Interview du chef adjoint du Bureau politique du Hamas, Saleh Al-Arouri, sur Al-Jazeera, le 2 décembre 2023.
Les échanges de prisonniers
Actuellement, il n’y a pas de négociations, et la position officielle et définitive du Hamas et de la Résistance est qu’il n’y aura pas d’échange de prisonniers jusqu’à l’arrêt complet et définitif de l’agression terroriste sioniste. Dès le début, le Hamas a déclaré sans duplicité que les prisonniers étrangers arrivés à Gaza le 7 octobre n’étaient pas ciblés, et qu’il était prêt à les libérer sans aucune contrepartie, et que les enfants et les femmes civiles prisonniers n’étaient pas non plus visés par l’opération, et ne sont arrivés à Gaza que du fait de conditions exceptionnelles, et seraient libérés en échange de nos femmes et enfants détenus par l’occupation via un échange sous supervision internationale. Cela a été fait. L’ennemi prétend que nous détenons encore des femmes et des enfants, mais nous avons libéré tous ceux qui étaient entre nos mains, et s’il se trouve encore des cas particuliers, c’est à notre insu (entre les mains d’autres factions ou individus). Les prisonniers restants entre nos mains sont des soldats et des employés de l’armée d’occupation, et il n’y aura donc aucune négociation à leur sujet avant la fin de l’agression.
L’échec des négociations
Nous avons dit depuis le début que nous étions prêts à échanger les corps des martyrs palestiniens détenus par l’occupation, qui ont trouvé le martyre dans les prisons ou ailleurs, et parmi eux, évidemment, les combattants qui ont trouvé le martyre durant l’opération du 7 octobre, mais nous avons besoin de temps pour récupérer les corps des prisonniers sionistes tués par l’occupation lors de ses raids sur notre peuple à Gaza. Il y a des dizaines d’Israéliens tués par les frappes de l’armée d’occupation, peut-être une soixantaine, et une partie d’entre eux est encore sous les décombres. Ils étaient avec les habitants, et ont été tués. Mais l’occupant a répondu que les corps des Israéliens tués ne l’intéressaient pas actuellement, et les dernières négociations étaient au sujet des personnes âgées de sexe masculin. En ce qui nous concerne, à partir du moment où ils ont tous servi dans l’armée et que certains sont encore réservistes, les critères d’échange sont différents de ceux des femmes et des enfants. L’occupation a refusé de conclure l’accord de libération des anciens soldats avec de nouveaux critères, et c’est pourquoi ils ont relancé leur agression criminelle hier et aujourd’hui, pensant qu’en recommençant à cibler nos enfants et nos femmes, nous changerions de position et capitulerions. Cependant, notre position officielle est que tout accord d’échange de prisonniers ne sera discuté qu’après la fin de la guerre.
Les objectifs de l’agression
L’ennemi se fait des illusions s’il pense pouvoir nous imposer sa domination par la force, la destruction, le siège et les massacres de masse. Son premier round dans la guerre a été un échec retentissant : malgré près de 50 jours de frappes annihilatrices contre Gaza, il a été incapable de contrôler le nord de Gaza, la ville de Gaza et ses alentours. L’occupation reconnait qu’elle n’a pénétré que dans 40% du nord de Gaza. Nous sommes absolument convaincus que l’occupation ne parviendra pas à contrôler la bande de Gaza, ni la Cisjordanie, ni notre peuple, et qu’il ne parviendra pas à briser notre volonté. C’est une affirmation catégorique. Les forces que l’armée sioniste a mobilisées pour attaquer Gaza, soit un tiers de ses forces terrestres, plus d’un tiers de ses forces aériennes et sa force navale. Ces forces sont suffisantes pour attaquer de grands pays entiers. Pourtant, connaissant la combativité de nos soldats, elle a décidé de n’attaquer qu’un tiers de la zone nord de la bande de Gaza, et pendant 50 jours, elle n’a pas réussi à en prendre le contrôle, et elle n’y parviendra jamais. Les pays qui soutiennent l’occupation sont convaincus que les objectifs annoncés par le gouvernement sioniste, à savoir éliminer le Hamas, récupérer les prisonniers par la force et contrôler Gaza sont irréalisables. Je pense que l’ennemi sioniste a besoin de passer par ce cycle pour que son peuple, ses dirigeants et son armée soient assurés qu’il est absolument incapable de réaliser ces objectifs. Il ne parviendra pas à libérer les prisonniers, sauf par le biais d’une opération d’échange comme le souhaite la Résistance. Pour l’échange de Gilad Shalit, nous avions dit dès le premier jour que le prix de la libération de ce soldat était 1000 prisonniers, et nous avons libéré 1045 prisonniers. Et cette fois, nous avons dit dès le premier jour que le prix de nos prisonniers sionistes est la libération de la totalité des prisonniers palestiniens présents dans les geôles de l’occupation. Et tout le monde finira bien par comprendre que les prisonniers israéliens ne seront libérés que contre tous nos détenus, après le cessez-le-feu. Quant à l’idée de briser la Résistance à Gaza, de briser la volonté de notre peuple et de contrôler la bande de Gaza, ce ne sont que des illusions. L’occupation mène une guerre de vengeance et de crimes contre les innocents, et tout ce que réalise l’ennemi, c’est d’assassiner des femmes et des enfants, de raser des immeubles résidentiels et des maisons, de détruire les infrastructures, les hôpitaux, les mosquées, les églises et les écoles. Et le monde entier voit la barbarie et l’atrocité de ces crimes perpétrés par l’occupant.
