais jamais aucune sur le fond. Nos responsables politiques ont multiplié les réunions internationales, les sommets de façade et autres ballets diplomatiques accouchant de déclarations timorées et consensuelles. Mais sans prendre la moindre décision contraignante pour tuer dans l’œuf une idéologie mortifère qui a eu toute latitude pour se développer et en arriver, par ses intrigues odieuses, au génocide actuel que personne n’arrive plus à arrêter. Nous n’avons aucune excuse.
L’ainsi nommée « Communauté internationale » qui, dès le départ, a imposé la partition de la Palestine à ses habitants, s’est accommodée des pillages de terres pour quantité de mauvaises raisons, et n’y a rien opposé de sérieux sinon quelques piètres protestations verbales. Ces vols étaient toujours accomplis avec violence allant souvent jusqu’aux crimes de Palestiniens lésés et agressés par des colons majoritairement issus d’Europe et des Etats-unis. Mais comme il s’agissait d’individus se réclamant de leur appartenance au « peuple juif », personne n’a osé réagir, et ces pratiques illégales sont devenues la norme, voire « banales ».
Le Droit international et humanitaire a été mis en place après les carnages des deux guerres fratricides qui ont dévasté l’Europe et débordé au-delà au point de les qualifier de « mondiales ». Quantité de juristes y travaillent dans des conditions parfois pénibles, tant ce Droit se heurte régulièrement aux intérêts économiques et financiers des pays dominants qui n’entendent pas se laisser imposer de limites dans leurs aventures coloniales prédatrices. Dans les enceintes onusiennes qui devraient être exemplaires, la loi du plus fort règne aussi, à peine tempérée par certaines règles auxquelles la plupart des Etats ont pourtant accepté de se soumettre. Sauf que ce Droit international et les résolutions qu’il émet occasionnellement n’est pas respecté par la colonie appelée « Israël » au titre d’exceptionnalité. Et personne n’a trouvé à redire, sinon les habituelles réprobations aussi « banales » qu’inopérantes.
Les « avant-postes » – pour reprendre le langage du régime colonial – implantés par les différents gouvernements sionistes se sont multipliés dans les collines et les terres désertiques habitées de bédouins et leurs troupeaux, loin des caméras et la plupart du temps ignorés des médias. Ces nomades étaient, de toute façon, vus depuis les pays se disant « civilisés », tels des arriérés vivant encore sous tentes et se déplaçant au gré des saisons, comme autrefois. Et puisqu’il s’agissait d’Arabes, dans les habitudes des grandes puissances, rien de neuf dans ce racisme inhérent à leurs pratiques coloniales, et quoi de plus « banal », en somme?
En parallèle, les habitations de Palestiniens vivant à Jérusalem, « capitale éternelle » revendiquée comme telle par l’entité sioniste et confirmée en ce sens par son principal sponsor étasunien sous l’administration Trump que d’aucuns trouvent « tellement mieux » que ses adversaires, font régulièrement l’objet d’expulsions et de démolitions au profit de colons juifs, jetant ainsi des familles palestiniennes entières à la rue, malgré leurs titres de propriétés hérités de leurs aïeux et transmis au fil des générations. Mais, qui s’en émeut, dès lors que ces pratiques mafieuses sont devenues habituelles donc, « banales » dans la judaïsation forcenée de la ville ?
Dans le même temps, l’étau s’est resserré également en Cisjordanie occupée où de plus en plus souvent, des Palestiniens se font chasser de chez eux au profit de familles de colons qui grignotent ainsi l’habitat et les terres des autochtones, sans que personne n’y oppose quoi que ce soit comme mesures fermes pour indiquer que ces vols éhontés et les déracinements qu’ils provoquent depuis plus de 75 ans n’est plus acceptable. Empêchant de la sorte, tout solution à « deux Etats vivant côte à côte » comme l’anonnent encore les idiots utiles qui, reprenant cette formule, ne font que retarder toute issue au problème. La Knesset vient d’ailleurs de voter à une écrasante majorité – 68 voix contre 9 – le refus de tout Etat palestinien. Encore et toujours la même « banalité », quoi.
Pendant ces longues années de résistance opiniâtre de la part des Palestiniens, des assassinats dits « ciblés » par les meurtriers qui les commettent, ont émaillé les multiples protestations et autres mouvements de la population civile palestinienne, la plupart du temps non violentes. La liste des martyrs s’est allongée. Celle des blessés également, souvent par tirs de snipers israéliens qui parfois, par jeu, visaient leurs cibles pour les rendre handicapées. Le nombre de jeunes Palestiniens amputés des jambes est effarant. Mais, le régime criminel responsable d’une telle politique clamait que face à des lanceurs de cailloux, il avait bien le « droit de se défendre », non !? Antienne reprise en chœur par tous les responsables politico-médiatiques de nos pays si prompts à utiliser la justice et ses décrets… en fonction de ce qui les arrange. La « banalité » ordinaire, en somme.
