Il faut braquer les projecteurs sur la Palestine aux JO de Paris

Tafi Mhaka, 11 juillet 2024. Dans quelques semaines, le 26 juillet, débuteront les Jeux Olympiques de 2024 à Paris, apportant joie, enthousiasme et, peut-être plus important encore, un sentiment renouvelé de solidarité humaine dans la vie des amateurs de sport du monde entier.

Campagne BDS-France, 18.01.2024 (source https://www.bdsfrance.org/)

Des millions de personnes, de l’Afrique à l’Asie, de l’Europe aux Amériques, seront scotchées à leurs écrans de télévision pour regarder les athlètes drapés aux couleurs de leurs drapeaux nationaux s’affronter pour devenir les meilleurs et célébrer leurs succès comme les leurs. Les enfants, en particulier, découvriront ce qui peut être réalisé grâce à la détermination et au travail acharné et comment le sport peut rassembler les gens.

Pour les Palestiniens qui tentent de survivre à la guerre génocidaire israélienne à Gaza, les Jeux Olympiques de 2024 ne seront rien d’autre qu’une nouvelle confirmation de l’apparente indifférence du monde à l’égard de leurs souffrances.

Des millions d’enfants palestiniens mutilés, orphelins, déplacés et traumatisés par l’agression israélienne ne seront même pas conscients de la compétition sportive mondiale qui se déroule en France. Ils seront trop occupés à chercher de l’eau, de la nourriture et un abri et à pleurer leurs proches tués, leurs maisons détruites et leur avenir volé pour prêter attention à qui court le plus vite ou saute le plus haut à Paris.

Depuis le 7 octobre, la bande de Gaza assiégée est le théâtre d’une tragédie sans précédent. Selon des estimations prudentes, en un peu plus de neuf mois, l’armée israélienne a tué plus de 38.000 personnes et en a blessé près de 90.000. Ce bilan comprend plus de 15.000 enfants. De nombreux autres se retrouvent sans parents. L’assaut israélien a également détruit la plupart des écoles et hôpitaux de la bande de Gaza. Il n’y a plus d’universités debout. Autrefois abritant plus de deux millions de personnes, la majeure partie de Gaza n’est plus que décombres.

Dans ce contexte sans précédent, les Jeux Olympiques ne devraient pas se dérouler comme si de rien n’était avec la participation d’Israël.

Selon la Charte olympique, les Jeux cherchent à créer un mode de vie fondé, entre autres, sur « le respect des droits de l’homme internationalement reconnus et des principes éthiques fondamentaux universels ».

Depuis sa création, Israël viole de manière flagrante les droits de l’homme et les « principes éthiques fondamentaux universels » sans aucune conséquence.

Pendant 76 ans, Israël a minutieusement mis en œuvre le régime de l’apartheid sur les Palestiniens et s’est montré incapable de souscrire au droit humanitaire international ou même aux valeurs olympiques fondamentales.

Parmi ses violations étendues et flagrantes figurent la confiscation généralisée des terres et des biens palestiniens, les meurtres illégaux, les déplacements forcés, les restrictions sévères de déplacement, la détention arbitraire et le déni de nationalité et de citoyenneté aux Palestiniens.

Et depuis neuf mois, Israël est engagée dans une guerre génocidaire contre les Palestiniens à Gaza.

La participation d’Israël aux Jeux de cette année, alors qu’il continue de massacrer quotidiennement les Palestiniens, serait une erreur aux proportions épiques. Non seulement cela bafouerait les valeurs olympiques, mais cela encouragerait également le gouvernement israélien à continuer de tuer des hommes, des femmes et des enfants palestiniens innocents.

Certains disent qu’il faut qu’Israël soit autorisé à participer parce que « la politique et le sport doivent rester séparés », tandis que d’autres affirment qu’il ne doit pas être puni pour « s’être défendu contre le Hamas ». Aucun des deux arguments ne tient la route. Le massacre d’enfants, la destruction systématique d’écoles, la destruction d’hôpitaux ne sont pas des « actes d’autodéfense » ou de simples désaccords politiques qui peuvent être mis de côté lors de la pratique d’un sport. Il s’agit de crimes contre l’humanité qu’il ne faut ignorer ou excuser dans aucun contexte. Tout État se livrant à de tels crimes doit être condamné et exclu à l’échelle mondiale.

En février, un groupe de 26 députés français a fait appel au Comité International Olympique (CIO), l’exhortant à exclure Israël de la participation aux prochains Jeux Olympiques de Paris. Ils ont insisté sur le fait que les athlètes israéliens devraient participer sous un drapeau neutre, de la même manière que les athlètes russes et biélorusses devraient participer aux Jeux de cette année en raison de l’agression continue de leurs pays contre l’Ukraine.

Les clubs sportifs palestiniens, les centres de jeunesse et les organisations de la société civile ont également appelé le CIO à respecter ses principes et à remplir ses obligations. Ils ont demandé l’exclusion d’Israël des Jeux Olympiques, au moins jusqu’à ce qu’il abandonne son système d’apartheid.

Cette démarche n’est pas sans précédent historique. L’Afrique du Sud de l’apartheid s’est vu interdire de participer aux épreuves olympiques de 1964 et 1968. Et en mai 1970, elle a été complètement expulsée.

L’exclusion de l’Afrique du Sud des Jeux olympiques était une conséquence de sa violation de la première règle de la Charte olympique, qui interdit clairement la discrimination contre tout pays ou individu fondée sur la race, la religion ou l’affiliation politique. Le pays n’a été réadmis dans le giron olympique qu’après la chute de l’apartheid en 1991.

Il est vraiment honteux que le CIO, qui a fait le bon choix en excluant l’Afrique du Sud de l’apartheid des jeux et en prenant des mesures significatives pour limiter la participation de la Russie et de la Biélorussie cette année [réserves sur ce parallèle qu’on peut considérer comme inapproprié, NdT], ne semble pas disposé à faire de même avec l’apartheid israélien.

Alors que les responsables refusent de défendre les valeurs olympiques et d’exclure Israël, il sera donc de notre responsabilité commune, lors des Jeux de cette année, de maintenir l’attention sur les crimes continus d’Israël contre les Palestiniens.

Les spectateurs à Paris peuvent parler de la Palestine à travers des chants et des manifestations. Les athlètes peuvent eux aussi profiter de l’attention qui sera braquée sur eux pour attirer l’attention sur Gaza. Ils peuvent organiser leurs propres manifestations, ou au moins faire preuve de solidarité avec les Palestiniens en portant un keffieh sur leurs épaules devant les caméras.

Les Jeux Olympiques sont précieux car, pendant deux courtes semaines, ils rassemblent les nations du monde dans une compétition amicale, nous rappelant notre humanité commune et la beauté de la solidarité humaine.

Si Israël est autorisé à y participer sans protestation ni opposition, surtout cette année alors qu’il commet un génocide contre un peuple vivant sous son occupation, les jeux perdront tout sens et deviendront juste un autre spectacle vide organisé pour divertir les masses et augmenter la consommation.

Alors que le CIO semble peu disposé à défendre les valeurs olympiques et à faire ce qu’il faut, il nous appartient à nous, citoyens du monde, de garantir que les Jeux servent leur objectif et promeuvent les « droits de l’homme » et les « principes éthiques fondamentaux universels ».

Article original en anglais sur Al-Jazeera / Traduction MR