La fin du cessez-le-feu
La position américaine n’est pas indépendante de la position sioniste : elle ne la suit pas mais la précède, et c’est bien connu. Biden précède Netanyahou en couvrant, justifiant et commanditant ces crimes contre le peuple palestinien. Et les Etats-Unis ont annoncé il y a quelques jours qu’ils avaient livré à Israël des armes d’une capacité de destruction sans précédent : une seule d’entre elles larguée sur le camp de réfugiés de Jabaliya a tué plus de cent personnes. Et ils utilisent aujourd’hui ces nouvelles armes pour exterminer nos femmes et nos enfants. C’est de notoriété publique. Les Etats-Unis sont en faillite morale complète en ce qui concerne le conflit en Palestine, et sont devenus plus fascistes et nazis que l’entité sioniste elle-même. Les Israéliens qui suivent les faits savent bien que deux jours avant la fin du cessez-le-feu, le ministre de la guerre israélien Yoav Gallant a lui-même admis avoir signé la décision de reprendre les opérations militaires, qui est bel et bien une décision israélienne préméditée ; ce n’est donc pas le Hamas qui a rompu le cessez-le-feu. Du reste, ce n’était pas un cessez-le-feu mais une trêve, le temps d’effectuer des échanges partiels de prisonniers, et cela ayant été effectué, la reprise des combats était inévitable. Notre peuple se battra, résistera et ne se rendra pas tant que nous n’aurons pas forcé l’ennemi à reconnaître les droits historiques, nationaux et politiques de notre peuple reconnus par le monde entier.
Comment mettre fin à la guerre ?
L’ennemi fera l’expérience de ce cycle pour s’évertuer à atteindre des objectifs qu’il n’a pas réussi à atteindre lors du cycle précédent, à savoir libérer ses prisonniers et liquider le Hamas, et il échouera cette fois-ci également. Point final. Si, dans le nord de Gaza, il a mené toute cette guerre destructrice, est entré dans les hôpitaux et a perpétré tous ces massacres, sans parvenir à libérer quiconque, et que certains échanges de prisonniers ont eu lieu dans le centre de la ville de Gaza, comme le monde entier a pu le voir, cela confirme bien l’échec israélien au premier round de la guerre. Nous avons pris la ferme décision de libérer la totalité de nos prisonniers dans les geôles israéliennes en échange des prisonniers israéliens entre nos mains, et il s’agit d’une décision irrévocable. Il nous est impossible de revenir là-dessus. Que la guerre suive donc son cours, avec ses souffrances indicibles. Nous ressentons profondément la souffrance de notre peuple, de nos enfants, de nos femmes, et l’effusion de sang à Gaza et en Cisjordanie est l’effusion de notre sang, mais ce sacrifice est nécessaire, c’est un devoir pour libérer notre peuple, nos lieux saints, obtenir nos droits et libérer nos prisonniers qui reçoivent actuellement les pires traitements. Le ministre israélien de la sécurité, le nazi Ben-Gvir, se rend personnellement dans les prisons pour assister à l’humiliation, à la répression et à la torture des prisonniers, comme les chefs nazis qui se rendaient en personne dans les camps d’extermination. En ce qui nous concerne, le monde entier voit comment les combattants du Hamas et des autres factions de la Résistance traitent humainement les prisonniers sionistes à Gaza.
La situation militaire de la Résistance
La Résistance est prête à faire face à tous les scénarios, qu’il s’agisse d’une guerre aérienne ou terrestre, ou à ce que l’ennemi pénètre dans toutes les rues et ruelles. La Résistance est prête, et embrassée par tout le peuple palestinien, qui est tout entier Résistance. S’il y avait une scission entre cette résistance et ce peuple, il aurait été impossible que ce peuple supporte tous ces sacrifices. On n’entend personne dénoncer ou accuser la Résistance, car tous ont conscience de la sainteté et de la sincérité de ce combat. Nous déclarons donc à notre peuple et au monde de ne pas avoir peur pour la Résistance, de ne pas s’inquiéter pour elle. La Résistance à Gaza ne craint rien, mais cela ne dispense pas notre Communauté [arabe et islamique] de soutenir par tous les moyens nos enfants, nos femmes et notre peuple soumis aux massacres. La Résistance va bien et sera victorieuse, avec la grâce de Dieu. Je ne vais pas donner de délai, mais rapidement, tout le monde verra bien que la question n’est pas de savoir ce qui se passera après le Hamas, mais plutôt de savoir comment cette armée d’occupation peut se sortir du bourbier dans lequel elle s’est enlisée.
