Le monde n’écoute les Palestiniens que lorsque des Israéliens meurent

Robert Inlakesh, 10 février 2023. Au moins 43 Palestiniens, dont 9 mineurs, ont été tués jusqu’à présent cette année par des tirs israéliens et alors que le nombre de morts de colons et de soldats israéliens est officiellement plus de quatre fois inférieur, les médias occidentaux continuent de ne pas couvrir de manière correcte les meurtres de Palestiniens. Alors, qu’est-ce que cela nous dit sur la façon dont le ‘conflit’ est couvert et pourquoi la vie des sionistes compte-t-elle plus pour l’Occident ?

Depuis le début de l’année, les forces d’occupation israéliennes ont tué plus d’un Palestinien par jour et cela sans aucune guerre ni escalade militaire majeure. L’année dernière a représenté l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005, selon l’ONU, le nombre de morts de cette année indiquant que l’année 2023 pourrait bien être encore plus violente. Bien que la popoulation sioniste ait voté pour une coalition ouvertement fasciste pour diriger l’entité d’occupation, une coalition qui épouse la rhétorique de la violation non seulement du droit international mais aussi de la politique étrangère américaine, les médias occidentaux entretiennent toujours une histoire d’amour avec le régime de l’apartheid.

Il n’y a pratiquement aucune couverture lorsque des Palestiniens sont tués, même lorsqu’il existe des preuves vidéo claires de civils assassinés qui font le tour des réseaux sociaux. Lorsque les médias occidentaux décident de couvrir des histoires de Palestiniens assassinés, ils n’hésitent pas à simplifier à l’extrême, à utiliser un langage aseptisé et à voler le contexte de la situation actuelle sur le terrain ; se rendent coupables de cela des organesd’information allant de Associated Press et Reuters à Fox News et MSNBC.

Cependant, lorsqu’un Palestinien d’une vingtaine d’années est entré dans la colonie illégale de Neve Yaakov, à la fin du mois dernier, abattant 7 colons israéliens, l’attaque a été faussement détaillée et le contexte de l’incident a été entièrement déformé. Ce qui était le plus révélateur, c’est que la plupart des médias, y compris la BBC, ont décrit le lieu de la fusillade comme étant un « quartier de Jérusalem » et ont refusé de l’appeler une colonie illégale, ce qui a de facto permis aux médias occidentaux biaisés d’identifier que les colonies sont légitimes et font partie d' »Israël ». Cette position n’est même pas soutenue par un gouvernement occidental, puisque même les États-Unis s’opposent aux colonies, au moins à un niveau rhétorique superficiel. Il est en outre à noter que l’incident a fait l’objet d’une couverture complète et a été présenté comme une attaque terroriste antisémite, comparable à la couverture attendue si l’incident s’était produit à Londres ou à Paris.

La plupart, mais pas tous, des plus de 200 Palestiniens tués par les forces israéliennes en 2022. (Photo AlShabab/Gaza.)

La veille, cependant, les forces d’occupation israéliennes avaient commis un massacre dans le camp de réfugiés de Jénine, tuant au total 10 personnes et en blessant de nombreux autres. Pendant le saccage perpétré par « Israël » à l’intérieur du camp densément peuplé, on a dénombré le blocage des ambulances, les jets de gaz lacrymogène dans un hôpital voisin, deux tirs sur une vieille femme, à la gorge puis à la poitrine. On a constaté également l’utilisation d’une jeep militaire pour écraser le crâne d’un Palestinien qu’ils avaient déjà abattu et qui gisait sur la route. Le nombre de morts de l’incident dans le camp de réfugiés de Jénine était beaucoup plus élevé que l’attaque de représailles menée par Khairi Alkam contre les colons israéliens illégaux, mais les colons ont reçu plus d’attention que les réfugiés palestiniens.

Le fait que la colonie illégale de Neve Yaakov soit en elle-même un crime de guerre, et que les colons tués aient participé à ce crime de guerre, n’a pas d’importance pour les médias occidentaux et ils ont simplement décidé de construire un récit mythique sur une « fusillade de synagogue » dans un « quartier juif paisible », alors qu’il n’y a pas eu d’attaque à l’intérieur ni sur le terrain de la synagogue voisine et que la zone est littéralement une zone libre palestinienne.

Tout ce qui précède est prévisible étant donné la manière dont les médias occidentaux couvrent le conflit, car pour les médias et les gouvernements racistes occidentaux, « Israël » fait partie du « jardin » et leurs soldats sont des « jardiniers », pour reprendre la terminologie du ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, Joseph Borrell. Aux yeux de l’Occident, « Israël » est l’équivalent d’un avant-poste de la civilisation occidentale, le représentant de la « démocratie libérale » et la séparation entre le « jardin » et la « jungle », comme le dit M. Borrell. C’est pourquoi le président américain Joe Biden a affirmé que la fusillade de la colonie était « une attaque contre le monde civilisé », ce même « monde civilisé » qui a assassiné la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh l’année dernière, puis a écrit des rapports contradictoires pour blanchir le meurtre d’une journaliste chevronnée qui était même une citoyenne américaine. En termes simples, la vie des Palestiniens n’a pas d’importance pour le monde occidental, tandis que la vie des Israéliens juifs est sacrée, même si ces Israéliens sont des colons illégaux brandissant des armes à feu.