Parfois, ces mouvements de résistance ont pris l’ampleur de révoltes de masse, plus violentes, bousculant le train-train quotidien d’une politique coloniale qui persévérait dans ses opérations d’usurpations et de vols de terres. Réprimées dans d’horribles bains de sang, elles n’ont fait l’objet d’aucune opposition sérieuse de la part des « amis d’Israël » qui, au contraire, continuaient leur business avec un régime qui affichait pourtant tous les signes d’une politique d’apartheid vis-à-vis des populations dont il avait la charge. Piétinant ainsi les « valeurs » derrière lesquelles ces élus indignes se réfugient… quand ça les arrange. Ces vastes mouvements de révolte appelés Intifada, réprimés dans une violence extrême et entraînant des victimes se comptant en dizaines de milliers par l’armée coloniale ne devaient pas perturber le cours normal des contrats en cours avec ce régime assassin. Et après quelques mois d’échauffourées, le business as usual aussi « banal » qu’à l’habitude, reprenait son cours.
D’année en année, puis en décennie, le régime terroriste israélien resserrait toujours plus sa poigne sur la Palestine et poursuivait son plan macabre de liquidation et de nettoyage ethnique de sa population, avec comme summum de barbarie la transformation de la bande de Gaza en immense camp concentrationnaire, véritable ghetto coupé de tout contact avec les villes et villages frères palestiniens. Maintenus en survie par un calcul sordide de rations calorifiques quotidiennes acheminées par camions, 2.300.000 Palestiniens y sont soumis à toutes sortes d’expériences sécuritaires au service de l’industrie de la défense de ce régime criminel se targuant de ses prouesses in vivo. Et les « amis d’Israël » de signer de gros contrats pour bénéficier de ces technologies dernier cri, éprouvées par les Gazaouis abandonnés de tous dans ce qui devenait un camp d’expérimentation et d’extermination, et considérés comme de « banals » cobayes.
Dernièrement, la réponse des factions de la résistance emmenée par le Hamas à travers leur opération Déluge d’al-Aqsa a pris tout le monde par surprise, au premier rang desquels l’infâme régime d’apartheid persuadé qu’avec sa suprématie technologique il pouvait contrôler tout ce qui se passe en Cisjordanie et surtout dans la bande de Gaza, et qui s’est trouvé pris à revers par les factions de la résistance montrant de quel courage elles relevaient. Depuis, l’horreur a dépassé toute limite et est de l’ordre de l’inhumanité. Le régime terroriste israélien, convaincu de la latitude qui lui est laissée depuis toujours à l’abri de son bouclier américain, se permet l’impensable, l’innommable. Toute barbarie y est déployée avec une férocité et un sadisme qui tiennent de la pathologie. Aucune vie palestinienne n’est à l’abri. Personnes âgées, femmes, enfants, nourrissons, prisonniers, malades, tout y passe. Y compris le bétail malingre qui s’y trouve encore. Ce faisant, il a perdu en quelques mois le soutien public qu’il avait mis des décennies à bâtir tout autour de la planète en s’appuyant sur son destin qu’il aimerait si particulier. De plus en plus de citoyens ont pris la mesure de l’ignominie et vomissent ce régime colonial, et dans la foulée conspuent leurs propres gouvernements de ne pas agir avec fermeté à l’encontre des responsables politiques d’un tel régime de terreur. Dévoilant au grand jour cette justice bafouée, à géométrie toujours plus variable, et qui semble avoir perdu toute boussole dès qu’il s’agit de la Palestine et de sa population arabe sacrifiée.
Cette paresse morale et intellectuelle aboutit à une inéluctable dérive, jusqu’à l’abandon de nos repères toujours plus vagues et flous, démontrant à quel point nos responsables politico-médiatiques ont perdu le minimum d’éthique. Mais, ne sont-ils pas nos représentants ? Et dès lors, une telle « banalisation du mal » ne nous concerne-t-elle pas tous, a titre privé comme à titre collectif ? Comment nos sociétés en sont-elles arrivées là ?! Certains pensent-ils qu’en laissant un régime mettre en œuvre le même genre d’exactions qu’une partie de ses anciens ont connues sous le IIIè Reich allemand, ils se rachètent de leur passé et qu’une quelconque justice lui soit ainsi rendue ? Comment accepter qu’avec nos moyens de communication branchés 24h sur 24h une population déjà exsangue soit privée de nourriture et d’eau par une politique coloniale que nos gouvernements soutiennent ?! Nous n’avons aucune excuse !
Nous savions. En ce qui concerne la Palestine, il y a déjà bien longtemps que toute limite a été franchie. Et il y a déjà bien longtemps que nous aurions dû faire le forcing pour contraindre nos gouvernements à agir avec détermination, rappeler nos diplomates, expulser ceux de cet odieux régime, arrêter les accords d’association avec l’Europe, refuser l’accès aux compétitions sportives et manifestations culturelles, stopper tout financement sous prétexte de « recherches », ainsi qu’arrêter toute livraison d’armes, etc… Bref, prendre une série de sanctions drastiques vis-à-vis de ce régime sioniste et raciste, sans se laisser impressionner par le « joker » de l’antisémitisme régulièrement brandi par les nazillons qui le soutiennent en menaçant ceux qui font parfaitement la différence d’avec l’antisionisme.
Il est inadmissible de détourner le regard : nous savions ! La Palestine est sacrifiée sur l’autel de nos lâchetés. Et aujourd’hui, ce qui est d’une gravité indicible, est que non seulement nous avons laissé faire, mais nous continuons à laisser le mal absolu devenir une « banalité », sous nos yeux… ce qui nous rend coresponsables du génocide de la population palestinienne vis-à-vis de laquelle nous aurons, croyez-le ou non, une dette qu’il nous faudra payer. Et plus les jours passent, plus celle-ci sera lourde.