Le risque de déportation
L’idée de déplacement a toujours été présente dans l’esprit du projet sioniste criminel, depuis les débuts du sionisme, qui s’est fondé sur l’idée d’arracher notre peuple de sa terre et de le déporter. Durant la Nakba de 1948, des centaines de milliers de Palestiniens ont été expulsés de leurs terres. On parle de 80% de notre population qui a été déportée. Ce projet reste profondément enraciné dans leurs esprits, et ils y œuvrent constamment. Au sujet du projet de déportation, je tiens à souligner pour nos frères en Cisjordanie que ce projet devait initialement être implémenté en Cisjordanie, et Smotrich, Ben Gvir, une grande partie de ce gouvernement et tout le Likoud y œuvraient activement. Mais l’ouverture de la bataille à partir de Gaza a déplacé l’attention vers cette zone. Mais ils continuent à rêver de déportation. Mais je tiens à déclarer que le projet de déplacement a échoué dès les premiers jours de la guerre. Durant les premiers jours de la guerre, il y avait une volonté claire, forte et résolue de l’occupation de déporter en Egypte la majorité de la population de Gaza, avec le soutien des Etats-Unis. Mais la fermeté de notre peuple et sa disposition à mourir sur sa terre et dans sa maison plutôt que de les quitter, ainsi que la forte position du monde arabe, l’Egypte entre autres, qui ont catégoriquement rejeté la déportation, ont fait échouer ce projet. C’est pourquoi le premier projet stratégique de l’ennemi au début de la guerre a été abandonné. Si la destruction de la ville de Gaza n’a pas pu réaliser ce projet, ce n’est ni la destruction de Khan Younis, ni la destruction de Deir el-Balah, ni la destruction de toute autre ville qui y parviendra. Ce projet a d’ores et déjà échoué.
La situation en Cisjordanie
Tout le monde sait qu’avant la bataille du Déluge d’Al-Aqsa lancée le 7 octobre, la Cisjordanie était le fer de lance de la Résistance face à l’armée d’occupation et aux colons, et la situation a connu une escalade significative et une forte tension, car notre peuple est arrivé à la conclusion que face à ce gouvernement et à cette occupation, la résistance armée était la seule voie. Puis après le 7 octobre, la pression sur la Cisjordanie était terrible, et l’occupation a commis tous les crimes dont elle rêvait, les exécutions sur le terrain devenant la norme. Les 3 dirigeants des Brigades de Jénine tués il y a quelques jours ont été appréhendés et exécutés sur place. Les enfants à Jénine sont exécutés sous les yeux du monde entier. Un enfant a été exécuté d’une balle dans la tête, et un autre également, assassinés de sang-froid. Aujourd’hui encore, un autre enfant a été tué. Quant aux destructions de maisons, aux fermetures des routes, aux frappes aériennes contre le camp de Jénine, à l’usage des tanks, etc., tout ça est devenu la norme. Mais malgré la répression féroce, notre peuple a toujours repris rapidement sa Résistance, comme en témoigne l’opération à Al-Quds réalisée par deux jeunes des Brigades al-Qassam, et nous sommes absolument convaincus que la Cisjordanie pèsera de tout son poids dans cette bataille. Depuis le 7 octobre, elle a fourni plus de 250 martyrs, un nombre sans précédent en un mois et demi depuis la Première Intifada. En Cisjordanie, à Gaza et dans les territoires occupés en 1948, ainsi que dans les camps de réfugiés à l’étranger, c’est un même sang qui coule dans nos veines. La Cisjordanie est présente dans cette bataille, et elle le sera de plus en plus. Et je déclare à notre peuple en Cisjordanie que la bataille que mène la Résistance à Gaza vise en premier lieu à défendre la mosquée Al-Aqsa, Al-Quds (Jérusalem), a lutter contre l’expulsion et la colonisation, et nous devons donc tous y participer de toutes nos forces, sans se préoccuper des conséquences.
La situation au Liban et au Yémen
Nous accordons un poids à tout acte réalisé par quiconque dans le monde en soutien à la cause palestinienne, à ses droits et à sa Résistance, qu’il s’agisse des manifestations massives qui se déroulent aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs, du soutien populaire massif dans les pays arabo-musulmans ou des prises de position de gouvernements, de partis ou de personnalités solidaires avec notre peuple et sa lutte. Et bien sûr, nous accordons un poids, nous respectons et remercions les actions ciblant l’occupation de la part du Hezbollah au Liban, des Forces al-Fajr, des Brigades al-Qassam, des Brigades d’Al-Quds et de tous ceux qui participent à la lutte. Et nous remercions les opérations militaires menées par nos frères yéménites en aide à la Palestine et à Al-Quds ; ils ont lancé des missiles et des drones qui ont atteint la Palestine occupée, et saisi des navires israéliens. Et en Irak, en Syrie et partout ailleurs, toute action menée contre l’occupation et contre ceux qui l’assistent sont louées et remerciées, car elles permettent d’alléger l’effusion de sang palestinien et viennent en secours à notre cause en entravant l’ennemi.
Source : Le Cri des Peuples