Ainsi, lorsque des Palestiniens sont massacrés, rien n’est fait et tout ce qui se passera sera un appel aux « deux parties » pour qu’elles s’abstiennent d’aggraver la situation. Lorsque des Israéliens sont tués à une échelle beaucoup plus petite, cependant, l’Occident et ses médias complices sont là pour mentir pour « Israël », pour l’aider et pour lui fournir des fonds, des armes et de l’expertise afin de se venger des Palestiniens. Eux, peu importe leur niveau de souffrances, se font toujours sermonner – même par certains Occidentaux pro-palestiniens –, ils sont sommés de réagir par des moyens purement pacifiques et on leur dit qu’ils ne devraient jamais recourir à la force, tandis que les Israéliens sont armés et financés jusqu’aux dents afin de « se protéger ».

Que se passe-t-il lorsque les Palestiniens suivent les conseils donnés par l’Occident et qu’ils se tournent vers la lutte non-violente, citant le droit international et demandant pacifiquement leurs droits ? Prenons l’exemple de la Grande Marche du Retour dans la bande de Gaza, qui a commencé le 30 mars 2018. Des centaines de milliers de Palestiniens se sont présentés à la barrière de séparation entre Gaza et la Palestine historique occupée par Israël, ils n’ont pas tué un seul Israélien en plus d’un an de manifestations. Ce qui s’est passé ? Plus de 300 civils palestiniens ont été abattus par des tireurs d’élite israéliens assis à des centaines de mètres, des dizaines de milliers d’autres ont également été blessés, dont beaucoup ont subi des blessures qui ont changé leur vie et beaucoup d’entre eux se sont vu refuser des soins médicaux par « Israël ».

En direct devant la caméra, semaine après semaine, des hommes, des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des journalistes, des travailleurs médicaux et des personnes âgées non armés ont tous été abattus par des soldats israéliens qui se sont même filmés en train de rire en le faisant. Quelle a été la réaction de l’Occident à ce mouvement de protestation de masse non violent ? Les gouvernements occidentaux l’ont presque complètement ignoré et les médias occidentaux ont raconté le faux récit suivant pour protéger « Israël » : « Israël défendait sa frontière contre les émeutes organisées par le Hamas par crainte pour sa sécurité et a peut-être parfois utilisé une force excessive ». Quelle est la réalité, vous vous demandez peut-être ? Il n’y a pas de frontière entre Gaza et « Israël », elle n’existe nulle part dans la loi ou sur le papier, les manifestations n’étaient pas des émeutes et le Hamas n’était pas le principal organisateur, et aucune force n’était nécessaire. Lorsque l’ONU et des organisations de défense des droits de l’homme internationalement respectées ont inspecté les affirmations d’ « Israël », ils ont constaté que le récit occidental était complètement faux ; cependant, les médias occidentaux ont continué sans vergogne à en parler de la même manière qu’ils l’avaient fait, s’ils avaient pris la peine de faire un article sur les manifestations.

Quand le peuple palestinien reçoit-il l’attention appropriée dans les médias, vous vous demandez peut-être ? C’est quand la résistance palestinienne abat des soldats, tue des colons ou tire des roquettes. Quand « Israël » est menacé et que des vies israéliennes sont prises, les médias occidentaux sont partout et les gouvernements occidentaux se présentent tous pour offrir leur soutien diplomatique, financier et militaire à l’entité sioniste. Le jeu est clair, les grands médias occidentaux sont racistes contre les Palestiniens et n’accordent aucune valeur à leur vie, alors quand ils sont tués, c’est comme s’ils étaient en quelque sorte responsables de leur propre mort. Que ce soit AP, BBC, Reuters jusqu’aux médias américains partisans comme MSNBC et Fox News, ils s’alignent tous pour déshumaniser les Palestiniens d’une manière ou d’une autre, ne les traitant jamais comme des égaux et ne leur reconnaissant jamais la légitimité à se lever et à lutter pour sa dignité en tant que un peuple. Les Israéliens, selon le récit occidental, sont autorisés à utiliser la violence pour maintenir leur hiérarchie de suprématie raciale et religieuse, pour « tondre la pelouse » afin que la « jungle » ne domine pas le « jardin », alors quand le gardien du « jardin » subit des pertes, le monde est attentif.

À ce stade, les Palestiniens n’ont d’autre choix que de se tourner vers la lutte armée, la lutte non violente seule ne peut pas fonctionner et les pays voisins se sont soit normalisés avec l’entité sioniste, soit ont été tellement affaiblis par la guerre qu’ils ne sont pas capables d’intervenir de manière significative. Le monde n’écoute que si des Israéliens sont tués, parce que malheureusement personne ne se soucie quand des Palestiniens le sont. Les seuls responsables de ce scénario sont le régime d’apartheid lui-même et ses alliés occidentaux, qui ont arraché l’espoir aux Palestiniens et les ont forcés à vivre une vie infernale sans terre, dignité ou représentation.

Article original en anglai sur Al-Mayadeen / Traduction MR
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